130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

KROPOTKINE, officier cosaque, ancien du Groupe TCHAIKOVSKY est membre de l’AIT
depuis 1872. En se liant aux jurassiens, il devient anarchiste jusqu’à sa mort en 1921, en pleine
désillusion par rapport au léninisme, alors qu’il a rejoint son pays en révolution avec
enthousiasme. Depuis 1876 il est le principal exposant du communisme anarchiste qu’il nomme
parfois communisme intégral. Il devient rapidement l’auteur anarchiste le plus traduit à travers le
monde, surtout dans la sphère hispanique et au Moyen Orient 27 .
a) Des sources communalistes non directement anarchistes
S’il idéalise parfois les sociétés primitives, KROPOTKINE est surtout marqué par sa
découverte des corporations et des cités médiévales, des guildes... Ce néo-médiévisme est
partagé par de nombreux penseurs, surtout en Angleterre où KROPOTKINE fut longtemps
hébergé. Dans la tradition de RUSKIN, de William MORRIS, et de nombreux néo-gothiques, les
petites communautés idéalisées du Moyen Âge forment une référence assez fréquente.
Pour l’auteur de la Grande révolution, le mouvement communaliste parisien de 1793 est
une autre source qu’il analyse de manière trop partisane cependant. La Commune de Paris
renouvelée en 1871 va conforter son choix pour le terme communisme.
Les communautés paysannes russes, le MIR notamment sont une autre référence qu’il
partage avec HERZEN.
D’autres fondements sont peut-être à rechercher dans « l’utopie paysanne » en France,
analysée notamment par Yves Marie BERCÉ, qui pour de nombreux mouvements du milieu du
XIX ème siècle parle « d’attentes utopiques » et « d’utopie communalistes ». Pour lui certaines
jacqueries ou émeutes, certains soulèvements... révèlent une critique spontanée de l’autorité
étatique, notamment dans ses aspects antifiscaux et dans l’humiliation subie par de nombreux
agents de l’État : il s’agirait « d’une utopie de l’État sans impôt, de la liberté paysanne où chaque
communauté vivra... à sa guise ». 28
Les montagnes jurassiennes, avec les petits collectifs des horlogers anarchistes de la
Fédération Jurassienne pratiquant une forme de démocratie directe, autour de La Chaux de
Fond, ont considérablement marqué KROPOTKINE qui a plusieurs reprises affirme que c’est en
compagnie des GUILLAUME et des SHWITZGUEBEL qu’il a consolidé sa théorie.
Mais une autre référence largement utilisée par KROPOTKINE semble rarement citée par
ses analystes : il s’agit de l’harmonie fouriériste, que le russe relie sans cesse à l’anarchisme,
puisqu’il en fait « le précurseur de l’anarchie » dans Les temps nouveaux de 1894.
b) Le communalisme et le communisme anarchiste de
KROPOTKINE
C’est dans son article Anarchism de l’Enciclopaedia Britannica (reproduite en 1959) que
la société harmonieuse fédéraliste est la plus synthétiquement représentée : la fédération
coordonne une multitude « de groupes et de fédération de toute taille et de tout niveau, locaux,
régionaux, nationaux, internationaux – temporaires ou plus ou moins permanents – pour toutes
les fins possibles : production, consommation et échanges, organisation sanitaires, éducation,
protection mutuelle, défense du territoire, etc… » 29 . L’anarchie diversifiée, pluraliste et
volontaire trouve ici sa meilleure et plus ouverte définition. Elle repose avant tout sur
« l’indépendance » des groupes (que l’auteur préfère curieusement au terme « d’autonomie »).
Cette nouvelle société repose sur mouvement et aménagement constant, et refuse toute
idée traditionnelle de l’utopie : « une telle société n’aura rien d’immuable, au contraire –comme
on le voit dans la vie organique – l’harmonie sera la résultante d’ajustements et de
réajustements, toujours modifiés, de l’équilibre entre la multitude de forces et d’influences… ».
Ainsi « leur conception (aux auteurs anarchistes) n’est pas une utopie construite à priori et sur
des postulats », crainte permanente et dérive constamment combattue chez KROPOTKINE.
Les premières ébauches communalistes sont surtout réalisées dans Le Révolté de
Genève entre 1880 et 1882. Ces articles sont rassemblés dans Paroles d’un révolté en 1885,
chez un éditeur sympathisant, STOCK. J’utilise la réédition de 1978 30 . Ce livre n’est pas comme
27
PELLETIER Philippe KROPOTKINE, un géographe novateur -in-Itinéraire, n°3, 1988
28
BERCÉ Yves Marie, Croquants et nu-pieds, Juillard, 1974 - Gallimard 1991, p.213
29
texte traduit de l’anthologie de CANO RUIZ B. El pensamiento de Pedro KROPOTKIN, México,
EMU, 328p, 1978
30
KROPOTKINE Pierre Paroles d’un révolté, Paris, Flammarion, Champs, 280p, 1978
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