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Pour synthétiser, on peut dire que, dans les<br />
pays occidentaux, on constate l’émergence<br />
des conditions favorables à la parole collective<br />
des usagers, une organisation de la<br />
défense des droits car cette parole est aussi<br />
nécessaire, un développement de la parole<br />
individuelle et un début de reconnaissance de<br />
l’expertise d’expérience, l’émergence de la<br />
notion d’empowerment et de rétablissement<br />
ainsi que l’élargissement du champ de la<br />
recherche sur ces thématiques. Je pense<br />
en particulier aux recherches en sciences<br />
humaines, en sociologie qui commencent<br />
à s’intéresser à cette grande évolution du<br />
passage de l’asile à la cité, du silence au<br />
discours partagé.<br />
Concernant l’accès aux informations et<br />
aux ressources, il y a encore des points de<br />
progrès, car on constate toujours :<br />
• une résistance institutionnelle au<br />
changement de paradigme de la<br />
psychiatrie vers la santé mentale,<br />
• une méfiance des professionnels<br />
vis-à-vis de l’expertise des usagers,<br />
• un déficit de formation aux notions<br />
d’empowerment, de rétablissement et<br />
de santé mentale positive qui ralentit<br />
l’évolution des soins et maintient<br />
un modèle de soin qui peut être<br />
potentiellement coercitif et qui ne<br />
donne pas beaucoup d’espoir,<br />
• la persistance des tabous, de<br />
la stigmatisation, de la discrimination,<br />
• la persistance de pratiques et<br />
de situations de violation des droits<br />
fondamentaux des personnes,<br />
• un financement insuffisant des<br />
associations des usagers et aidants.<br />
Au fil de l’atelier, nous allons découvrir<br />
quatre illustrations de réponses qu’on peut<br />
apporter à ces questionnements, avec un<br />
premier témoignage d’un usager sur l’aide<br />
de la thérapie comportementale au moment<br />
de la naissance par Diana Wilson, suivie<br />
d’une intervention de Stéphanie Wooley sur<br />
l’importance des campagnes d’information<br />
et de déstigmatisation des problèmes de<br />
santé mentale. Ensuite, Roberto Cuni nous<br />
parlera du « Parcours de soins partagés »,<br />
un outil de papier construit par les usagers,<br />
les familles et les professionnels, pour en<br />
promouvoir la participation paritaire dans la<br />
négociation et dans le partage du parcours<br />
de soin et pour en améliorer les résultats.<br />
On terminera avec Dominique Laurent,<br />
présidente d’une association d’usagers<br />
dans le Sud de la France, qui va expliquer le<br />
modèle de fonctionnement participatif qu’ils<br />
ont mis en place pour favoriser la citoyenneté<br />
des personnes.<br />
Je terminerai cette note introductive<br />
en rappelant que les prochaines semaines<br />
d’information sur la santé mentale auront<br />
lieu en France dans six semaines, et elles<br />
seront l’occasion de faire avancer toutes<br />
les thématiques qui nous intéressent dans<br />
l’atelier aujourd’hui.<br />
Merci.<br />
Anneke Bolle : Merci Aude. Le premier<br />
intervenant est Diana Wilson.<br />
Diana Wilson : Bonjour, je suis ravie<br />
d’être ici. J’ai un TOC depuis 26 ans et j’ai<br />
été diagnostiquée à l’âge de 35 ans, avec<br />
quatre enfants. A l’époque, j’ai eu peur de<br />
brutalement tuer mes nouveau-nés. J’ai<br />
fait cinq sessions de thérapie cognitivocomportementale<br />
(TCC) en prenant un<br />
antidépresseur ISRS, et depuis, je me suis<br />
rétablie à 99 %. Je suis donc ici pour vous<br />
dire que le rétablissement complet, c’est<br />
possible. Je suis consciente que la plupart<br />
d’entre vous connaissent les bases du<br />
Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC), on<br />
a des obsessions qui sont toujours suivies<br />
par des comportements compulsifs répétitifs.<br />
La différence entre les TOC périnataux et les<br />
TOC, c’est que les craintes sont concentrées<br />
sur les bébés ou l’enfant qui n’est pas encore<br />
né. On va regarder le vocabulaire qui est utilisé.<br />
Auparavant, j’ai entendu des thérapeutes<br />
qui utilisaient des mots qui étaient tout à fait<br />
nuisibles à mes yeux : « ignorer les pensées »,<br />
mais c’est scientifiquement impossible de<br />
ne pas y penser, « essayer d’être positive »,<br />
mais c’est très difficile quand on a peur d’être<br />
violent et de poignarder son bébé avec une<br />
lame de rasoir. On va être positif uniquement<br />
quand on voit l’efficacité des TCC ou des<br />
Tests de la réalité.<br />
On dit : « Oh, mais je sais bien que tu ne<br />
feras jamais de mal à personne, et toi aussi<br />
tu le sais ». Non, on ne sait pas. C’est pour<br />
cela qu’on est là. On a l’impression que le<br />
thérapeute ne nous comprend pas ou qu’il ne<br />
comprend pas notre maladie.<br />
J’ai des suggestions concernant le<br />
dialogue qui peut nous aider. La première est :<br />
« ne réagissez pas, laissez les pensées venir<br />
à vous ». Cela est utile, mais la phrase la plus<br />
utile que j’ai jamais entendue c’était « laissez<br />
les pensées venir à vous et soyez d’accord.<br />
Laissez-les dans votre esprit. Je suis d’accord<br />
et je vais faire ce que vous voulez ».<br />
Passons à la logique utilisée et comment<br />
ces phrases peuvent aider quand on te<br />
dit : « personne ayant des TOC n’a fait de<br />
mal à son bébé. Des nouvelles données<br />
démontrent qu’aucune mère au monde n’a<br />
jamais fait de mal à son bébé en suivant ce<br />
type de pensées ». Vraiment, ça vous aide<br />
de penser et de savoir cela, ça rassure qu’on<br />
puisse avoir des pensées de notre passé, on<br />
pense que peut-être on a fait du mal à des<br />
enfants. C’est très difficile de revenir trente<br />
ans en arrière et de savoir si c’est une pensée<br />
ou si ça s’est effectivement passé. Mais il<br />
faut qu’on essaye d’appliquer les mêmes<br />
pratiques que celles qu’on utilise pour<br />
toutes les autres pensées de TOC. Souvent,<br />
quand on est diagnostiquée avec des TOC<br />
périnataux, on a peur que ce soit une erreur,<br />
que ça puisse être la schizophrénie ou un<br />
trouble psychotique. Mais à mon avis, c’est<br />
caractéristique chez les personnes qui ont<br />
des TOC.<br />
Je crois qu’un médecin ne devrait jamais<br />
dire : « non, vous ne devriez pas avoir d’enfant<br />
car vous avez des TOC ». Vous devez<br />
apprendre à vivre avec vos TOC grâce à une<br />
TCC, et voir si vous pouvez vous rétablir pour<br />
que vous puissiez avoir une vie avec des<br />
enfants. Il est possible de se rétablir.<br />
Ce qui m’inquiète, c’est que les thérapeutes<br />
ne comprennent pas l’énormité de la peur<br />
qui vous agrippe quand vous avez des TOC.<br />
Il faut le rappeler aux soignants. Voyons les<br />
étapes et les types de peur à commencer<br />
par moi-même. J’ai souffert de TOC pendant<br />
26 ans, j’avais peur de pouvoir faire du mal à<br />
des enfants. Nous avons peur de le révéler,<br />
serais-je rejetée par ma famille, mes amis,<br />
la société ? Vont-ils m’enfermer ? On a peur<br />
des professionnels de la santé mentale et des<br />
hôpitaux. Est-ce que je suis folle ? Vont-ils<br />
bien me traiter à l’hôpital ? La peur de me<br />
confronter à mes peurs, il faut s’y confronter<br />
sinon on ne s’améliore pas. J’ai peur de<br />
faire du mal à mes enfants. J’en serais<br />
responsable. Est-ce que je peux prendre<br />
182 AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />
AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />
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