130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne
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1914-1918, ce livre est bien une sorte de douloureuse anticipation d’un triste XX° siècle. La farce<br />
du début est devenue terrible en fin du roman.<br />
20. Les pacifistes libertaires de Émile MASSON en 1918<br />
Dans son ouvrage écrit en 1918 et publié en 1921 Utopie des îles bienheureuses dans le<br />
Pacifique en l’an 1980, le socialiste breton propose une vision anti-guerre, pacifiste et nonviolente.<br />
L’aspect anti-nationaliste semble également très puissant. Comme beaucoup de<br />
libertaires, il prône une évolution lente, graduelle des individus et du nouveau monde qu’ils créent,<br />
avec une place de choix pour les aspects éducatifs.<br />
21. L’île libertaire de Marcel ROUFF en 1923<br />
Dans Voyage au monde de l’envers publié en 1923, Marcel ROUFF décrit une société<br />
sans tabou sexuel, pratiquant l’amour libre au vu de tous. La propriété privée n’existe plus. La vie<br />
est pacifiste. Ce communisme intégral semble cependant se faire au détriment de l’individu, dont<br />
l’aire d’autonomie est pour le moins limitée face à un collectif dominateur.<br />
22. Traces libertaires chez THIRION dans son « Oedipe au bordel »<br />
André THIRION (mort en janvier 2001) n’est aucunement un anarchiste. Au contraire :<br />
surréaliste avant guerre, cet ancien résistant rallia le gaullisme et devint Conseiller Municipal de<br />
Paris dans les années 1940 et 1950. Pourtant dans sa phase surréaliste, surtout dans les<br />
années trente, il incarna une des tendances les plus sociales du mouvement (un des rares à<br />
écrire sur le mouvement ouvrier, par exemple), et fut un des premiers à résister au mirage<br />
communiste (au sens du PCF et de l’URSS) alors que même BRETON se laissa un court moment<br />
piéger. Dès 1929 il avait formulé dans un petit texte une sorte d’utopie libertaire, mais pas du tout<br />
proudhonienne, dans la lignée de LAFARGUE : À bas le travail ! En 1931 ses prises de position<br />
indépendantes en font un des premiers exclus du parti communiste.<br />
Son œuvre « Oedipe au Bordel », d’un total anti-conformisme et violemment critique vis à<br />
vis des conventions, éclate de santé libertaire dans les débordements sexuels qu’elle propose,<br />
ce qui peut expliquer de la trouver parfois citée dans une anthologie d’écrits de ce type. Cet<br />
ouvrage, sentant le soufre, souvent condamné pour « pornographie » tranche étonnamment<br />
avec la légion d’Honneur que THIRION accepta par la suite ! Elle nous rappelle que l‘homme ne<br />
rompit vraiment jamais avec la fougue passionnelle de sa jeunesse contestataire. L’utopie<br />
libertaire s’exprime dans les souhaits d’un monde ouvert, sans cloisonnement. La famille y a<br />
disparu. L’État en voie de disparition « serait mou et souple » dit THIRION. Les moralisateurs, la<br />
plaie de tous les surréalistes, n’auraient pas de place dans ce monde nouveau.<br />
Son Éloge de l’indocilité 115 à une tonalité libertaire qui reste forte malgré les années et<br />
les dérives politiques. L’ouvrage très inégal offre un sain pluralisme et un anti-dogmatisme assez<br />
réconfortant. Oedipe au bordel y occupe le II° chapitre. Le III° chapitre sur les Malheurs de la 49°<br />
brigade dénonce l’imbécillité de la caste militaire. Le IV° sur Les systèmes s’en prend à la langue<br />
de bois et à tous les simplismes (même si c’est surtout la gauche qui est désormais visée). Le<br />
nationalisme et l’armée sont encore dans sa ligne de mire. Le V° et VI° chapitres reproduisent À<br />
bas le travail qui est un bon décapant contre le productivisme, l’ouvriérisme et l’idéologie du<br />
travail notamment chez MARX. Le VI° chapitre, complément du précédent, tout en dénonçant le<br />
« caractère étroit, utopique et abstrait du marxisme », la « fantasmagorie romanesque » et la<br />
« société théologique » qu’il décrit, fait l’éloge à plusieurs reprises de STIRNER et de FOURIER.<br />
Leur défense de l’individualisme et des libertés serait le plus sûr garant contre le marxisme et son<br />
« avenir monstrueux et technocratique », « cette utopie la plus absolue du XX° siècle, et la plus<br />
dangereuse ». Juste avant que les sirènes marxistes n’attirent ARAGON et quelques autres,<br />
l’importante lucidité anarchisante de THIRION, irritante parfois parce qu’excessive, nous rappelle<br />
que le surréalisme d’alors est résolument libertaire. Si on revient sur ce qu’il dit sur FOURIER, on<br />
peut voir qu’il est sur ce point encore très proche d’André BRETON : reconnaissance d’une<br />
utopie ouverte, merveilleuse, libertaire, pluraliste et qui met au premier plan le principe de plaisir.<br />
Les fameuses passions « papillonne » et « alternante » sont bien sûr largement encouragées.<br />
L’éloge fouriériste, cette pensée « tête de feu de l’émancipation future » est poursuivi également<br />
dans le chapitre IX, Plus oultre qui est un texte surréaliste puissamment libertaire, dressé contre<br />
115 THIRION André Éloge de l’indocilité, Paris, Laffont, 1979<br />
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