L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
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Au-delà de l’imprécision technique de cette affir<strong>ma</strong>tion, deux<br />
objections <strong>ma</strong>jeures peuvent être avancées. Tout d’abord, des hommes<br />
homophobes peuvent très bien se dire confortables avec « leur <strong>ma</strong>sculinité<br />
», sachant qu’ils vivent en concordance avec les normes traditionnelles<br />
du genre <strong>ma</strong>sculin et qu’ils ne devraient <strong>pas</strong> trop se faire rabrouer<br />
par leurs pairs. Ceci saborde alors de fait l’affir<strong>ma</strong>tion « les hommes qui<br />
sont homophobes sont inconfortables avec leur <strong>ma</strong>sculinité ». Si l’on<br />
répond à cela que ce n’est <strong>pas</strong> possible étant donné qu’ils ont dû<br />
ou doivent encore sûrement se faire violence pour arriver à cette « concordance<br />
», on doit alors s’acquitter de définir exactement ce qu’on<br />
entend par « sa » <strong>ma</strong>sculinité. Que serait une « vraie » <strong>ma</strong>sculinité<br />
non contraignante?<br />
Ensuite, en employant le référent « <strong>ma</strong>sculinité », on renvoie à une<br />
nature et un cadre propres aux hommes. On invoque en fait « la » <strong>ma</strong>sculinité<br />
de la même <strong>ma</strong>nière que d’autres la citent pour appuyer cette foisci<br />
leurs attitudes et convictions homophobes : « un homme <strong>ma</strong>sculin,<br />
un vrai, ce n’est <strong>pas</strong> un fif, ce n’est <strong>pas</strong> une moumoune, ce n’est <strong>pas</strong><br />
une tapette ». Ces autres peuvent très bien, s’ils adhèrent à ce modèle<br />
de virilité, estimer qu’ils respectent leur <strong>ma</strong>sculinité et qu’ils sont<br />
authentiquement <strong>ma</strong>sculins – contrairement à ceux qui n’y correspondent<br />
<strong>pas</strong>. En ne remettant <strong>pas</strong> directement en question la définition<br />
conventionnelle de la <strong>ma</strong>sculinité, on la laisse perdurer <strong>dans</strong> le flou de<br />
« la » ou de « sa » <strong>ma</strong>sculinité à laquelle on fait référence <strong>dans</strong> le mythe,<br />
contribuant de fait à soutenir et à prolonger l’ostracisme de ceux qui n’y<br />
correspondent <strong>pas</strong>.<br />
Nous pourrions, à titre d’exemple, regarder l’idéal mis de l’avant<br />
par certains hommes s’inscrivant <strong>dans</strong> la mouvance des Promise Keepers 39 .<br />
<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />
2007<br />
Messner (1997) résume leur dis<strong>cour</strong>s ainsi :<br />
« A <strong>ma</strong>n who is secure on his position as a <strong>ma</strong>n has no need<br />
for alcohol, has no need to destroy his own body or other men’s bodies<br />
through violence, has no need to resort to sexual promiscuity to prove<br />
himself. The sense of relief at being given permission – by thousands<br />
of other men, in the <strong>ma</strong>sculine environs of a football stadium –<br />
to relax one’s <strong>ma</strong>sculine posturing with one’s self and with other men<br />
appears to be a great draw for men who attend the Promise Keepers<br />
events. » (p.35)<br />
En apparence, cette possibilité semble être une source<br />
d’épanouissement pour tous. Est-ce que ce confort avec « sa » <strong>ma</strong>sculinité<br />
suppose pourtant une ouverture à l’homosexualité? Non. Les Promise<br />
Keepers se mobilisent activement et politiquement contre les revendications<br />
féministes et contre la défense des droits des personnes LGBT. Une<br />
de leurs affichettes de pare-choc l’illustre avec la formule suivante : «If<br />
you want to go to heaven, take a right and go straight» (Messner, 1997,<br />
p.31). En s’abstenant de définir ce qu’on entend par « <strong>ma</strong>sculinité »,<br />
on donne le champ libre à différents groupes comme celui-ci d’y référer<br />
à leur guise, imposant leur propre vision de ce qu’elle devrait être.<br />
En somme, une personne à qui l’on exprime l’hypothèse que les<br />
hommes homophobes le sont parce qu’ils ne seraient <strong>pas</strong> confortables<br />
avec « leur » <strong>ma</strong>sculinité peut en interpréter les contours à sa propre<br />
<strong>ma</strong>nière, d’une façon qui ne garantira <strong>pas</strong> forcément l’ouverture<br />
à l’homosexualité.<br />
Finalement, et non le moindre, on <strong>pas</strong>se à côté d’une des véritables<br />
origines de l’homophobie qui est précisément la croyance en l’existence «<br />
d’une » <strong>ma</strong>sculinité singulière, une « vraie », une « fondamentale » – ou<br />
39 Populaires à travers les années quatre-vingt-dix, les Promise Keepers sont un regroupement d’hommes chrétiens fondamentalistes s’engageant à vivre une vie de droiture pour sauvegarder la famille<br />
traditionnelle qui serait en péril.<br />
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