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La main froide

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Quelques malles de vêtements et… quoi d’autre ? Rien… Rien du<br />

tout.<br />

— Où ira-t-on ? interrogea-t-elle tandis qu’un poids effrayant<br />

s’installait sur sa poitrine.<br />

— Je ne sais pas… marmonna Adam. Dans la banlieue. Il<br />

faudra dénicher un petit bungalow dans l’arrière-pays. <strong>La</strong> côte,<br />

c’est trop cher pour nous <strong>main</strong>tenant.<br />

Dorana ferma les yeux. Elle essayait de s’imaginer habitant<br />

une baraque de planches à la peinture écaillée, avec un Adam<br />

Smart à la retraite, mal rasé, traînant en savates toute la<br />

journée. Ce serait quelque part dans une agglomération<br />

déprimante, à la lisière du désert. Un endroit où les femmes<br />

allaient faire leurs courses avec des bigoudis sur la tête, se<br />

donnaient des recettes pour accommoder les restes, et portaient<br />

des robes de coton décolorées achetées par correspondance. Un<br />

endroit peuplé de vieux sans force et de jeunes voyous<br />

arrogants. On l’y surnommerait très vite « la pimbêche » et<br />

Adam deviendrait de manière tout aussi inévitable le<br />

« Capitaine Crochet ». On les mettrait discrètement en<br />

quarantaine, ils auraient des ennuis avec le shérif à cause du<br />

chien, trop agressif. Il ferait terriblement chaud, et faute<br />

d’argent pour les produits de beauté, elle vieillirait très vite dans<br />

ce climat de fournaise. En l’espace de six mois elle deviendrait<br />

une femme quelconque… sans avenir, elle aussi.<br />

Dorana rouvrit les paupières en suffoquant d’angoisse. Elle<br />

ne voulait à aucun prix de cette existence étriquée aux côtés<br />

d’un mari taciturne et aigri. D’un infirme qui lui promènerait<br />

tout le jour son moignon sous le nez.<br />

— Tu vas acheter une prothèse ? interrogea-t-elle. Un de ces<br />

« machins » articulés ?<br />

Adam resta silencieux. Il semblait de nouveau abîmé dans<br />

ses rêves. Dorana se redressa.<br />

— Je vais laisser les portes ouvertes, dit-elle. Si tu as besoin<br />

de quelque chose appelle-moi.<br />

Elle sortit sans qu’il tente de l’en empêcher. Cela ne l’étonna<br />

pas. Ils vivaient ainsi depuis des années, n’échangeant plus que<br />

des banalités. Se côtoyant parfois tout un week-end sans<br />

s’adresser la parole.<br />

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