Ecole Centrale <strong>de</strong> LyonBibliothèque Michel SerresAssociation <strong>de</strong>s Centraliens <strong>de</strong> LyonDès avant la guerre, la nécessité d'importer le pétroleet l'essence avait attiré l'attention <strong>de</strong>s pouvoirs publics,<strong>de</strong> la presse et <strong>de</strong> l'opinion, sur l'utilité <strong>de</strong> mettre aupoint <strong>de</strong>s procédés spéciaux <strong>de</strong> dénaturation, permettantl'utilisation <strong>de</strong> l'alcool pour la propulsion mécanique.Ces procédés ont été mis au point après la guerre,et aujourd'hui 80 % <strong>de</strong> l'alcool national, soit 3.835.000hl. en 1936, sont employés à titre <strong>de</strong> carburant, enmélange avec l'essence.Mais il n'est guère possible <strong>de</strong> chiffrer à plus <strong>de</strong> 10 %<strong>de</strong> la consommation d'essence l'appoint que l'alcoolfournit ainsi à l'allégement <strong>de</strong> nos charges économiques.Pratiquement, on ne peut donc pas considérer queles carburants <strong>de</strong> remplacement soient jusqu'ici, pour•la France, la vraie solution du problème du pétrole.C'est la solution alleman<strong>de</strong>. La solution anglaise a consistédans la conquête financière du plus grand nombrepossible <strong>de</strong> gisements pétroliers étrangers, et <strong>de</strong>smoyens <strong>de</strong> transport maritime. La solution françaiseactuelle est toute différente. Mise au point sur l'initiativeet par l'activité constante <strong>de</strong> l'Office National <strong>de</strong>sCombustibles Liqui<strong>de</strong>s, elle est actuellement la plus •adaptée aux conditions géographiques, aux possibilitéset aux besoins <strong>de</strong> notre territoire.Adoptée <strong>de</strong>puis 1928, la solution française consistedans l'importation du pétrole brut, le stockage et leraffinage sur le territoire national.Entre 1928 et 1936, on a ainsi vu naître en France15 gran<strong>de</strong>s raffineries <strong>de</strong> pétrole, adaptées chacune àune certaine catégorie <strong>de</strong> brut, pour la production,d'ailleurs variable, <strong>de</strong> certaines catégories <strong>de</strong> produitsfinis. ,. £|j^ f IJjfi %Ces usines sont situées au voisinage immédiat <strong>de</strong>sports maritimes par lesquels se fait l'importation <strong>de</strong>sproduits bruts. Le littoral <strong>de</strong> la Mer du Nord en compte<strong>de</strong>ux, à Dunkerque et à Courchelettes, avec une capacitéannuelle <strong>de</strong> 500.000 tonnes. L'estuaire <strong>de</strong> la Seineen compte quatre, dont 2 à Port-Jérôme, 1 à Gonfreville-l'Orcherprès <strong>de</strong> Honneur, 1 à Petit-Couronneprès <strong>de</strong> Rouen (c'est <strong>de</strong> beaucoup le groupe français leplus important). L'estuaire <strong>de</strong> la Loire en possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux,à Donges près <strong>de</strong> Nantes ; l'estuaire <strong>de</strong> la Giron<strong>de</strong>,<strong>de</strong>ux, à Pauillac et au Bec d'Ambès. La France Méditerranéenne,qui représente le <strong>de</strong>uxième <strong>de</strong> nos groupespétroliers, en a 4 : Frontignan, Berre, Lavera et Martigues.La <strong>de</strong>rnière usine est sur le territoire continental,à Merkwiller, en Alsace ; c'est la plus réduite<strong>de</strong> toutes, avec une capacité <strong>de</strong> 110.000 tonnes.Ces 15 usines appartiennent à dix sociétés différentesdans lesquelles les capitaux étrangers tiennent uneplace considérable. La plus importante est une sociétéfrançaise, pour ne pas 'dire une entreprise d'Etat, laCompagnie Française <strong>de</strong> Raffinerie, filiale <strong>de</strong> la CompagnieFrançaise <strong>de</strong>s Pétroles qui importe notre part<strong>de</strong>s hydrocarbures irakiens. Sur un capital total <strong>de</strong>300 millions <strong>de</strong> francs, cette <strong>de</strong>rnière détient 55 %, etl'Etat lui-même 10 '/,. Les usines <strong>de</strong> la C.F.R. représententune capacité <strong>de</strong> 2 millions <strong>de</strong> tonnes. La loi luiréserve 25 % du marché.Les trusts américains, soit directement, soit par leursfiliales sous raisons sociales françaises, possè<strong>de</strong>nt lequart <strong>de</strong> la capacité totale <strong>de</strong>s usines. Les trusts anglais,dans les mêmes conditions, plus du cinquième. Enfinl'U.R.S.S., sous la désignation Raffinaurs <strong>de</strong> Pétrole duNord, en contrôle 5 r '
Ecole Centrale <strong>de</strong> LyonBibliothèque Michel SerresAssociation <strong>de</strong>s Centraliens <strong>de</strong> LyonL'origine <strong>de</strong>s importations pétrolières a spécialisédans ce trafic un petit nombre <strong>de</strong> nos ports maritimes.Aujourd'hui, c'est Le Havre qui <strong>de</strong> loin vient en tête,en liaison avec l'importance exceptionnelle <strong>de</strong>s usines<strong>de</strong> raffinage situées sur l'estuaire <strong>de</strong> la Seine. Avecplus <strong>de</strong> 2 millions <strong>de</strong> tonnes annuels, Le Havre absorbeà lui seul près d'un tiers <strong>de</strong> nos hydrocarbures, et celareprésente plus d'un tiers <strong>de</strong> ses entrées <strong>de</strong> marchandises.Cet ancien port du coton et du café est <strong>de</strong>venuessentiellement un port pétrolier. Une pipe-line <strong>de</strong>35 kilomètres conduit le pétrole du port aux usines <strong>de</strong>St-Jérôme.Rouen, qui tenait encore le premier rang en 1933,avec un million et <strong>de</strong>mi <strong>de</strong> tonnes, a été dépossédé parLe Havre, et importe aujourd'hui un peu plus d'unmillion.Au troisième rang vient Marseille, qui <strong>de</strong>ssert lesgran<strong>de</strong>s usines <strong>de</strong> Provence, avec une absorptionannuelle d'un million <strong>de</strong> tonnes.L'importation pétrolière est encore importante à Bor<strong>de</strong>auxet à Dunkerque, avec un tonnage <strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong>700.000 tonnes.Bien loin <strong>de</strong>rrière ces cinq grands organismes viennentSète et Nantes (Donges), avec environ 200.000 t.,puis La Rochelle-Pallice, Cherbourg, Brest.On voit combien le tonnage d'importation <strong>de</strong>s grandsports pétroliers est lié à l'importance relative <strong>de</strong>susines <strong>de</strong> raffinage qui les entourent.Pratiquement, les trois plus grands, Le Havre, Rouenet Marseille, introduisent ensemble sur le territoire les2/3 <strong>de</strong> notre' consommation. Cependant, il ne faut pasréduire à l'excès l'importance <strong>de</strong>s autres. Bor<strong>de</strong>aux,qui, dès avant la nouvelle politique pétrolière, était lecentre d'une véritable « zone d'importation », possè<strong>de</strong><strong>de</strong>s installations qui s'échelonnent sur plus <strong>de</strong> 80 kilomètres: les anciennes à Pauillac, Blaye, Bassens, lesnouvelles au Bec d'Ambès. Les spécialistes ont expriméle souhait <strong>de</strong> voir se développer notre zone importatrice<strong>de</strong> l'Atlantique, plus facile à atteindre et moins facile àbloquer que celles <strong>de</strong> la Mer du Nord ou <strong>de</strong> la Manche.Quant aux transports terrestres du pétrole, ils ontpris <strong>de</strong>puis dix ans l'importance d'une industrie <strong>de</strong>toute première gran<strong>de</strong>ur. Ils ont contribué à modifierprofondément l'économie <strong>de</strong> la circulation sur le territoirenational.Au temps <strong>de</strong>s fûts et <strong>de</strong>s caisses <strong>de</strong> bidons, le transportétait presque exclusivement assuré par les réseaux<strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer. Puis se sont développés les camionsciternesroutiers. La France en possè<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 1.500 ;la plus gran<strong>de</strong> société <strong>de</strong> distribution détient à elle seuleun parc <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 600 camions.Mais la gran<strong>de</strong> transformation rési<strong>de</strong> dans le développement<strong>de</strong> la batellerie pétrolière. Il s'est manifesté<strong>de</strong>puis 1926 environ, et surtout <strong>de</strong>puis le grand essor<strong>de</strong>s chalands automoteurs, commencé aux environs <strong>de</strong>1932. Actuellement, la batellerie française compte environ600 chalands-citernes, d'une portée' totale <strong>de</strong> près<strong>de</strong> 250.000 tonnes ; là <strong>de</strong>ssus, les chalands automoteursfigurent pour plus <strong>de</strong> 400 unités et près <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux tiersdu tonnage.La rotation <strong>de</strong> ces chalands étant en principe plusrapi<strong>de</strong> que celle <strong>de</strong>s bateaux-citernes maritimes, onpeut admettre que la batellerie pétrolière possè<strong>de</strong> déjàthéoriquement une capacité <strong>de</strong> transport supérieure àcelle <strong>de</strong> notre flotte' maritime. En fait, ils transportentchaque année près <strong>de</strong> 3 millions <strong>de</strong> tonnes d'hydrocarburespar an, soit plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> la consommationnationale.Aussi le trafic <strong>de</strong>s pétroles a-t-il considérablementdéveloppé, voire même spécialisé, certains ports intérieurs.Deux d'entre eux sont d'une importance capitaleà cet égard : ceux <strong>de</strong> Rouen et <strong>de</strong> Paris, avec plus d'unmillion <strong>de</strong> tonnes chacun. Viennent ensuite Dunkerqueà la tête <strong>de</strong>s canaux du Nord, Bor<strong>de</strong>aux à la tête <strong>de</strong>svoies navigables du Midi, et Strasbourg, au carrefour<strong>de</strong>s routes fluviales <strong>de</strong> Suisse, <strong>de</strong> la France <strong>de</strong>' l'Est parle canal <strong>de</strong> la Marne au Rhin, voire, théoriquement, <strong>de</strong>la France du Sud-Est par celui du Rhône au Rhin. Letrafic pétrolier total <strong>de</strong> Strasbourg est <strong>de</strong> 300.000 tonnes,dont environ les <strong>de</strong>ux tiers sont <strong>de</strong>stinés à la fournituredu marché suisse.Outre Paris, la région parisienne comporte un nombrerelativement considérable <strong>de</strong> ports fluviaux, <strong>de</strong>venusrécemment surtout <strong>de</strong>s ports pétroliers : Gennèvilliers,avec 250.000 tonnes, Nanterre, Ivry, avec plus <strong>de</strong>100.000, etc..Dans la France du Sud-Est, les ports fluviaux pétrolierssont d'abord ceux <strong>de</strong> la Méditerranée : Balaruc,Port-St-Louis-du-Rhône ; puis Lyon. La circulationpétrolière est un <strong>de</strong>s principaux éléments <strong>de</strong> la renaissance<strong>de</strong> la navigation sur le Rhône ; elle a contribué àrelever le tonnage <strong>de</strong>s marchandises transportées parnotre torrentueux grand fleuve au voisinage <strong>de</strong> 8 à900.000 tonnes dans ces <strong>de</strong>rnières années. Le transportrhodanien <strong>de</strong>s pétroles est uniquement remontant : cesont les pétroles d'importation et <strong>de</strong> raffinage méditerranéensqui viennent, par Lyon, se répartir à traverstous les centres <strong>de</strong> consommation du Sud-Est. En 1937,les ports <strong>de</strong> Lyon ont débarqué 164.000 tonnes d'hydrocarbures,sur un trafic remontant total <strong>de</strong> 403.171 tonnes: c'est-à-dire que le pétrole a représenté 41 % <strong>de</strong>stransports en ce sens. On appréciera le prodigieuxaccroissement <strong>de</strong> cette nouvelle forme <strong>de</strong> trafic, si l'onconsidère que 1 le tonnage pétrolier du Rhône n'était, en1930, que <strong>de</strong> 11.481 tonnes, et en 1934, <strong>de</strong> 88.509. Celasuffit à expliquer la construction, par la Chambre <strong>de</strong>Commerce <strong>de</strong> Lyon, <strong>de</strong>s belles installations pétrolièresdu Port Rambaud sur la Saône, et l'établissementrapi<strong>de</strong>, par la Compagnie Nationale du Rhône, <strong>de</strong>sterre-pleins pétroliers .au nouveau port Edouard-Herriot,sur le Rhône, immédiatement en aval <strong>de</strong> Lyon.Le développement <strong>de</strong> la batellerie pétrolière a eneffet déterminé partout la constitution <strong>de</strong> centresd'entrepôt, dont les plus importants sont situés au voisinage<strong>de</strong>s voies navigables : surtout au centre <strong>de</strong>sgran<strong>de</strong>s régions <strong>de</strong> consommation, à Lille, à Toulouse,à Strasbourg, et aux environs <strong>de</strong> Paris, notamment àGennèvilliers. D'autres se sont développés dans <strong>de</strong>sports fluviaux parfois inconnus du grand oublie, maisqui sont parmi nos plus importants centres <strong>de</strong> stockage :tels Chalon-sur-Saône, Gimouille et Diou sur le canallatéral à la Loire, Nomény sur le canal <strong>de</strong> l'Est, Saint-Jean-<strong>de</strong>-Losne sur le canal <strong>de</strong> Bourgogne.Aussi la capacité <strong>de</strong> stockage <strong>de</strong>s entrepôts françaiss'est-elle accrue aussi vite que la consommation et lacirculation nationales. Les entrepôts <strong>de</strong> l'intérieur peuventactuellement stocker 653.000 mètres cubes, et ceux<strong>de</strong>s ports maritimes bien davantage, 2.820.000 mètrescubes. Avec les entrepôts spéciaux <strong>de</strong> l'armée et <strong>de</strong> lamarine, la capacité totale d'emmagasinage du territoirefrançais représente sensiblement plus <strong>de</strong> 4 millions <strong>de</strong>mètres cubes.Cependant, il est à remarquer que la plus gran<strong>de</strong>29http://histoire.ec-lyon.frhttp://bibli.ec-lyon.frhttp://www.centraliens-lyon.net