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L'homophobie, pas dans ma cour! - GRIS-Montréal

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Elles se présentent comme les <strong>ma</strong>rques différenciées d’intérêt 16 , les carences<br />

d’empathie 17 , « l’invisibilisation 18 » , les mises à l’écart, les commentaires<br />

négatifs, les insultes et, de façon plus extrême, les coups. Parallèlement<br />

aux sondages, quelques initiatives ont été entreprises pour compiler des<br />

données concernant les gestes haineux commis à l’endroit de lesbiennes et<br />

de gais. Elles sont néanmoins peu nombreuses au Québec, se limitant aux<br />

activités du défunt organisme Dire enfin la violence et au mémoire présenté<br />

par le Caucus lesbien devant la Commission des droits de la personne<br />

en 1993 (Commission des droits de la personne du Québec, 1994). Alors<br />

que les autres corps policiers métropolitains a<strong>ma</strong>ssent des statistiques sur<br />

les crimes haineux, la police de la communauté urbaine de <strong>Montréal</strong> ne le<br />

fait <strong>pas</strong> (Janoff, 2005).<br />

Les gestes violents sont presque aussi diversifiés que les attitudes<br />

négatives. Ils ne sont par ailleurs <strong>pas</strong> toujours immédiatement imputés<br />

à des motifs haineux : leurs auteurs tentent parfois de se défiler et les<br />

enquêteurs ne sont <strong>pas</strong> forcément à l’affût de leur possibilité (Janoff,<br />

2005). De plus, l’attention médiatique divergente de certains crimes fausse<br />

leur évaluation au sein de la population. Tandis que le meurtre de Matthew<br />

Shephard, aux États-Unis, a été abondamment couvert et a frappé l’i<strong>ma</strong>ginaire<br />

de la population, celui de Sakia Gunn est resté largement ignoré 19 .<br />

Les faits ne se limitent <strong>pas</strong> à ce qui est rapporté et ne sont <strong>pas</strong> toujours<br />

aussi spectaculaires que les cas Shephard ou Sébastien Nouchet, un homme<br />

brûlé vif par une bande de jeunes à Noeux-les-Mines en France en 2004.<br />

Au Québec, les voies de fait commises sur deux lesbiennes s’étant<br />

embrassées en public à <strong>Montréal</strong> en 2004 ont été médiatisées, <strong>ma</strong>is en<br />

l’absence de recensement récent ou de compilation systé<strong>ma</strong>tique des<br />

crimes homophobes par la police, il est impossible de dresser un portrait<br />

<strong>GRIS</strong>-MONTRÉAL RAPPORT DE RECHERCHE<br />

2007<br />

actuel de la violence homophobe. Il est possible d’avancer que les<br />

violences extrêmes ne sont <strong>pas</strong> monnaie <strong>cour</strong>ante, comparativement à<br />

d’autres sociétés où les attitudes négatives envers les minorités sexuelles<br />

sont plus vives. Sinon, elles susciteraient au sein de la communauté gaie<br />

et lesbienne la même mobilisation que celle qui a eu lieu au début des<br />

années quatre-vingt-dix, alors que 14 hommes avaient été tués à <strong>Montréal</strong><br />

entre 1989 et 1993 parce qu’ils étaient homosexuels ou soupçonnés<br />

de l’être. Parmi ces victimes, trois d’entre elles ont été battues à mort par<br />

des jeunes et des jeunes adultes s’engageant <strong>dans</strong> des activités de «tabassage<br />

de tapettes» (Commission des droits de la personne, 1994). Du côté<br />

des lesbiennes, une enquête menée auprès d’elles en 1993 à <strong>Montréal</strong> a fait<br />

ressortir que 45,4% d’entre elles avaient été confrontées à de la violence<br />

verbale, 15,9% à du harcèlement et 7% à une agression physique de la part<br />

d’un inconnu <strong>dans</strong> un endroit public (Demczuk, 1998). La plupart des cas<br />

de violence sont perpétrés par des hommes et les rituels de tabassage de<br />

tapettes le sont par des adolescents et des jeunes adultes (Franklin, 2000;<br />

Tomsen et Mason, 2001; Van der Meer, 2003).<br />

Entre les extrêmes, certains gestes homophobes ne peuvent être<br />

définis et signalés comme crimes. On compte parmi eux les allusions et les<br />

propositions sexuelles, les regards insistants et les catcalls 20 objectifiants<br />

que subissent tout particulièrement les lesbiennes et les femmes bisexuelles.<br />

On compte également les bousculades et les invectives dirigées vers<br />

les personnes homosexuelles, notamment les jeunes qui fréquentent<br />

l’école secondaire. Bien que la gravité absolue de ces gestes soit moins<br />

grande que les <strong>pas</strong>sages à tabac, ils demeurent tout de même très<br />

blessants car ils rappellent la position de vulnérabilité <strong>dans</strong> laquelle se<br />

trouvent les lesbiennes et les gais.<br />

16 Par exemple, un parent qui s’enquiert de la vie amoureuse de son enfant hétérosexuel, <strong>ma</strong>is qui ne le fait <strong>pas</strong> avec son enfant homosexuel.<br />

17 Déconsidérer les expériences de discrimination vécues par les personnes homosexuelles, d’une part, et refuser de reconnaître l’intensité et la véracité des émotions amoureuses éprouvées par ces dernières, d’autre part.<br />

18 Refuser de parler d’homosexualité pour éviter d’en faire la « promotion ».<br />

19 Matthew Shephard a été sauvagement battu à mort en 1998, <strong>dans</strong> le Wyoming, par deux jeunes hommes prétextant avoir «perdu le contrôle» à la suite d’avances sexuelles qu’il leur aurait faites. Sakia Gunn,<br />

une jeune lesbienne afro-américaine qui habitait l’État du New Jersey, a été poignardée en 2003 lorsqu’elle et ses amies ont refusé les avances de deux hommes. Affir<strong>ma</strong>nt éventuellement qu’elle était lesbienne,<br />

un des hommes se serait jeté sur elle. Comparant la couverture médiatique des deux crimes en utilisant la base de données Lexis-Nexis, Kim Pearson (2005), professeur de journalisme au College of New Jersey,<br />

aurait relevé 659 articles produits sur Matthew Shephard et seulement 21 sur Sakia Gunn à l’intérieur des sept mois ayant suivi chacun des événements.<br />

20 Bruit que l’on fait généralement pour appeler des chats.<br />

24

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