L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
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<strong>ma</strong>sculine, particulièrement fragile et vulnérable. Cette précarité de<br />
l’identité et le besoin de rejet du féminin seraient la source<br />
d’une antipathie incontournable à l’endroit des hommes homosexuels<br />
(Reiter, 1991).<br />
Ainsi, le processus de for<strong>ma</strong>tion identitaire chez les hommes<br />
exigerait non seulement l’adoption de positions anti-féminines pouvant<br />
déboucher sur des postures <strong>ma</strong>chistes <strong>dans</strong> la vie adulte, <strong>ma</strong>is également<br />
sur des représentations négatives des hommes homosexuels.<br />
Une des prémisses sur lesquelles s’appuie ce mythe est la dynamique<br />
d’opposition que nécessiterait la construction identitaire : « je suis gai parce<br />
que je ne suis <strong>pas</strong> hétérosexuel », « je suis femme parce que je ne suis <strong>pas</strong><br />
homme ». Si l’identité se bâtit effectivement en fonction de repères extérieurs,<br />
il est erroné de croire que ceux-ci doivent être forcément « rejetés », c’est-àdire<br />
perçus de façon négative ou inférieure (Allport, 1954). Qui plus est, cette<br />
prémisse néglige le fait que l’identité est approxi<strong>ma</strong>tive et non statique,<br />
qu’elle varie d’un individu à l’autre, d’une situation à l’autre, et qu’elle peut<br />
être métissée. Ainsi, par exemple, une femme pourra-t-elle considérer que son<br />
identité comprend la dimension dite de « l’instinct <strong>ma</strong>ternel », alors qu’une<br />
autre pourra simplement considérer que son affection pour son enfant n’a<br />
rien de fondamentalement « féminin ».<br />
De la même <strong>ma</strong>nière qu’avec le mythe de la nature <strong>ma</strong>sculine<br />
homophobe, celui-ci est contrecarré par l’existence de garçons qui sont<br />
particulièrement ouverts et confortables par rapport à l’homosexualité<br />
(Bastien Charlebois, 2007). Pas plus que d’affirmer que ces garçons<br />
ouverts ne seraient <strong>pas</strong> « naturels » ou « vrais », on ne pourrait prétendre<br />
que leur développement identitaire ne serait <strong>pas</strong> « réussi » ou<br />
« complété » 38 pour balayer du revers de la <strong>ma</strong>in la menace qu’ils<br />
<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />
2007<br />
posent au mythe.<br />
Il peut certes y avoir de profonds investissements psychiques<br />
<strong>dans</strong> le rejet du féminin et de l’homosexualité chez les hommes, <strong>ma</strong>is<br />
ils é<strong>ma</strong>nent davantage d’un conditionnement social solide s’amorçant<br />
dès la tendre enfance du garçon. Nous aborderons ce point un peu<br />
plus loin.<br />
Mythe 3<br />
Les hommes qui sont homophobes sont inconfortables<br />
avec leur <strong>ma</strong>sculinité.<br />
Souvent évoquée, cette hypothèse est cependant rarement développée.<br />
On suppose vaguement que ces hommes ne sont <strong>pas</strong> encore certains<br />
de leur identité sexuelle et qu’ils se sentent par conséquent menacés par<br />
les hommes gais et l’efféminement. Peut-être est-ce un dérivé, à contresens,<br />
du mythe précédent.<br />
Ici, la définition de ce en quoi consiste cette <strong>ma</strong>sculinité « confortable<br />
» entretenant des rapports bénins avec l’homosexualité n’est <strong>pas</strong><br />
explicitée. Est-ce qu’il s’agit d’être confortable avec le cadre <strong>ma</strong>sculin<br />
délimité par les conventions sociales? Ou est-ce qu’il s’agit d’être confortable<br />
avec soi-même indépendamment de ce cadre? Et qu’est-ce que « sa » <strong>ma</strong>sculinité,<br />
ensuite ? Le fait d’être ce qu’un homme est « censé » être?<br />
Ou le fait d’être soi-même, indépendamment des conventions de la <strong>ma</strong>sculinité?<br />
Si alors tous les hommes sont différents et qu’on parle strictement<br />
d’être en paix avec ses traits de caractère propres et individuels,<br />
pourquoi donc se référer au concept de <strong>ma</strong>sculinité, qui réfère à un profil<br />
nor<strong>ma</strong>tif partagé entre les hommes en général?<br />
38 Il y a, <strong>dans</strong> l’adoption populaire des théories psychanalytiques, cette impression généralisée qu’il est possible pour un homme de « rater » sa construction identitaire. D’où les préoccupations et les craintes<br />
classiques illustrées par les « Sois <strong>pas</strong> trop mou avec, tu vas en faire une tapette » ou les « On va faire de toi un homme » - pour ne nommer que ceux-ci.<br />
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