130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne
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Ses positions (avec des nuances) ont peu à peu gagné l’ensemble du mouvement<br />
puisqu’au Congrès National de la CNT de Saragosse en mai 1936, les 649 délégués de plus de<br />
988 syndicats (peut-être 600 000 représentés) réaffirment cet idéal utopique, en même temps<br />
d’ailleurs que des positions plus réformistes ! C’est le fameux texte : Concepción Confederal del<br />
Comunismo Libertario, qui résume le Point 8 du Congrès. C’est incontestablement le texte le plus<br />
novateur et le plus important (par la force numérique et militante de la CNT de l’époque) dans ce<br />
domaine. Ce document « anarchiste » est cependant moins ouvert que les propositions de<br />
PUENTE, qui alliait sans exclusive les efforts du syndicalisme et des communes libres.<br />
La Guerre civile de 1936 à 1939 va permettre d’en réaliser des expérimentations à grande<br />
échelle, même si l’explosion sociale est largement spontanée.<br />
Les écrits de Diego ABAD de S<strong>ANT</strong>ILLAN, théoricien plus économiste, en peaufine les<br />
aspects durant cette Guerre Civile, mais en rogne les éléments trop utopiques, au nom d’une<br />
vision plus pragmatique et un peu plus centraliste du mouvement social.<br />
Diego CAMACHO, relatant toutes ses écrits et leur diffusion, insiste sur la longue<br />
préparation et l’omniprésence de la propagande libertaire qui permirent le choix du communisme<br />
libertaire et des idéaux autogestionnaires en 1936. Dans un interview à la A Rivista Anarchica<br />
de Milan en décembre 1998 (n°250) il dit notamment que « les révolutions ne produisent pas de<br />
miracle : elles font seulement affleurer ce qui existe déjà » et plus loin « les révolutions, si<br />
avant qu’elles ne se produisent, ne sont pas dans la tête des gens, ne peuvent pas développer<br />
un caractère nettement déterminé. »<br />
Pour résumer, une idéologie communiste libertaire sommaire et une « culture de la<br />
subversion » et de la révolte existent de manière diffuse, même hors du mouvement libertaire.<br />
L’explosion de 1936, en supprimant bien des verrous, va donc spontanément s’appuyer dessus<br />
et en ranimer la flamme.<br />
3. les « collectivités » libertaires de 36-39 : « une utopie réalisée »<br />
Innombrable est désormais la bibliographie les concernant, et il faut bien reconnaître que<br />
le succès du film Land and Freedom de Ken LOACH récemment (1995) leur a donné un<br />
renouveau d’intérêt. Le réalisateur affirmait d’ailleurs que les collectivisations « furent un des<br />
rares moments dans l’histoire de l’humanité où on vit un peuple prendre le contrôle de sa<br />
propre vie » 50 . Pour les anarcho-syndicalistes français de la CGT-SR 51 , ce n’est ni plus ni moins<br />
qu’une « magnifique aurore qui se lève à l ‘horizon radieux, annonciatrice des temps<br />
nouveaux » !<br />
Ce qui a sans doute le plus étonné les contemporains fut la spontanéité et l’extrême<br />
hétérogénéité de ce mouvement difficile à présenter et à définir, mais incontestablement surgi<br />
sans direct mot d’ordre imposé. Comme je le rappelle ci-dessus, il faut cependant relativiser la<br />
notion de « spontanéité » car comme le dit Eduardo COLOMBO dans l’article cité précédemment,<br />
« les réalisations révolutionnaires des travailleurs espagnols ont été le résultat de<br />
l’enracinement idéologique et organisationnel de l’anarchisme ».<br />
L’autre étonnement venait de l’incroyable reprise du travail et d’une vie presque normale<br />
dès les premiers jours de la lutte : « La révolution construit. Le travail ne s’interrompt en aucun<br />
lieu, les champs sont cultivés, les récoltes engrangées, les routes reconstruites et tous les<br />
travaux commencés sont poursuivis, même s’il s’agit de constructions, qui, de sûr, ne serviront<br />
jamais à ce à quoi on les destinait » raconte KAMINSKI dans un ouvrage enthousiaste sur la<br />
Catalogne que l’anarchiste PEIRATS compare à juste titre aux « 10 jours qui ébranlèrent le<br />
monde » de John REED 52 . KAMINSKI, tout en reconnaissant l’ampleur des destructions du camp<br />
républicain, ajoute que : « si la guerre civile détruit d’immenses valeurs, ce n’est pas du fait des<br />
révolutionnaires. Ceux-ci tendent à détruire les symboles, mais respectent de manière ingénue<br />
et parfois exagérée tout ce qui leur paraît de quelque utilité », comme il le découvre en visitant<br />
des collectivités.<br />
Les ouvrages en langue française les plus importants, mais sans doute trop nettement<br />
favorables au mouvement anarchiste, sont ceux de Gaston LEVAL, Frank MINTZ et<br />
50<br />
-in-Correo A, n°28, p.18, noviembre 1995<br />
51<br />
BERTHUIN Jérémie De l’espoir à la désillusion. La CGT-SR et la révolution espagnole, Paris, CNT-<br />
RP, 2000<br />
52<br />
KAMINSKI Hans Erich Los de Barcelona (1937), version espagnole, Barcelona, Parsifal, 2002<br />
20