L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal
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déballer tout ça… je sais qu’après ça, ils expliquaient un à un ces<br />
mots-là, <strong>ma</strong>is moi ça m’avait vraiment troublée. Le monde pensait<br />
vraiment ça… »<br />
Q – « Qu’est-ce qui te faisait <strong>ma</strong>l, Valérie? »<br />
« Je ne sais <strong>pas</strong>. Pour moi, l’opinion des autres, c’est vrai pour<br />
tout le monde à l’adolescence, <strong>ma</strong>is particulièrement pour moi,<br />
ça comptait. Il fallait être cool. Et là ce qu’ils avaient dit c’était vraiment<br />
atroce, que des lesbiennes sont des «brouteuses». J’aime <strong>pas</strong> être<br />
associée à ça. »<br />
« (…) j’avais même peur de rougir. J’avais peur que ça paraisse.<br />
J’avais peur que le monde se dise «bin voyons, pourquoi elle est rouge,<br />
elle?». J’avais peur. Je ne sais <strong>pas</strong> quel effet ça a pu faire sur d’autre<br />
monde <strong>dans</strong> ce <strong>cour</strong>s-là. Peut-être que ça les a aidés cette petite<br />
activité-là, <strong>ma</strong>is moi, j’ai vraiment <strong>pas</strong> tripé. » (Valérie)<br />
Alors que l’estime de soi est le plus important indicateur de santé<br />
mentale (Herschberger et D’Augelli, 1995), celui des jeunes gais et lesbiennes<br />
est en moyenne moins élevé que celui des hétérosexuels et ce,<br />
de façon plus <strong>ma</strong>rquée chez les filles que chez les garçons. Il en va de<br />
même pour les symptômes dépressifs, qui toucheraient particulièrement<br />
les bisexuels (Vicker<strong>ma</strong>n Galliher, Scoles Rostock et Hughes, 2004;<br />
Williams et al. 2005). Il faut signaler également que les jeunes se considérant<br />
ou s’identifiant comme gais, lesbiennes ou bisexuels ne sont <strong>pas</strong><br />
les seuls à être affectés par l’homophobie intériorisée et les difficultés<br />
d’estime de soi. Les jeunes en questionnement, qui n’ont <strong>pas</strong> tous mené à<br />
terme leurs réflexions, sont frappés de plein fouet par ces déchirements<br />
(Dunne, Pendergast et Telford, 2002; Williams et al. 2005).<br />
<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />
2007<br />
L’effacement de soi<br />
La honte, la haine de soi ou la crainte de subir les jugements ont un<br />
effet ostensible sur le vécu homosexuel des jeunes. Si certains tenteront de<br />
compartimenter leur vie, d’autres essaieront de <strong>pas</strong>ser pour hétérosexuels<br />
ou de fuir leurs sentiments (Bohan, 1996). Ils s’investiront alors <strong>dans</strong> des<br />
relations hétérosexuelles contre leurs désirs profonds, bri<strong>ma</strong>nt ainsi leur<br />
épanouissement. Par ailleurs, on note en moyenne chez les gais et les lesbiennes<br />
une plus grande précocité des relations (hétéro) et (homo)sexuelles<br />
(Saewyc et al., 1998). Dans un premier mouvement, certains<br />
cherchent à dissiper leurs impressions ou à noyer leurs sentiments pour les<br />
personnes de même sexe et, <strong>dans</strong> un second, à vérifier leurs attirances<br />
pour les personnes de même sexe 45 .<br />
« Quand je suis rentré au secondaire, je me suis fait achaler :<br />
«Regarde, t’es gai, tu préfères les gars que les filles». Je me faisais beaucoup<br />
agacer là-dessus. C’est sûr que je suis rentré <strong>dans</strong> le moule moi<br />
aussi. Je me suis inventé des fausses blondes et si je me trouvais une<br />
fille, je ne me sentais <strong>pas</strong> bien. » (Sébastien)<br />
« J’aurais aimé en entendre parler. Il y a trois ans, je m’en doutais,<br />
<strong>ma</strong>is je ne voulais <strong>pas</strong> l’être. Je me suis forcée avec les gars, <strong>ma</strong>is j’avais<br />
peur du sexe avec les gars. Dans le foyer d’accueil, je l’ai dit en août <strong>pas</strong>sé.<br />
» (Geneviève)<br />
Ces expériences hétérosexuelles que de nombreux jeunes gais et<br />
lesbiennes s’imposent, loin d’être de simples expérimentations et vérifications,<br />
sont un effacement de soi 46 . Aussi, lorsqu’ils feront leur sortie<br />
du placard, plusieurs d’entre eux auront l’impression d’être <strong>pas</strong>sés à côté<br />
de leur adolescence et de s’être ignorés pendant une partie significative de<br />
leur vie. Ils se trouveront donc à vivre cette adolescence à un âge tardif,<br />
45 Ironiquement, ces deux mouvements sont en conformité avec de fausses croyances répandues. La première, que l’homosexualité peut s’éviter ou se prévenir et la seconde, que l’affir<strong>ma</strong>tion/confir<strong>ma</strong>tion<br />
d’une identité homosexuelle nécessite la « consom<strong>ma</strong>tion » d’une relation sexuelle. Elles se nourrissent toutes deux à la source de l’hétérosexualité universelle et fondamentale.<br />
46 Si l’ampleur de ce que représente cet effacement ne semble <strong>pas</strong> concret, il suffit d’inverser la situation : Que ressentiraient des personnes hétérosexuelles si elles avaient ainsi été contraintes ?<br />
47 L’association des pères gais et l’Association des mères lesbiennes soutiennent le processus de sortie d’hommes et de femmes qui ont parfois attendu que leurs enfants «soient grands» ou même<br />
d’être grands-parents avant de revisiter les attirances de leur jeunesse et d’en venir à se dire qu’ils avaient toujours été gais ou lesbiennes <strong>dans</strong> un placard fermé à double tour.<br />
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