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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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du socialisme de 1833 paru dans La Revue Encyclopédique, il affirme que toute<br />

« communauté » (communisme) par son autoritarisme conduit au despotisme. Le journaliste Émile<br />

de GIRARDIN, pacifiste et anti-étatiste affirmait au Congrès International de la Paix à Paris en<br />

1849 « Qu’est-ce que l’État ? Tout. Que doit-il être ? Rien, rien qu’une société d’épargne<br />

collective et d’assurance mutuelle » 98 . Ses idées fédéralistes et d’administration des choses<br />

plutôt que de gouvernement des personnes, chères à PROUDHON, son donc bien dans l’ère du<br />

temps.<br />

Au XX° siècle les analystes « sociologues » de PROUDHON ont souvent insisté sur son<br />

caractère non-utopiste, son refus des utopies de son temps, son caractère ancré dans la réalité<br />

sociologique de son temps. Sans doute en réaction contre la critique marxiste et sa vulgate<br />

schématique anti-utopiste, les ANSART, BANCAL et GURVITCH ont toujours mis en avant la<br />

lucidité proudhonienne et ses analyses serrées et souvent très novatrices de la réalité matérielle.<br />

Les deux grands ouvrages de Pierre ANSART, MARX et l’anarchisme et Naissance de<br />

l’anarchisme, assez difficiles à lire, sont sans doute les plus intéressants pour cerner le réel<br />

apport du proudhonisme (et du saint-simonisme) et par contrecoup les analyses caricaturales et<br />

souvent empruntées de Karl MARX.<br />

Armand MATTELART résume bien cet anti-utopisme fondamental chez PROUDHON, en<br />

citant longuement des passages de l’Idée générale de la révolution au XIX° siècle : « Qu’est-ce<br />

que donc que l’Association ? Un dogme... quelque chose d’arrêté, de complet, d’absolu,<br />

d’immuable. Tous ceux qui ont donné dans cette utopie ont abouti, sans exception, à un<br />

SYSTÈME... Ainsi l’école saint-simonienne, dépassant la donnée de son fondateur, a produit<br />

un système ; FOURIER, un système ; OWEN, un système ; CABET, un système ; Pierre<br />

LEROUX, un système ; Louis BLANC, un système ; comme BABEUF, MORELLY, Thomas<br />

MORE, CAMPANELLA, PLATON et autres, leurs devanciers, partis d’un principe unique,<br />

avaient enfanté des systèmes. Et tous ces systèmes, exclusifs les uns des autres, le sont<br />

également du progrès. Périsse l’humanité plutôt que le principe ! C’est la devise des utopistes<br />

comme celle des fanatiques de tous les siècles. Le socialisme, interprété de la sorte, est<br />

devenu une religion. » 99 .<br />

Alain PESSIN 100 rejette également globalement l’utopisme de PROUDHON, en montrant qu’il<br />

ne l’est que parfois, et que son positionnement en faveur de l’association dans la société de son<br />

temps est une manière de réfuter une fois pour toute le paradigme de l’île. à mon avis la première<br />

raison ne tient pas, car tous les grands écrivains utopistes ne l’ont pas été en permanence,<br />

MORE le premier qui sut être un chancelier pragmatique. Même Giovanni ROSSI, le plus utopiste<br />

des anarchistes, assume d’autres rôles, d’autres fonctions.<br />

Pour conclure sur une note désagréable pour les proudhoniens, il y a un point où<br />

PROUDHON n’est absolument pas utopiste, mais au contraire aligné sur des positions<br />

détestables, traditionalistes et inadmissibles pour un libertaire : le poids essentiel de la cellule<br />

familiale, et un rôle subalterne voire très déprécié attribué à la femme. PROUDON passe<br />

désormais comme un « antiféministe, misogyne voire gynophobe » 101 ou comme un « refoulé<br />

sexuel » 102 . Ces bribes de patriarcat ne sont ni utopiques (au sens d’évolution vers un mieux<br />

être social) ni anarchiste, évidemment. En « prônant la supériorité de la chasteté sur la<br />

sensualité, du travail sur le plaisir…», comme l’écrit très bien HERTJE en analysant le livre de<br />

2001 de Michèle PERROT sur les Femmes ou les silences de l’histoire 103 , le bisontin se range<br />

contre l’autre franc-comtois célèbre, FOURIER, qui sur ce point lui est considérablement<br />

supérieur, et nettement plus moderne. Dès son époque, PROUDHON avait trouvé en l’utopiste<br />

98 MATTELART Armand Histoire de l’utopie planétaire, 2000, p.197<br />

99 MATTELART Armand Histoire de l’utopie planétaire, 2000, p.157-58<br />

100 PESSIN Alain L’imaginaire utopique aujourd’hui, Paris, PUF, 228p, 2001, p.152<br />

101 KÉRIGNARD Sophie Essai d’identification de la femme anarchiste. Le rôle des femmes dans<br />

l’anarchisme (XIX° et XX° siècles), –in-L’anarchisme a-t-il un avenir ? Histoire de femmes, d’hommes<br />

et de leurs imaginaires, Actes du Colloque International de Toulouse, 27-29/10/1999, Lyon, ACL,<br />

560p, 2001<br />

102 GUÉRIN Daniel PROUDHON oui et non, Paris, Gallimard, 1978<br />

103 -in-Réfractions, n°9, 2002, p155<br />

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