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L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal

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de parler de leur orientation sexuelle, ne se «lècheraient <strong>pas</strong> en public»,<br />

ne possèderaient <strong>pas</strong> de défilé de la fierté hétérosexuelle et encore moins<br />

de quartier propre à eux. En fait, comme tout groupe social en position<br />

de domination, qu’il s’agisse des hommes, des Blancs ou des fortunés,<br />

les privilèges et les avantages dont ils jouissent demeurent neutres, non<br />

<strong>ma</strong>rqués et invisibles à leurs yeux (Brickell, 2005; Kauf<strong>ma</strong>n, 1994; Kimmel,<br />

1994; Wittig, 1993, 2001) 15 . Le fait que l’on présume spontanément et systé<strong>ma</strong>tiquement<br />

l’hétérosexualité d’un interlocuteur rend par définition<br />

superflu, pour une personne hétérosexuelle, tout besoin de «s’afficher».<br />

Elle se voit donc confirmée <strong>dans</strong> ce qu’elle est <strong>dans</strong> l’ensemble des<br />

interactions qu’elle tisse avec les autres. Dans cette logique, la mention<br />

banale et spontanée d’un conjoint de sexe opposé à des collègues de<br />

travail ou à des inconnus ne serait <strong>pas</strong> un dévoilement inopportun ou<br />

une volonté de « constamment parler de son orientation sexuelle ».<br />

Les hétérosexuels qui se témoignent des signes excessifs d’affection ne le<br />

feraient <strong>pas</strong> en vertu de leur hétérosexualité <strong>ma</strong>is bien en fonction de leur<br />

personnalité propre. Puis l’omniprésence de références positives à l’amour<br />

et à la sexualité entre hommes et femmes, tant <strong>dans</strong> l’éducation familiale<br />

et scolaire, <strong>dans</strong> la chanson, <strong>dans</strong> les émissions télévisées, <strong>dans</strong> les livres,<br />

<strong>dans</strong> les publicités, <strong>dans</strong> la vie publique ne seraient « évidemment » <strong>pas</strong><br />

une démonstration de fierté (hétérosexuelle), <strong>ma</strong>is bien la traduction de<br />

l’état « neutre » des choses.<br />

À un autre niveau, certaines personnes appréhenderaient ou craindraient<br />

chez les homosexuels revendicateurs une volonté de renversement des<br />

rapports de pouvoir et de mise à <strong>ma</strong>l de la population hétérosexuelle (Brickell,<br />

2005). Ils suivent en ce sens des craintes semblables énoncées à l’égard<br />

des féministes et des personnes luttant contre le racisme.<br />

<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />

2007<br />

L’ampleur et la composition exactes de ces positions mitigées<br />

et négatives ne sont <strong>pas</strong> mesurées <strong>dans</strong> les enquêtes et les sondages<br />

de <strong>ma</strong>sse. Il s’avère difficile de les saisir puisqu’elles s’insèrent <strong>dans</strong> des<br />

dis<strong>cour</strong>s dont l’analyse exige la libre émergence des propos – plutôt que la<br />

collection unidirectionnelle de réponses à une série de questions fermées.<br />

Cependant, leur énonciation est non seulement cruciale pour la compréhension<br />

de la nature et de la forme de certaines attitudes contemporaines<br />

à l’endroit de l’homosexualité, <strong>ma</strong>is elle est parfois plus pertinente<br />

que la simple énumération de proportions et de données statistiques.<br />

Il convient de rappeler que la gamme des attitudes existantes ne<br />

se limite <strong>pas</strong> à celles qui sont négatives ou mitigées, puis que ces dernières<br />

reflètent souvent la surévaluation inconsciente du statut des groupes dominants<br />

(hétérosexuel, homme, riche, blanc, etc.). Elles s’inscrivent à ce titre<br />

<strong>dans</strong> la complexité des rapports de pouvoir entre groupes sociaux, faisant<br />

s’entrecroiser ou s’accumuler chez certains sujets des positions favorisées<br />

et défavorisées, tels que chez les hommes immigrants, les femmes blanches,<br />

les hommes gais blancs, les lesbiennes autochtones, les hommes gais<br />

de communautés culturelles ainsi que, d’autre part, les hommes blancs<br />

hétérosexuels. Les réalités des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles<br />

et trans* appartenant également à des minorités culturelles, spécifiquement,<br />

sont <strong>ma</strong>rquées par la rareté des espaces où elles vivent une pleine<br />

acceptation, puisqu’elles sont confrontées à la fois à l’homophobie des<br />

communautés dominantes et d’origines, ainsi qu’au racisme des communautés<br />

gaies et dominantes (Association canadienne pour la santé mentale<br />

– filiale de <strong>Montréal</strong>, 2006; Van der Meide, 2001).<br />

La contrepartie des pensées et des opinions sociales, et ce <strong>dans</strong><br />

toute leur complexité, sont les actions qu’elles inspirent et entraînent.<br />

15 Ainsi l’Histoire est-elle principalement l’histoire des Blancs, l’Homme (Hu<strong>ma</strong>nité) est-il souvent confondu avec l’homme et la Sexualité représente-t-elle en réalité (l’hétéro)sexualité. Le groupe dominant est<br />

«non-<strong>ma</strong>rqué», c'est-à-dire que sa spécificité n’est <strong>pas</strong> mentionnée. Elle est simplement prise comme un universel totalisant et neutre. À l’inverse, les do<strong>ma</strong>ines occupés par des groupes dominés sont<br />

nécessairement qualifiés, politisés et <strong>ma</strong>rqués comme tels : l’histoire des femmes, l’histoire des Noirs, l’histoire des lesbiennes et des gais. L’Homme (Hu<strong>ma</strong>nité) ne pourra ja<strong>ma</strong>is être inconsciemment associé<br />

à la femme et la Sexualité à (l’homo)sexualité. Dans cette foulée, on peut aisément reprocher aux communautés noires de créer des musées «pour Noirs», des événements «pour Noirs» ou des centres<br />

communautaires «pour Noirs» sans être conscient que les musées, les événements et les centres communautaires sont traditionnellement conçus par et pour les Blancs.<br />

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