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donc que les indicateurs d’empowerment<br />

doivent intégrer la notion d’advocacy.<br />

Sur la base de nos résultats, nous<br />

proposons les recommandations suivantes<br />

pour que les indicateurs intègrent :<br />

1. L’accès universel à l’advocacy de qualité<br />

avec possibilité de se désengager pour<br />

s’assurer qu’il n’y ait pas de barrières à<br />

son utilisation. En Angleterre, les gens<br />

doivent dire qu’ils veulent un advocate<br />

mais ils peuvent ne pas savoir qu’ils y ont<br />

droit ou ne pas comprendre son utilité.<br />

2. L’accès à l’advocacy pour tous les<br />

usagers et une prise en compte de leur<br />

situation socioculturelle et de la difficulté<br />

à se mettre en lien avec les services de<br />

santé mentale.<br />

3. Des mesures permettant de s’assurer<br />

que l’advocacy a un impact sur les<br />

décisions de soins et de traitement et<br />

qu’il ne soit pas juste un palliatif.<br />

4. L’implication et la codécision avec les<br />

usagers dans l’organisation et la mise en<br />

place des services d’advocacy.<br />

5. Des services d’advocacy centrés<br />

sur les droits des patients qui soient<br />

indépendants des services officiels de<br />

santé mentale.<br />

6. La capacité d’aider les personnes avec<br />

le plus grand risque d’exclusion : les<br />

personnes appartenant à des minorités,<br />

les personnes avec des troubles de<br />

l’apprentissage, les personnes sans-abri<br />

ou les personnes ayant des problèmes<br />

d’abus de substance.<br />

7. La possibilité d’avoir un service<br />

d’advocacy sans demande pour les<br />

personnes sous contrainte ne pouvant<br />

demander directement ces services<br />

8. Le développement de services de santé<br />

mentale permettant de promouvoir le<br />

rôle de l’advocacy tout en s’assurant de<br />

l’indépendance de celui-ci ainsi que sa<br />

capacité à donner aux usagers une voix<br />

et permettre leur empowerment.<br />

Nos recommandations ont influencé les<br />

politiques de santé en Angleterre et nous<br />

avons reçu des ressources supplémentaires<br />

du Département de la Santé pour promouvoir<br />

l’IMHA. Nous souhaitons fortement développer<br />

des partenariats à travers l’Europe pour<br />

évaluer l’advocacy et assurer aux personnes<br />

sous contrainte une voix, la défense de leurs<br />

droits et une avancée vers la justice sociale.<br />

Tim Greacen : Merci Karen et Laura,<br />

c’était vraiment très intéressant, un système<br />

qui semble être plus sophistiqué que ce que<br />

nous avons ici en France sur ces questions.<br />

Claude Deutsch : Une réaction à<br />

chaud pour introduire le débat qui suivra en<br />

fin de session. Cette question de définition<br />

du mot advocacy s’est posée à nous,<br />

association Advocacy France. Quand on a<br />

voulu prendre ce nom en 1998, on nous a<br />

demandé pourquoi. Qu’est-ce que ça veut<br />

dire ? Pourquoi vous n’avez pas traduit ce<br />

terme ? On a dit que ce n’était pas facile à<br />

traduire, que la meilleure traduction était<br />

« soutenir la parole » et notre devise dont<br />

nous sommes très fiers, c’est de dire « quand<br />

des personnes peu habituées à parler seront<br />

entendues par des personnes peu habituées<br />

à écouter alors de grandes choses pourront<br />

arriver ». Souvent, on nous demande si nous<br />

sommes des avocats, mais non ce n’est pas<br />

la question, c’est vraiment la question du<br />

soutien de la parole des usagers.<br />

Philippe Guerard : Vous voyez, il y<br />

a quelques minutes j’étais en situation de<br />

handicap pour monter les marches et là je<br />

ne le suis plus. Ce n’est pas pour autant que<br />

c’est facile de parler devant vous, c’est aussi<br />

un handicap de parler en face des gens. Je<br />

vais essayer d’être assez bref parce que<br />

parler de sa vie ce n’est pas toujours facile, il<br />

faut le faire de manière assez cool !<br />

Alors mon histoire est celle d’un gamin de<br />

13 ans, qui un jour se retrouve hémiplégique<br />

dans les années 65 avec tout ce que ça peut<br />

comporter. Je vivais dans une famille ouvrière,<br />

Zola pour moi, ce n’est pas un livre et c’est<br />

mon histoire. L’histoire du monde ouvrier là<br />

où j’ai grandi, mon enfance ce n’est pas un<br />

fauteuil roulant, c’est une brouette à gravats<br />

pour aller à l’école, c’est la stigmatisation,<br />

l’objet qui fait rire dans la cours d’école, les<br />

crachats, c’est tout ça. C’était un combat<br />

perpétuel, il fallait se battre pour exister.<br />

J’avais un père qui était assez compliqué et<br />

dur et qui me dit un jour « tu ne vas pas rester<br />

dans ton coin, tu vas faire le jardin avec tout le<br />

monde. ». J’ai essayé, mais je n’ai pas été très<br />

rentable ! J’ai pris une binette pour enlever<br />

les herbes, mon père était assez content car<br />

j’avais participé et ça m’a fait dire que j’étais<br />

considéré comme un enfant dit « normal » car<br />

la normalité, on pourrait en parler longtemps,<br />

c’est comme la citoyenneté !<br />

Un jour, j’ai été retiré de ma famille et me<br />

suis retrouvé dans un ESAT à l’âge de 17 ans,<br />

sans en avoir eu le choix. C’était un peu un<br />

fourre-tout à l’époque, on mettait les débiles,<br />

les personnes « bancales », les fous, les<br />

arriérés et il a fallu dans tout ça que je fasse<br />

mon trou. Ce ne fut pas facile car j’étais sousestimé,<br />

je n’étais que handicapé physique,<br />

mais il s’avère que j’ai très vite basculé de<br />

l’autre côté. J’ai perdu mon savoir car j’étais<br />

envahi par des personnes qui étaient plus à<br />

plaindre que moi, il a fallu que j’essaye de<br />

lutter pour garder le plus longtemps possible<br />

ce que j’avais. Je suis un autodidacte, je n’ai<br />

pas eu la chance de faire de grandes études.<br />

Un jour, comme tout adolescent, on a envie<br />

d’avoir son expérience d’homme et donc<br />

d’avoir une sexualité normale. J’étais tombé<br />

amoureux d’une pensionnaire du CAT (Centre<br />

d’Aide pour le Travail) et j’avais frôlé l’interdit,<br />

j’avais été dans sa chambre la nuit. A cette<br />

époque-là, ça ne se faisait pas, c’était les<br />

femmes à l’étage, les hommes au rez-dechaussée.<br />

La copine qui ne s’y attendait pas<br />

s’est mise à hurler, l’éducatrice a eu très peur,<br />

tout le monde s’est mis à hurler de partout,<br />

une panique pas possible. Moi, qu’est-ce<br />

que j’ai fait ? J’ai crié aussi ! Tout le monde<br />

était débordé, tout ça pour un plaisir. Je me<br />

suis retrouvé avec un médecin qui a essayé<br />

de me calmer, mais j’étais tellement dans un<br />

état d’excitation qu’il n’a pas réussi. Ils ont<br />

donc appelé les flics et je me suis retrouvé<br />

en HDT (Hospitalisation à la demande d’un<br />

tiers). Ça a duré une nuit, en 1974, une nuit<br />

très dure. Je suis resté attaché à ne pas<br />

savoir ce que j’allais devenir et, le lendemain<br />

à l’aube, j’ai eu la chance de rencontrer un<br />

directeur d’hôpital pas trop con, et oui il y<br />

en a ! Il a réussi à rentrer en communication<br />

avec moi, je lui ai expliqué pourquoi j’étais<br />

là et il a levé mon HDT sans avoir eu le<br />

temps de l’enregistrer. Je me suis retrouvé<br />

à la case départ. Révolutionnaire comme je<br />

l’étais, j’ai été viré du CAT, c’était peut-être<br />

une bonne chose ! Après, j’ai rencontré la<br />

JOC (jeunesse ouvrière chrétienne), ça a<br />

été une grande école de découverte où j’ai<br />

commencé à comprendre que j’étais plus<br />

ou moins comme tout le monde, mais que<br />

j’avais quand même un handicap. Les gens<br />

me disaient : « Philippe, tu es un gars comme<br />

tout le monde », mais on me disait ça pour ne<br />

pas voir mon problème. Maintenant, quand<br />

on me dit que je suis un citoyen comme tout<br />

le monde je réponds : « Oh c’est vachement<br />

bien d’entendre ça, mais je suis un citoyen<br />

avec un handicap » et il faut en prendre<br />

compte. Tout à l’heure, j’étais en situation<br />

de handicap dans le métro et ce n’est pas<br />

drôle. Je ne peux pas le nier, tous les jours<br />

j’en prends conscience dans ma vie, comme<br />

on ne peut pas nier sa souffrance, mais dire<br />

qu’on est toujours handicapé, c’est faux.<br />

Là, je suis assis je ne fatigue pas, je cause<br />

avec vous, c’est plutôt bien stable comme<br />

situation, debout je serais bancal, j’aurais du<br />

mal à causer.<br />

Relativiser, pour moi c’est essentiel : on<br />

est handicapé, mais aussi capable. À un<br />

moment donné, j’ai décidé de sortir de ce<br />

milieu institutionnel et j’ai passé le concours<br />

des emplois réservés. Je suis rentré dans la<br />

fonction publique au départ comme agent<br />

d’accueil dans un théâtre, c’était vachement<br />

110 AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

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