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L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal

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«Par exemple, quand un gars agit pour niaiser l’autre pis il le<br />

touche pis tout. Il va te dire « t’es gai, franchement.» (Miguel)<br />

• Ce n’est <strong>pas</strong> si méchant que ça.<br />

Dans ce type de justification, on concède que c’est méchant, <strong>ma</strong>is on<br />

ajoute que «ce ne l’est <strong>pas</strong> tant que ça». Il y a une contradiction ouverte<br />

entre l’admission de l’intention de blesser et la minimisation des impacts.<br />

Si le mot est sciemment employé pour heurter, ce n’est <strong>pas</strong> si grave que ça<br />

parce que c’est, justement, uniquement un mot 69 . Alternativement, on peut<br />

affirmer que ce n’est <strong>pas</strong> si grave que ça parce que l’insulte est utilisée<br />

pour exprimer «autre chose que le dégoût».<br />

«C’est un peu méchant là, <strong>ma</strong>is c’est juste un mot.» (Fabien)<br />

• C’est de la faute de la personne.<br />

Moins souvent, du moins ouvertement, des jeunes peuvent affirmer que<br />

l’insulte est motivée par le comportement d’autrui. Elle serait donc, <strong>dans</strong><br />

ce cas, justifiée et c’est la personne qui en est la cible qui en est responsable,<br />

qui l’a provoquée.<br />

• Ce n’est <strong>pas</strong> à cause de son homosexualité, c’est à cause<br />

de son efféminement et/ou de sa faiblesse.<br />

Bien qu’on puisse penser initialement qu’il s’agisse simplement d’une rectification<br />

apportée à ce que signifie l’insulte «t’es gai», elle entre également<br />

<strong>dans</strong> la logique de la justification. C’est qu’on considère comme allant de<br />

soi le fait que les personnes efféminées s’attirent des insultes. On aurait<br />

raison de lancer des «t’es gai» à un garçon dont les comportements<br />

s’éloignent des standards prescrits. Ce n’est donc <strong>pas</strong> parce qu’il est homo-<br />

<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />

2007<br />

sexuel qu’un garçon est ciblé, c’est à cause de la <strong>ma</strong>nière (efféminée) dont<br />

il s’habille, c’est «parce qu’il a un comportement de fille», c’est parce qu’il<br />

«parle trop», etc. Cette rationalisation est fréquente. Elle révèle la saillance<br />

de cette position <strong>dans</strong> l’univers relationnel des jeunes garçons.<br />

«Si un gai il devient fort là, un gai fort, musclé, je suis sûr qu’il y<br />

aura personne qui va lui dire « t’es gai, t’es une tapette ». Tu sais, face à<br />

face. Parce qu’il est fort. Mais si un gai est faible, tu vois ils vont lui dire<br />

tapette, parce qu’il est faible. Il a un comportement de fille.» (Danny)<br />

• Ce ne peut <strong>pas</strong> être homophobe car nous ne savons <strong>pas</strong><br />

si la personne est gaie.<br />

Plus rare, cette justification amoindrit la portée homophobe de l’insulte en<br />

mettant de l’avant le fait que les jeunes qui l’utilisent ne sont <strong>pas</strong> certains<br />

que le jeune ciblé soit homosexuel.<br />

• Ce n’est <strong>pas</strong> la personne qui est visée, c’est un de ses attributs.<br />

Également moins fréquente, cette rationalisation nie la blessure infligée<br />

sur la personne homosexuelle qui reçoit l’insulte «t’es gai» en extériorisant<br />

la véritable cible. Ce n’est <strong>pas</strong> la personne qui est visée, c’est un de ses<br />

attributs qu’on conçoit comme un objet découpé de son intégrité. D’où la<br />

«non-intention» de blesser la personne elle-même 70 .<br />

«On va peut-être <strong>pas</strong> dégrader Roger [nom du garçon présumé<br />

gai], <strong>ma</strong>is genre l’homo, l’homosexuel en tant que tel va être dégradé<br />

en disant « Ark, il fait ci, il fait ça, c’est dégueulasse!» (Fabien)<br />

Une analyse de l’insulte «t’es gai» nous indique qu’effectivement,<br />

elle est polysémique (Bastien Charlebois, 2007). C’est-à-dire qu’elle revêt<br />

plusieurs sens possibles. Cependant, elle n’est <strong>pas</strong> aussi distincte du<br />

69 Il serait intéressant d’explorer les implications d’une telle affir<strong>ma</strong>tion. Suppose-t-on que les mots blessent peu <strong>dans</strong> l’absolu? Qu’ils blessent moins que d’autres formes de violence? Ou considère-t-on que ce mot<br />

spécifique est moins blessant que d’autres?<br />

70 Ceci correspond à la même logique déployée par les fondamentalistes anti-gais qui affirment ne <strong>pas</strong> s’attaquer aux homosexuels, <strong>ma</strong>is bien à l’homosexualité, «Love the sinner, hate the sin». L’homosexualité n’est<br />

qu’un morceau de la personne – facilement extirpable, d’ailleurs – et son sentiment d’intégrité et de complétude n’en dépend <strong>pas</strong>. S’attaquer à l’homosexualité d’une personne touche la valeur qu’elle accorde à<br />

ses sentiments amoureux, expérience de vie qui est au centre de l’immense <strong>ma</strong>jorité des êtres hu<strong>ma</strong>ins, homosexuels comme bisexuels et hétérosexuels.<br />

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