L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
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CHAPITRE 4<br />
L’homophobie <strong>dans</strong> les écoles visitées par le <strong>GRIS</strong><br />
Auteur : Gilbert Émond, Ph.D.<br />
4.1. Les questions homophobes et la sexualité<br />
à l’adolescence<br />
La revue de littérature présentée <strong>dans</strong> ce rapprot a servi de cadre à ce<br />
chapitre. Il nous reste quelques arguments à présenter pour aider à comprendre<br />
le contexte du développement des jeunes autour de l’adolescence.<br />
En lisant ces quelques lignes, le lecteur et la lectrice comprendront combien<br />
il est certes important d’intervenir face à l’homophobie, <strong>ma</strong>is qu’il est<br />
encore plus intéressant d’intervenir à l’adolescence. Ainsi, intervenir sur<br />
l’homophobie vise à s’attaquer aux préjugés et aux mythes entourant l’homosexualité,<br />
<strong>ma</strong>is intervenir à l’adolescence aide aussi à dégager autour<br />
de ceux qui en ont besoin un espace, un « moratoire » dirait Erikson<br />
comme on le montre plus bas, pour se permettre d’expérimenter et de<br />
mieux comprendre sa propre sexualité à l’âge où elle se forme.<br />
Les attitudes homophobes se développent potentiellement <strong>dans</strong> la<br />
socialisation des jeunes, à la suite des interactions qu’ils ont entre eux ou<br />
avec des adultes. Voyons en survol comment le développement ouvert des<br />
jeunes peut dépendre à la fois du contrôle social et du développement de<br />
leur identité. Ces notions auront un rôle à jouer quand il s’agira de mieux<br />
comprendre comment les jeunes peuvent en arriver à avoir une large<br />
diversité d’attitudes face aux gais et lesbiennes et aussi comment ils<br />
arrivent à trouver leur voie <strong>dans</strong> le tumulte de leur milieu de vie. On se<br />
rappelle de la chanson :<br />
Tous les garçons et les filles de mon âge<br />
Se promènent <strong>dans</strong> la rue deux par deux<br />
Tous les garçons et les filles de mon âge<br />
Savent bien ce que c'est qu'être heureux (Hardy, 1962)<br />
<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />
2007<br />
Cette chanson de Françoise Hardy (1962) évoque le plaisir des<br />
jeunes de connaître l’amour. Elle souligne qu’ils et elles seront heureux<br />
s’ils sont en couple… hétérosexuel. Le texte montre aussi la pression des<br />
normes sociales à la conformité, un modèle unique permettant de n’être<br />
heureux (semble-t-il) qu’en couple hétérosexuel. La chanson, cependant,<br />
évoque d’autres aspects moins heureux :<br />
Oui <strong>ma</strong>is moi, je vais seule par les rues, l'âme en peine<br />
Oui <strong>ma</strong>is moi, je vais seule, car personne ne m'aime.<br />
(Hardy, 1962)<br />
Qu’en est-il de cette personne qui se sent seule? De toutes ces personnes<br />
qui sont seules ou qui ne se sentent <strong>pas</strong> aimées <strong>dans</strong> le modèle<br />
hétérosexuel? La place qu’ils peuvent trouver en même temps qu’ils<br />
cherchent quelque peu à se connaître occupe un grand pan de la vie adolescente<br />
de toutes les époques. Le développement de l’identité sert justement<br />
à définir « leur » espace, comme l’explique Erikson :<br />
« Ils sont préoccupés, parfois <strong>ma</strong>ladivement <strong>ma</strong>is souvent avec<br />
curiosité, de ce qu’ils pensent être eux-mêmes – et de la question de savoir<br />
comment rattacher les rôles et les capacités cultivés tantôt aux prototypes<br />
idéaux du jour. Dans leur quête d’un nouveau sentiment de continuité et<br />
d’unité vécue (sameness) qui doit inclure désor<strong>ma</strong>is la <strong>ma</strong>turité sexuelle,<br />
certains adolescents doivent encore une fois se colleter aux crises des premières<br />
années, avant de pouvoir installer des idoles et des idéaux durables<br />
comme gardiens d’une identité finale. Ils ont besoin avant tout d’un moratoire<br />
pour intégrer des éléments d’identité assignés (…) aux stades de<br />
l’enfance : à cette différence près que, <strong>ma</strong>intenant, une unité plus large,<br />
incertaine <strong>dans</strong> ses contours et cependant immédiate <strong>dans</strong> ses exigences,<br />
remplace le milieu de l’enfance – c’est-à-dire la « société ». (Erikson, 1972 :<br />
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