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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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champ d’étude par exclusions plus que par agglomérations. Comme il semble être avant tout<br />

historien de la littérature, ce qu’il cherche à préciser, c’est l’utopie littéraire 19 , mais seulement<br />

celle-ci, dans une belle formule qui classe et qui exclut : « Nous proposerons de parler d’utopie<br />

lorsque, dans le cadre d’un récit (ce qui exclut les traités politiques), se trouve décrite une<br />

communauté (ce qui exclut la robinsonnade), organisée selon certains principes politiques,<br />

économiques, moraux, restituant la complexité de l’existence sociale (ce qui exclut l’âge d’Or<br />

et l’arcadie), qu’elle soit présentée comme idéal à réaliser (utopie constructive) ou comme la<br />

prévision d’un enfer (l’anti-utopie moderne), qu’elle soit située dans un espace réel,<br />

imaginaire, ou encore dans le temps, qu’elle soit enfin décrite au terme d’un voyage imaginaire<br />

vraisemblable ou non. »<br />

Dans un ouvrage plus récent 20 , il revient sur ces clarifications en opérant d’autres<br />

exclusions : il rejette tout ce qui est trop individualiste (robinsonnade), trop féérique et irréaliste<br />

(Cocagne et mondes à l’envers), trop transcendant (âges d’or, millénarismes), trop élitiste<br />

(arcadies) ou pas narratif (traités et programmes politiques et sociaux)…<br />

Cela lui permet de tenter une définition, qui ne vaut que pour ce genre narratif utopique qui<br />

devient son restreint objet d’étude : l’utopie serait un « genre littéraire », qui manifeste une<br />

volonté humaniste de changement (« radicale intentionnalité »), immanente (« rédemption de<br />

l’homme par l’homme »), exprimée par et pour un collectif. Son cadre est purement narratif, et<br />

s’inspire souvent de la thématique du voyage ; l’aspect pédagogique et descriptif réduit<br />

considérablement le côté romanesque (« pauvreté et carence romanesque de l’utopie<br />

traditionnelle »).<br />

À partir de là, on peut désormais tenter une plus complexe présentation : l’utopie « sous<br />

sa forme romanesque, se présente comme une construction sociale complexe, un univers<br />

imaginaire où l’auteur reconstitue l’ensemble des conditions politiques, économiques,<br />

sociales, religieuses, qui caractérisent une société authentique » 21 .<br />

La volonté de perfection (liées à la « déconcertante minutie », à la « manie de la règle »,<br />

ou à « l’amour intransigeant de la symétrie et de l’identité ») limite cependant tout devenir, tout<br />

dynamisme et forme un genre figé qu’il appelle « utopie normative » ou simplement « utopie<br />

traditionnelle », ce que d’autres analystes appellent « utopie classique ».<br />

Je reprendrai souvent cette formule de Raymond TROUSSON, car en affirmant que cette<br />

utopie là répugne à tout « individualisme non conformiste » et en la posant comme antithèse de<br />

toute « imagination par essence anarchique », il tend à nous faire penser que l’utopie est un<br />

type d’écrit anti-libertaire par définition. Or de nombreuses traces libertaires dans des ouvrages<br />

utopiques viennent démentir cette constatation.<br />

Ce qui également semble curieux dans son effort de classification, c’est qu’il traite dans<br />

son cadre de toutes les anti-utopies, alors que la fin de son premier article cité démontre qu’elles<br />

sont exactement l’antithèse de sa définition, en réintroduisant le héros individuel, le sens du<br />

romanesque et de l’intrigue, la distanciation critique et l’anti-totalitarisme.<br />

Les écrits de TROUSSON sont très riches et l’on sent un profond travail de distanciation<br />

critique, mais sa définition comme beaucoup d’autres est discutable et contradictoire. Le terme<br />

d’utopisme, trop large sans doute, me semble plus satisfaisant pour tenter une approche<br />

générale du phénomène, en refusant les exclusions qui enferment et qui sont contestables car<br />

présentant trop d’exceptions.<br />

L’espagnol Miguel AVILÉS 22 semble être en accord avec TROUSSON, et précise plus<br />

encore la définition du genre utopique. Il rappelle que ce texte narratif ne peut pas se réduire à la<br />

description d’un monde imaginaire. Il faut pour classer un texte dans les utopies qu’il réponde à<br />

trois caractéristiques essentielles, et à une intention principale :<br />

19<br />

TROUSSON Raymond Voyage au pays de nulle part, Bruxelles, édition de l’Université, 1975<br />

20<br />

TROUSSON Raymond Utopie et roman utopique, -in-D’utopie et d’utopistes, Paris, L’Harmattan,<br />

1998<br />

21<br />

TROUSSON Raymond Les bibliothèques de l’utopie au XVIII° siècle, -in-D’utopie et d’utopistes,<br />

Paris, L’Harmattan, 1998<br />

22<br />

AVILÉS Miguel Otros cuatro relatos utópicos en la Españ moderna, -in-Las utopías en el mundo<br />

hispánico 1988, Madrid, 1990<br />

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