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Ken Thompson : Je suis désolé de ne<br />
pas pouvoir m’exprimer en français, j’ai un<br />
niveau de français qui me permet de vous<br />
demander où se trouve la bibliothèque<br />
mais malheureusement je ne pense pas<br />
que ce soit utile aujourd’hui donc je vais<br />
m’exprimer en anglais. Je suis psychiatre,<br />
je viens de Pittsburg en Pennsylvanie et<br />
je suis très honoré d’être à ce congrès et<br />
d’avoir l’occasion de vous parler brièvement.<br />
Je vais essayer d’être bref car je sais que<br />
tout le monde à des choses beaucoup plus<br />
importantes à dire que moi ! Je ne sais<br />
pas combien il y a de participants dans les<br />
autres ateliers mais je pense que c’est très<br />
intéressant d’être dans celui-ci car je crois<br />
que ça touche aux grands mouvements, aux<br />
changements qui apparaissent aujourd’hui<br />
dans la société pour les personnes qui<br />
souffrent de problèmes psychiatriques et<br />
qui ont des défis à relever, de même que<br />
pour toute la société. Je vais vous parler<br />
plus particulièrement de comment la société<br />
évolue, comment elle a déjà évolué jusqu’à<br />
présent et j’espère qu’il y aura un moment<br />
de partage avec le public. Je voudrais parler<br />
de l’évolution de la société et du contexte<br />
pour les personnes avec un problème de<br />
santé mentale, depuis les institutions jusqu’à<br />
une pleine participation citoyenne que nous<br />
construisons tous mutuellement. Nous<br />
sommes dans une société en mouvance, en<br />
changement et le sujet de cet atelier, l’accès<br />
aux informations et aux ressources, est un<br />
élément clé dans ce changement. Je viens<br />
de Pittsburg, une ville où, il y a vingt ans,<br />
toute l’industrie a disparu. Je ne connais<br />
pas votre histoire ici à Lille, mais j’ai vu les<br />
photos des travailleurs ici, j’ai l’impression<br />
que c’est la même chose, que vous êtes<br />
dans le même cas. Chez nous, je peux<br />
vous dire qu’on se réinvente et nous nous<br />
présentons aujourd’hui comme une société<br />
de l’information basée sur la capacité des<br />
personnes à acquérir un savoir et à partager<br />
l’information avec les uns les autres. C’est un<br />
changement notoire qui a eu des implications<br />
importantes dans la société et qui change les<br />
choses dans le domaine de la santé mentale.<br />
Dans le passé, celui qui détenait l’information<br />
était puissant, aujourd’hui tout le monde<br />
peut partager de l’information, nous avons<br />
tous ce pouvoir et c’est le fait de partager<br />
l’information qui nous donne du pouvoir. Ça<br />
veut dire qu’il faut pouvoir aussi s’écouter<br />
les uns les autres, il faut pouvoir partager<br />
l’information et épouser différents points de<br />
vue. Ce n’était pas le cas dans le passé. Nous<br />
sommes dans un monde post-industriel et<br />
cela a complètement reconfiguré les relations<br />
humaines. Les notions d’expression des<br />
points de vue et d’écoute sont primordiales<br />
quand on réfléchit à où va la société et dans<br />
quelle mesure nous pouvons comprendre les<br />
souffrances des personnes qui souffrent de<br />
problèmes de santé mentale ?<br />
Aujourd’hui, nous parlerons de création et<br />
de partage de l’information, de son utilisation<br />
et cela est étroitement lié à la situation actuelle<br />
en matière d’accès aux ressources. Même si<br />
ce n’était pas une composante spécifique<br />
de notre discussion aujourd’hui, je voudrais<br />
m’y attarder quelques secondes parce que<br />
je sais que la plupart d’entre vous vivez une<br />
période d’austérité. Aux Etats-Unis, il y a des<br />
réductions dans les prestations sociales et je<br />
sais que c’est le cas aussi en Europe. L’accès<br />
aux ressources dans un monde où certains<br />
ont accès à de nombreuses ressources et<br />
d’autres en ont très peu est donc un vrai<br />
défi. Mon hypothèse est que le partage de<br />
l’information est la seule manière de contrer<br />
cette diminution de l’accès aux ressources.<br />
Je pense que le partage et l’écoute sont les<br />
seules choses qu’on ne peut pas nous retirer.<br />
Pour en revenir aux présentations et<br />
discussions sur les bonnes pratiques<br />
entendues précédemment, Diana Wilson<br />
a parlé de manière extraordinaire d’une<br />
situation que la plupart d’entre nous<br />
connaissent peu, c’est donc primordial ne<br />
serait-ce que d’en parler. Mais en parler<br />
d’une manière si courageuse est un bon<br />
exemple non seulement d’information, mais<br />
aussi de qui est nécessaire pour partager<br />
cette information, réussir à dire des choses<br />
que certains vont peut-être avoir du mal à<br />
entendre, ou à apprécier et comprendre.<br />
Réussir à le dire d’une manière telle que<br />
d’autres pourront apprendre et en profiter est<br />
un vrai don, et ce que nous devons cultiver<br />
les uns les autres et je veux vous remercier<br />
pour cela. Stéphanie nous a parlé des médias<br />
de masse et du fait que l’on peut commencer<br />
à changer la perception des personnes en<br />
modifiant les images et les histoires qu’ils ont<br />
à l’esprit et leur compréhension de cellesci<br />
est un effort assez héroïque en soi. C’est<br />
assez effrayant, car on peut craindre une<br />
mauvaise communication, ou une bonne<br />
communication, mais avec de mauvaises<br />
informations. Je me suis retrouvé face à un<br />
défi lorsque vous nous demandiez de réfléchir<br />
à ces courts- métrages en les comparant<br />
à ceux qui viennent d’Hollywood et de<br />
l’industrie du film, qui ne met en avant que<br />
les aspects dramatiques et effrayants des<br />
troubles psychiatriques. Aujourd’hui, une<br />
bonne part de notre langage est diffusée<br />
de façon virale par les médias, qui ne sont<br />
ni productifs, ni positifs. Le fait qu’il existe<br />
des contre-exemples est très important.<br />
Comment va-t-on utiliser le langage et ces<br />
capacités de communication de masse et de<br />
créations d’images de masse pour remodeler<br />
les représentations et les attitudes des<br />
personnes envers elles-mêmes et les autres ?<br />
Je pense que c’est une question ouverte. La<br />
présentation d’Alicia à propos du travail qui<br />
se fait en Italie à Trento, l’utilisation d’experts<br />
qui agissent en tant que médiateurs entre les<br />
personnes en difficulté et ceux qui essaient<br />
de les aider, illustre bien la notion que j’ai<br />
évoqué précédemment sur la production,<br />
l’utilisation et le partage de cette information<br />
dans un processus où les personnes ont<br />
une voix. Celui qui a vécu une expérience a<br />
quelque chose à partager, c’est évident et<br />
depuis vingt ans, enfin, on reconnaît cette<br />
expertise, on reconnaît que l’expertise n’est<br />
pas seulement le fruit de longues études,<br />
mais aussi le fruit d’une expérience qu’on<br />
partage avec d’autres. Le faire ensemble, je<br />
crois que c’est un message clé dans cette ère<br />
de l’information.<br />
Dominique de la Maison bleue, je<br />
voudrais dire que ce que tu nous as présenté<br />
avait l’air tout à fait ensoleillé et chaleureux.<br />
C’est un endroit génial pour bâtir son avenir.<br />
L’information consiste aussi à corriger les<br />
malentendus et l’histoire que tu nous as<br />
raconté, c’est à dire ces gens qui se réunissent<br />
et qui se créent des opportunités et une<br />
place dans la société et qui utilisent ensuite<br />
ces acquis pour permettre aux personnes<br />
de réécrire leur perception des personnes<br />
ayant un problème de santé mentale, je crois<br />
que c’est un exemple. Ils doivent aussi se<br />
réinventer, car le travail, effectivement, c’est<br />
se réinventer, réinventer son histoire, son<br />
parcours. La première étape, ce n’est pas la<br />
libération des chaînes, mais ce qui se passe<br />
après.<br />
Je pense que les notions d’empowerment,<br />
d’autonomie, de discours partagés, à<br />
condition de définir comment il peut être<br />
partagé, sont importantes pour l’avenir de la<br />
société. La question que je voudrais soulever<br />
est la suivante, je ne sais pas si c’est important<br />
ou pas : les médias sociaux, la possibilité<br />
d’être de plus en plus en communication, de<br />
partager encore plus l’information. Je pense<br />
que c’est une force à utiliser beaucoup plus<br />
importante que nous ne le pensons en santé<br />
mentale. Peut-être que la prochaine fois nous<br />
parlerons de ce que nous pouvons en faire<br />
pour accroître nos capacités.<br />
Mon fils a fait ses études aux Etats-<br />
Unis dans une Université dont la devise<br />
est : « savoir, ce n’est pas suffisant ». Ce<br />
qui compte, c’est ce qu’on fait avec ce<br />
savoir et ce qu’on fait ensemble. Toutes ces<br />
discussions sont sur l’accès aux informations<br />
et aux ressources. Je vais être prudent, car<br />
je sais que je suis au pays de la théorie, par<br />
opposition au pays du concret. Le but de<br />
cette discussion tient à reconnaître que nous<br />
194 AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />
AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />
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