L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Dans les innocentes scènes de ca<strong>ma</strong>raderie ou même <strong>dans</strong> les contextes<br />
de conflits internes, ce sont tous les amis impliqués qui vont désapprouver<br />
la personne qui vient d’intervenir.<br />
«C’est parce souvent, c’est justement entre amis qu’ils vont dire<br />
« t’es gai », pis tout là. Ça fait que si t’interviens en quelque part où ce<br />
que (…) ils vont juste se niaiser, ils vont plus comme te regarder croche<br />
pis faire « c’est quoi ton problème? » (…) C’est juste comme il faut que tu<br />
saches te mêler de tes affaires au bon moment.(Valérie)<br />
Dans les cas de conflits externes, c’est-à-dire entre personnes qui ne<br />
partagent <strong>pas</strong> le même groupe d’amis, le ou les victimisants vont rabrouer<br />
la personne qui s’immisce, <strong>ma</strong>is ce peut être aussi le cas des personnes<br />
victimisées. Ces dernières peuvent souhaiter se débrouiller elles-mêmes,<br />
l’acceptation de toute aide provenant d’un tiers parti étant perçue comme<br />
un signe de faiblesse.<br />
Il existe une règle très puissante de non-interférence <strong>dans</strong> les «conflits<br />
d’autrui» qui se drape du principe de protection de la vie et des<br />
affaires privées. Cette règle est si porteuse et intériorisée qu’elle freine des<br />
gens à l’intervention. L’enfreindre fait <strong>cour</strong>ir le risque de créer des sources<br />
(additionnelles) de tension, de subir des répercussions, d’être à son tour<br />
ciblé et victime de harcèlement moral et physique ou d’élever le niveau du<br />
conflit. On peut craindre d’être isolé contre un nombre trop grand d’adversaires.<br />
Car même si au moment où on s’interpose, il n’y a qu’un seul victimisant,<br />
il est fort probable qu’il puisse rappliquer avec son réseau<br />
d’amis. On peut en somme être d’avis que pour ce que coûterait une intervention<br />
<strong>dans</strong> ces contextes, le jeu n’en vaut <strong>pas</strong> la chandelle : les victimisants<br />
ne deviendraient <strong>pas</strong> plus sensibilisés et ignoreraient la critique en<br />
traitant la personne qui intervient d’imbécile.<br />
<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />
2007<br />
«Puis tu veux juste <strong>pas</strong> intervenir parce que si tu interviens avec<br />
leur conversation ou leur insulte, (…) il va te dire des <strong>ma</strong>uvais mots à toi<br />
aussi, puis ça va ja<strong>ma</strong>is finir puis ça vire tout le temps en fight pis ça va<br />
être dangereux.» (Chris)<br />
« Mais comme tu peux intervenir si tu veux, <strong>ma</strong>is peut-être<br />
qu’après ça, c’est toi qu’ils vont commencer à insulter, vu que tu as aidé<br />
l’autre qui se faisait insulter, <strong>ma</strong>is j’avoue que ça serait mieux aussi de<br />
ne <strong>pas</strong> intervenir puis de <strong>pas</strong> se mêler des affaires des autres. » (Julie)<br />
La seule exception à cette règle de la non-intervention est lorsque<br />
que les personnes visées sont des amis. On semble comprendre qu’elles<br />
appartiennent à la «sphère du privé» et on se sent en plein droit de se solidariser<br />
avec elles.<br />
• La crainte d’hériter du stig<strong>ma</strong>te de la personne qu’on protège.<br />
Une autre crainte répandue – particulièrement chez les garçons – est celle<br />
d’être identifié comme gai si on intervient. Ceci suit une supposition selon<br />
laquelle les seules personnes qui peuvent se solidariser avec des gais sont<br />
des gais eux-mêmes, s’appuyant à son tour sur une croyance profonde<br />
selon laquelle les alliances ne se tissent nor<strong>ma</strong>lement qu’entre personnes<br />
qui se ressemblent. Qui plus est, plus une personne est convaincue que<br />
l’homosexualité est repréhensible, plus elle considérera qu’il est incompréhensible<br />
que des personnes «nor<strong>ma</strong>les» (hétérosexuelles) se montrent<br />
solidaires des lesbiennes et des gais. Se retrouver avec une étiquette de gai,<br />
pour une personne qui la considère comme un profond stig<strong>ma</strong>te, est donc<br />
peu enviable et à éviter à tout prix. Ayant intériorié eux-mêmes les<br />
préjugés homophobes, ils considèreraient les critiques qu’on leur<br />
adresserait comme puissantes et dangereuses.<br />
107