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Jasna Russo : J’avoue que j’avais<br />

préparé quelque chose avant le séminaire<br />

et je voulais apporter ma propre contribution<br />

à ces thèmes. Je voulais prendre la parole<br />

hier lors de la plénière et aujourd’hui à la<br />

Rotonde, mais certaines idées que j’avais ont<br />

déjà été dites. Donc j’apprécie la possibilité<br />

de partager mon opinion sur les thèmes<br />

abordés à ce congrès et notamment par<br />

rapport à l’implication des usagers/survivants<br />

dans le processus de prise de décision. Ma<br />

contribution est basée sur mon travail en tant<br />

que survivant et chercheur, et en ma qualité<br />

de militante à Berlin et au niveau international.<br />

Ces questions d’empowerment, d’implication<br />

et la tentative de les mesurer sont des<br />

sujets très importants et je ne donnerai<br />

que quelques brèves remarques. J’ai une<br />

présentation Powerpoint car je voudrais me<br />

référer à certaines sources auxquelles je<br />

tiens beaucoup. Désolée de revenir sur ce<br />

concept d’empowerment, mais je voudrais<br />

rapidement vous donner trois raisons pour<br />

lesquelles notre définition d’empowerment<br />

n’est peut-être pas la plus appropriée dans<br />

ce contexte. Tout d’abord, le langage véhiculé<br />

au sujet de l’empowerment prend plus<br />

d’importance et interprète de façon erronée<br />

les droits de l’homme des personnes ayant<br />

un diagnostic psychiatrique. Pour que cela<br />

soit clair, j’aimerais citer Debra Shulkes dans<br />

son discours donné à l’OMS lors du dernier<br />

de ces congrès en 2010, « il y a une ironie<br />

sinistre dans le fait que justement au moment<br />

où les usagers et les survivants bénéficient<br />

d’une convention internationale puissante<br />

- leur donnant les mots qu’il faut pour faire<br />

valoir leur demandes - la Commission<br />

européenne et l’OMS sont passées à<br />

l’utilisation du langage de l’empowerment.<br />

Des termes si vagues, qui donnent chaud<br />

au cœur et si malléables qu’ils peuvent être<br />

utilisés pour tout et rien, y compris le modèle<br />

exclusivement médical ».<br />

Deuxièmement, l’empowerment des<br />

usagers des services en tant qu’objectif<br />

principal implique que les choses sont faites<br />

pour nous d’une certaine façon et pour notre<br />

propre bien, et non pas parce qu’il faudrait<br />

un changement fondamental du système de<br />

soins de santé mentale. La façon dont je vois<br />

les choses, c’est que le système psychiatrique<br />

nous a fait subir des choses pendant très<br />

longtemps. Aujourd’hui il y une tendance à<br />

faire des choses pour nous à notre place -<br />

comme nous « donner le pouvoir », mais c’est<br />

travailler avec nous qui reste le plus grand<br />

défi. Une dame a déclaré hier que le fait que<br />

la moitié des participants sont des usagers<br />

était la preuve que nous travaillons ensemble.<br />

Pour moi, cela démontre simplement que<br />

seulement la moitié des participants sont des<br />

usagers, mais non pas que nous travaillons<br />

ensemble. Sur ce point, je voudrais citer Lila<br />

Watson, militante aborigène qui répondait<br />

aux missionnaires. Je trouve que ses mots<br />

ont une portée universelle et j’ai eu des<br />

expériences très positives lorsque j’ai adopté<br />

cette phrase comme principe de travail avec<br />

des partenaires en santé mentale. Voici ce<br />

qu’elle dit : « Si vous êtes venus ici pour<br />

m’aider, vous perdez votre temps. Mais si<br />

vous êtes venus parce que votre libération est<br />

liée à la mienne, alors travaillons ensemble ».<br />

Enfin, le concept de l’empowerment sert<br />

de miroir et renforce le contexte hiérarchique<br />

dans lequel la prise de décision a lieu. Je<br />

pense que Théodore Sticker le dit clairement<br />

lorsqu’il écrit : « Tant que les professionnels<br />

‘autonomisent’ leurs clients, le vrai pouvoir<br />

est retenu. C’est le professionnel qui doit<br />

donner le pouvoir au patient. Dès lors, malgré<br />

son intérêt vertueux, l’empowerment en tant<br />

que concept renforce le pouvoir de ceux qui<br />

dotent les patients d’empowerment et cela<br />

maintient l’ordre dominant.»<br />

En fin de compte, il me semble que le<br />

concept « d’implication » est plus approprié.<br />

Non pas parce que ce terme est mieux défini,<br />

mais parce qu’il induit moins en erreur que le<br />

concept d’empowerment et qu’il est plus facile<br />

à appréhender, surtout s’il y a des critères<br />

significatifs. J’observe que malgré le fait que<br />

les indicateurs établis avant ce congrès sont<br />

sous la rubrique « empowerment », la plupart<br />

de ces indicateurs ont trait à « l’implication »<br />

en réalité. C’est aussi la conclusion de l’atelier<br />

2 aujourd’hui - le thème était la participation<br />

et cela me paraît plus concret. Si je reviens<br />

à ces 19 indicateurs qui ont été présentés<br />

au début, d’après moi ils souffrent de<br />

nombreuses faiblesses mais il y en a deux qui<br />

sont essentiels. J’avais l’impression - mais<br />

j’ai appris hier que je me suis trompée - qu’il<br />

n’y avait pas eu de contribution des premiers<br />

concernés par cette implication. Donc<br />

même si j’ai appris que les usagers étaient<br />

représentés, je ne pense pas que c’était une<br />

participation positive. Deuxièmement, ils ne<br />

fournissent pas de réponse à la question<br />

principale, à savoir si la participation a<br />

amené un changement. Peter Campbell,<br />

un survivant de la psychiatrie et militant de<br />

longue date l’exprime de la façon suivante :<br />

« L’implication et l’implication qui change<br />

quelque chose, sont deux choses très<br />

différentes ». Je vais m’arrêter là avec mes<br />

remarques sur l’atelier 2, mais c’était aussi<br />

le sujet d’aujourd’hui et personne n’a parlé<br />

de ces choses, car la tentative de mesurer<br />

l’implication reste au niveau de si oui ou non<br />

les usagers ont été représentés. Mais ont-ils<br />

le droit de voter au sein de ces instances ?<br />

Y a-t-il un impact réel ? Est-ce que cela a<br />

changé quelque chose ? Ces questions n’ont<br />

même pas été soulevées. Je ne dis pas que<br />

c’est facile à évaluer ou à mesurer, mais il le<br />

faut. Cela doit être l’un des sujets.<br />

Vu les pratiques psychiatriques traditionnelles<br />

établies depuis très longtemps, il y<br />

a un réel danger à ce que cette implication<br />

mène simplement à la cooptation des<br />

idées et des concepts des survivants<br />

par le système qui reste si résistant aux<br />

changements. On a déjà observé et étudié<br />

cette tendance, notamment au Royaume-<br />

Uni, où la demande d’implication des usagers<br />

a commencé bien avant la CDPH. Différentes<br />

expériences d’implication des usagers ont<br />

eu lieu dans ce pays depuis suffisamment<br />

longtemps pour avoir du recul et on a déjà<br />

vu les effets secondaires indésirables. En<br />

parlant de l’implication organisée par les<br />

équipes soignantes, Peter Campbell nous dit<br />

que « L’implication des usagers dirigée par<br />

les équipes soignantes est allée trop loin et<br />

le mouvement des usagers et survivants est<br />

devenu une simple chambre d’enregistrement<br />

des idées décidées ailleurs ». Je ne rentrerai<br />

pas dans les détails ici. Je voulais simplement<br />

insister sur l’importance d’étudier les<br />

mauvaises pratiques de plus près aussi au<br />

lieu de toujours courir derrière des exemples<br />

de « bonnes pratiques ».<br />

Il y a quatre ans, j’ai assisté à une<br />

conférence formidable à Brighton intitulée<br />

« Perspectives critiques sur l’implication des<br />

usagers ». Cette conférence a donné lieu à<br />

un livre que je recommande. Vous pouvez<br />

voir ici les références de ce livre. Il donne<br />

des exemples de mauvaises expériences<br />

avec l’évaluation du niveau d’implication<br />

des usagers, etc. de plusieurs auteurs de<br />

milieux différents ayant une expérience et des<br />

connaissances importantes dans ce domaine.<br />

Plutôt que de me référer aux résultats<br />

exposés dans ce livre, je pensais vous parler<br />

des résultats d’une enquête européenne<br />

relative à l’implication de la société civile dans<br />

l’élaboration de la législation et la politique en<br />

santé mentale. Simon Vasseur-Bacle a aussi<br />

travaillé sur cette enquête s’il s’en souvient.<br />

Si nous avons le temps, je voudrais vous<br />

présenter un petit sketch que j’ai trouvé<br />

dans ce livre. Il dure quatre minutes et je<br />

demanderais à ma collègue de venir m’aider.<br />

Viens me rejoindre ! En fait, cette histoire<br />

imaginée sur l’implication des usagers met<br />

en exergue tout ce que je pourrais dire sur<br />

les obstacles à l’implication significative et<br />

réelle. Je suis ravie que Jolijn Santegoeds<br />

ait accepté de faire ce sketch avec moi.<br />

Ici vous voyez le chapitre dont est extrait<br />

ce sketch, et la liste des personnages<br />

principaux. Nous serons toutes les deux des<br />

hommes. Je jouerai le rôle de « M. Rodger<br />

212 AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

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