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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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(Edie PARKER la maîtresse de KEROUAC, ou Joan ADAMS, celle de BURROUGHS) qui offrent<br />

leur appartements new-yorkais vers 1943-45. Ce dernier, âgé de 30 ans, fait alors figure à la<br />

fois d’initiateur infernal et de grand frère qui a déjà beaucoup lu et vécu.<br />

Il est difficile de dire que l’ouvrage de Jack KEROUAC (1922-1969) Sur la route, écrit au<br />

tout début des années 1950 et publié seulement en 1957, 7 ans plus tard, soit une utopie, au<br />

sens classique du terme. Mais la volonté qui s’y affiche d’autonomie, d’universalisme et<br />

d’aventure parfois communautaire est très proche du genre et anticipe les mouvements des<br />

sixties. Ce livre-culte ne peut en aucun cas être ignoré, même s’il révèle également un<br />

individualisme très fort dont la dette est importante vis à vis de Jack LONDON, très lu et admiré<br />

par l’auteur, comme prolétaire engagé et aventurier. L’autre source évidente, celle des grands<br />

espaces, de la nature grandiose... est à rechercher du côté du poète Walt WHITMAN (1819-<br />

1892) et de Thomas Clayton WOLFE (1900-1938). Cette « utopie libertaire du routard » est<br />

également intéressante pour la liberté d’aimer, de vivre sa vie, de tester les produits même<br />

illicites... C’est « un chant à l’amitié » et aux grands espaces 153 . KEROUAC reste cependant<br />

assez traditionaliste (Cf. son attitude vis à vis de la religion, de la famille) et résolument apolitique,<br />

à la différence d’Alan GINSBERG par exemple. Il rejette même son assimilation à la « beat<br />

generation » dès 1957, c’est du moins ce qu’il affirme dans Desolation angels de 1965. Plus que<br />

symbole de la contre-culture, il incarne parfaitement l’individualisme teinté de traditions libertaires<br />

qu’on recouvre chez de nombreux artistes underground états-uniens. Il se proclame « vieux<br />

réfractaire assoiffé d’indépendance » dans ce même ouvrage. Mais des aspects très<br />

réactionnaires cohabitent dans son œuvre et notamment un certain machisme (surtout quand il<br />

semble glorifier la manière de vivre de Neal CASSADY)... Enfin très vite l’utopie routarde laisse la<br />

place à la désillusion, à la vanité du voyage, au cynisme plus ou moins ironique. Desolation<br />

angels est à ce titre un ouvrage marquant, dont la lecture laisse un goût amer, un<br />

désenchantement évident, tant il exprime le repli sur soi et la démythification : il ne reste plus à<br />

KEROUAC que l’alcool, d’autres drogues... et maman ! C’est presque désormais une contreutopie.<br />

Sur la route qualifiée d’utopie libertaire, malgré et sans doute contre son auteur, est la<br />

référence mythique obligée d’une génération des sixties que KEROUAC rejette totalement en<br />

devenant dans cette période un réactionnaire grincheux et totalement miné par l’alcool. Il est<br />

également intéressant de noter que les vrais intellectuels anarchistes ont critiqué cette oeuvre à<br />

sa parution, trop inconsistante aux yeux de Kenneth REXROTH, ou trop irrationnelle aux yeux de<br />

Paul GOODMAN (Cf. la deuxième édition de Growing up absurd en 1957, comme nous le rappelle<br />

l’ouvrage de Steve TURNER).<br />

Le Manifeste abomuniste (Abomunist Manifesto) du poète noir Bob KAUFMAN en 1959<br />

est un texte beat parmi les plus engagés, revendiquant par provocation la culture aborigène et<br />

communiste.<br />

Les poèmes d’Allen GINSBERG (1926-1997) et surtout son ouvrage Howl (Hurlement) de<br />

1955 qui lui valu un procès pour obscénité, et les écrits de Alan WATTS (1915-1973) sont peutêtre<br />

plus marquants encore. Howl est un poème baroque très libertaire puisqu’il dénonce les<br />

ravages du « Moloch » incarné par une société étatique, capitaliste et puritaine. En 1998<br />

l’anarchiste italo-lyonnais Mimmo PUCCIARELLI se souvient encore de l’effet libérateur que sa<br />

lecture a occasionné dans sa jeunesse italienne 154 . GINSBERG, omniprésent dans cet article, se<br />

voit gratifier en clôture d’un poème reconnaissant : À Allen GINSBERG 1926-1997.<br />

Ce GINSBERG anarchiste est fréquemment cité par les libertaires, surtout quand on se<br />

souvient qu’au sein du mouvement Beat, c’est lui qui relie les militants anarchisants et écologistes<br />

(Kenneth REXROTH, Michael McCLURE et Gary SNYDER surtout) à son propre mouvement dès<br />

1954/55.<br />

Les provocations pro-drogues de Timothy LEARY (et ses recherches plus sérieuses à<br />

Harvard) et les dérives revendiquées avec la plus totale liberté par William BURROUGHS s’y<br />

rattachent évidemment. LEARY, l’ami de GINSBERG qui le rejoint d’ailleurs à Harvard en 1961, est<br />

fortement marqué par la beat generation qu’il dépasse cependant sur bien des points (plus<br />

153 DISTER Alain La beat generation. La révolution hallucinée, Paris, Gallimard, 112p, 1997<br />

154 PUCCIARELLI Mimmo Le verbe, le corps, l’anarchie –in-Collectif Les incendiaires de l’imaginaire,<br />

Actes du Colloque de Grenoble du 19-21 mars 1998, Lyon, ACL, 345p, 2000, p.292<br />

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