130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

indépendants de qualité comme le très fourni Éphéméride anarchiste. « L’internet donne
techniquement aux individualistes la possibilité d’un renouveau inattendu » 150 et la possibilité
de peser autant sinon plus (quantitativement et qualitativement) que les sites organisationnels.
C’est effectivement un des traits les plus libertaires du net de permettre aux individus de rivaliser
et de s’affirmer vis à vis de plus grandes entités.
13. Une utopie révolutionnaire ?
D’emblée c’est le scepticisme comme le dit très bien le journaliste Astrad TORRÈS 151
« L’utopie Internet, c’est de croire que la dynamique Internet va bouleverser l’ordre des
choses ». Bref on a déjà donné dans ces illusions qu’un progrès technique permettrait de
rénover la société, matériellement et politiquement. Depuis la formule attribuée à LÉNINE que le
socialisme serait « les soviets plus l’électricité » jusqu’aux productions monstrueuses du
« socialisme réel » stalinien ou maoïste, on est bien revenu de cette croyance en un progrès
technique globalement libérateur.
Ce scepticisme est d’autant plus critique qu’il y a danger de « vampirisation du lien social
par la technique » 152 , vu que l’utopie technique tend à l’emporter sur l’utopie sociale dans les
discours récents des politiques (surtout américains, Cf. Al GORE).
14. Mais une utopie également aliénante et anti-anarchiste...
Si on suit les remarques de Paul RABIN publiées dans la belle revue anarchiste
britannique The Raven sous le titre « Computers and anarchism », bien des points sont à
reprocher aux réseaux d’ordinateurs.
Par la domination technique qu’il entraîne, par l’ordre théorique, technologique, linguistique
et humain (organisationnel) qu’il génère, l’ordinateur est aux antipodes de l’anarchie. De même
l’illusion des conséquences sociales du progrès technologique ne résiste pas vraiment lorsqu’on
en analyse ses effets plutôt négatifs sur l’emploi et sur le maintien des hiérarchies et des
inégalités qu’il renforce parfois 153 . Les deux grandes cyberutopies, celle de l’automation
libératrice de la cybernétique des années 1950, et celle égalitariste des autoroutes de
l’information des années 1990 véhiculent la même illusion et révèlent plus d’échecs que de
bienfaits, nous rappelle Guy LACROIX dans un article 154 tout de même trop manichéen et
diabolisant l’adversaire. C’est une bonne méthode pour bien le combattre, mais cela rappelle
fâcheusement bien des procédés des régimes totalitaires.
Les relations que le réseau des réseaux permet ne sont que des liaisons virtuelles, très
peu souvent suivies de rencontres réelles, et limitées (« Computer mediation is alienating,
reducing interaction to objective behavior, and restricts the variety of interaction... ».
L’aliénation d’un contact par robot interposé est donc forte, et limite l’autonomie et la liberté de la
vie naturelle.
Le réseau croit nous rendre actif, indépendant. En fait l’illusion est forte et laisse aux
pouvoirs traditionnels plus de latitude pour nous dominer.
Ignacio RAMONET, un des maîtres à penser de « l’anti-pensée-unique », et souvent luimême
utilisant « sa » langue de bois, enfonce le clou avec La tyrannie de la communication, livre
publié en 1999.
150
ZOLLA Éric L’anarchisme francophone sur Internet, p.502
151
terminal p.89
152
terminal p.223 (expression de Pierre MUSSO)
153
BRETON Philippe L’utopie informationnelle, -in- Collectif, Utopia, 2001
154
LACROIX Guy Cyberutopies d’hier et d’aujourd’hui, -in- Collectif, Utopia, 2001