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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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ailleurs de soi comme d’un ailleurs de la raison » 85 . Dans la même revue dont la parution (1992)<br />

succède de peu à l’effondrement du socialisme dit réel (explosion du Bloc soviétique), ce qui<br />

est notable, René SCHÉRER que sa proximité avec les écrits fouriéristes a rendu proche des<br />

libertaires, affirme que face aux « utopies transcendantes » (totalitaires, religieuses, éducatives,<br />

d’État...) la seule « utopie méritant ce nom est immanente, libertaire et révolutionnaire » 86 .<br />

Pour prendre un autre exemple de philosophes à la croisée du marxisme et de la pensée<br />

libertaire, on peut citer Claude LEFORT et son éloge de la « démocratie sauvage » (au sens de<br />

naturelle instinctive, spontanée) et Miguel ABENSOUR qui revitalisent « l’idée libertaire de la<br />

démocratie » 87 , en rappelant qu’elle se dresse contre le totalitarisme. Utopie et démocratie ont<br />

tout à gagner dans leur symbiose. C’est ce qu’affirme pendant des décennies l’anarchiste Luce<br />

FABBRI de l’autre côté de l’Atlantique.<br />

Les libertaires remettent en premier la force de l’utopie, mais ils l’appellent plus souvent<br />

« l’imaginaire social, l’idéal, le volontarisme politique... ». L’équipe lyonnaise d’ACL (Atelier de<br />

Création Libertaire), et ceux qui lui sont proches (comme la Revue Réfractions), ont beaucoup<br />

oeuvré en ce sens, en multipliant les publications et en prenant une grande part dans les<br />

animations de colloques et de rencontres. En 2001, dans le numéro 7 de cette revue, René<br />

FURTH dans son article « La révolution », résume bien ce propos : « Ce chamboulement-là<br />

(Changer la vie !) implique aussi que soient mises à contribution les forces spécifiques de<br />

l’esprit qui s’agitent contre l’ordre ancien : les tensions de l’imaginaire, les rêves d’une autre<br />

vie, et ces croyances permanentes qui resurgissent dans toute explosion révolutionnaire ».<br />

Cette utopie libre ou libertaire surtout après l’effondrement soviétique des années 1990 se<br />

diffuse ou reprend vie au sein de l’intelligentsia (politique ou artistique), qui condamne désormais<br />

très fréquemment toute utopie-système, globalisante et figée ou conformiste. Cette victoire<br />

tardive d’une utopie à caractéristiques libertaires très marquées se révèle dans plusieurs<br />

ouvrages récents. Par exemple, en introduction en 2000 à L’art au XX° siècle et l’utopie, Roberto<br />

BARB<strong>ANT</strong>I et Claire FAGNARD proposent cette belle formule : « si l’utopie est entendue non pas<br />

comme une volonté totalisante, mais comme une utopie assortie à une exigence de<br />

construction, elle va nécessairement de pair avec l’insoumission et nous la revendiquons ».<br />

Dans ce même ouvrage, Charles DANIEL en citant le jugement de Ernst BLOCH su HEGEL<br />

privilégie justement l’inachevé, le tâtonnement pour redonner vie à l’espoir : « Qu’elles ne<br />

puissent avoir de fin, voilà ce qui fait grandes les grandes œuvres ».Dans un autre article, le<br />

libertaire spécialiste de FOURIER, René SCHÉRER prône une utopie libre de toute contrainte car<br />

« elle a largué les amarres depuis le lieu insulaire de ses origines, en même temps qu’elle<br />

abandonnait l’île protégée par une réglementation rigide ». Pour lui, l’utopie « ne réserve de<br />

place à aucun message autoritaire… » et se réclame du nomadisme tant par son refus de se<br />

fixer (spatialement ou temporellement) que par sa volonté de ne pas se figer (dans un système<br />

clos). En conclusion, dans Vers une pratique de l’utopie », Françoise ROD affirme que « l’action<br />

utopique, lucide, critique, sans attente, insérée tant soi peu dans le réel brise la durée, ouvre la<br />

porte du sens, fonde notre réalité ». Cet ouvrage collectif est donc un très intéressant support<br />

pour en cette fin du XX° siècle penser l’utopie. On pourrait en multiplier les citations. Le<br />

totalitarisme et les errements vécus sont passés par là. Dans un monde intellectuel et artistique<br />

assez souvent proche de la posture « anarchiste », le retour ou la confirmation des thématiques<br />

libertaires présente une certaine revanche de BAKOUNINE sur MARX, plus d’un siècle après leur<br />

grande opposition.<br />

Si on prend un autre exemple, le catalogue de l’Exposition « À la recherche de la cité<br />

idéale » d’Arc-et-Senans en 2000, publié en 2001, le même souci « libertaire » s’y manifeste<br />

dans les diverses introductions. Serge <strong>ANT</strong>OINE et Jean DEDOLIN y affirment que l’utopie « est la<br />

respiration du monde », à condition que s’ouvrent « plusieurs futurs possibles ». Lorette COEN,<br />

maîtresse d’œuvre du Catalogue, insiste pour qu’on « laisse l’imagination libre de s’envoler. à la<br />

recherche de la cité idéale, il n’est pas interdit de s’égarer ». C’est sous une autre forme dire la<br />

même chose qu’autrefois MALATESTA ou FABBRI sur la diversité des expérimentations… Quant<br />

à Francis GODARD, il répète « que rien n’est acquis d’avance » et que « toutes les options sont<br />

85<br />

CURNIER Jean-Paul Et rien pour endiguer le flot, -in-Ligne, n°17, Hazan, 1992<br />

86<br />

SCHÉRER René Philosophie et utopie, -in-Ligne, n°17, Hazan, 1992<br />

87<br />

ABENSOUR Miguel « Démocratie sauvage » et « principe d’anarchie », -in-Les Cahiers de<br />

Philosophie, n°18, 1994-1995<br />

et ABENSOUR Miguel Utopie et démocratie, -in-L’utopie en questions, 2001<br />

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