L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
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CHAPITRE 3<br />
État des lieux : Homophobie, quelle homophobie?<br />
Auteurs : Janik Bastien Charlebois, Ph.D., Gilbert Émond, Ph.D.<br />
L’obtention récente de l’accès au <strong>ma</strong>riage pour les couples de même<br />
sexe scelle l’égalité complète des lesbiennes et des gais devant l’État.<br />
Ce gain illustre la vélocité des changements sociaux survenus au<br />
<strong>cour</strong>s des dernières années en <strong>ma</strong>tière d’inclusion de la diversité sexuelle,<br />
et ce depuis l’adoption de la loi Omnibus C-150 par le Parlement canadien<br />
en 1969. De parias pouvant en<strong>cour</strong>ir des peines de prison pour des<br />
rapports sexuels consensuels effectués en privé, les gais et les lesbiennes<br />
sont devenus, en l’espace d’une génération, des voisins respectables,<br />
des frères, des sœurs, des amis et des collègues de travail appréciés et<br />
estimés, auxquels aucune forme de préjudice ne devrait raisonnablement<br />
être causée.<br />
Il n’en faut <strong>pas</strong> moins, cependant, pour que l’abolition des dernières<br />
incarnations de l’inégalité juridique ne soit faussement comprise comme<br />
étant le signal de la disparition de la discrimination elle-même, les lesbiennes<br />
et les gais ayant enfin obtenu leur place au soleil au sein de notre<br />
société. En ce sens, ils rejoignent la situation d’autres groupes minorisés,<br />
tels les femmes et certaines communautés culturelles, devant lesquels<br />
on affirme parfois avec une certitude hâtive qu’il n’existe désor<strong>ma</strong>is plus<br />
de sexisme ou de racisme.<br />
Si les préjugés les plus virulents s’estompent ou se dissimulent, ils<br />
ne s’effacent <strong>pas</strong> toujours. Les lois contiennent ou limitent certains abus,<br />
elles infléchissent la valorisation symbolique de groupes minoritaires<br />
ou minorisés, <strong>ma</strong>is elles ne la contrôlent <strong>pas</strong>. Car l’égalité juridique ne<br />
correspond <strong>pas</strong> à l’égalité de fait, même si elle y contribue 12 . Les cultures<br />
sociétales, religieuses, familiales et de groupes de pairs pèsent parallèlement<br />
de tout leur poids <strong>dans</strong> l’attribution des valeurs aux choses et aux<br />
personnes, entrant occasionnellement en conflit avec la volonté légale de<br />
<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />
2007<br />
faire équivaloir les statuts entre groupes sociaux et <strong>ma</strong>intenant certaines<br />
minorités en position d’infériorité symbolique.<br />
Qui plus est, les mesures et lois contre la discrimination s’appliquent<br />
surtout aux débordements les plus évidents, aux figures flagrantes de<br />
l’excès, aux violences verbales et physiques les plus criantes. Elles ne<br />
s’adressent <strong>pas</strong> aux allusions furtives, aux silences stratégiques, aux subtilités<br />
pernicieuses dont la répétition régulière, quotidienne et banalisée<br />
consolide l’infériorisation systémique. Sans être nécessairement produites<br />
et conçues à dessein, ces différentes formes de discrimination ou d’infériorisation<br />
traduisent la complexité des rapports de pouvoir entre groupes<br />
dominants et dominés, dont les règles et les nuances sont inconsciemment<br />
intériorisées.<br />
Ainsi, les grandes avancées sociales et institutionnelles réalisées au<br />
<strong>cour</strong>s de ces dernières années côtoient les injures toujours omniprésentes<br />
<strong>dans</strong> les <strong>cour</strong>s d’école. Ainsi, pour plusieurs personnes, le fait de n’éprouver<br />
« aucun problème » avec l’orientation sexuelle d’une collègue de travail<br />
lesbienne n’empêche <strong>pas</strong> celui de ressentir du deuil, du désarroi et de la<br />
déception lorsqu’elles apprennent que leur propre fille, «par contre», l’est.<br />
La présence d’un oncle gai <strong>dans</strong> leur famille, quant à lui, n’évacue <strong>pas</strong><br />
forcément le <strong>ma</strong>laise de le voir embrasser son conjoint devant leur enfant.<br />
Puis la désapprobation des violences homophobes peut tout de même<br />
s’allier au refus de démystifier l’homosexualité, par crainte «d’influencer<br />
des jeunes à devenir comme ça». Finalement, <strong>ma</strong>is non le moindre,<br />
l’accès au <strong>ma</strong>riage ne débouche <strong>pas</strong> toujours sur l’inclusion spontanée de<br />
l’homoparentalité <strong>dans</strong> les discussions sur la famille au pri<strong>ma</strong>ire.<br />
La persistance de ces doubles standards affectent toujours les<br />
populations homosexuelles ainsi que leurs proches et ce, à différents<br />
12 C’est d’ailleurs le sens du rapport récent de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (2007), qui s’interroge sur le chemin à par<strong>cour</strong>ir pour qu’en <strong>ma</strong>tière de droits effectifs, on chemine<br />
de l’égalité juridique vers une égalité sociale.<br />
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