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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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L’important leader de la FAI de 1936, Diego ABAD DE S<strong>ANT</strong>ILLÁN rappelle en 1978 que<br />

« l’anarchisme ne fut jamais un système fermé, ni en politique, ni en économie, mais au<br />

contraire il fut toujours contre tout ce qui pouvait léser l’être humain dans sa dignité et sa<br />

liberté » 32 . En accord avec le philosophe Carlos DÍAZ, il réaffirme le fait que l’anarchisme est<br />

bien « une morale sans dogme ».<br />

Des penseurs récents, Alain PESSIN est un des plus cohérents dans sa dénonciation de<br />

tout système. Ses articles et interventions comme celle au colloque sur la Culture libertaire de<br />

Grenoble en mars 1996 font toujours l’éloge du pluralisme, du rêve, de l’imaginaire... de tout ce<br />

qui favorise l’ouverture, l’anti-système. Déjà en 1982 dans La rêverie anarchiste (rééditée en<br />

1999), il décrivait « l’anarchie comme un fait d’imagination, c’est à dire comme un désir qui<br />

excède le réel, invente d’autres mondes, et court toujours à contre-courant du travail de<br />

rationalisation idéologique ». C’est pourquoi il l’opposait à l’utopie dont il ne voyait que l’aspect<br />

figé et classique. Cette vision réductrice de l’utopie amenait l’auteur à des imprécisions et à<br />

certaines contradictions.<br />

La vision pragmatique, limitée, à petit pas de l’imaginaire libertaire d’aujourd’hui peut même<br />

paraître anti-utopique, car « ...il ne nous conduit pas vers une perfectibilité de l’être et du<br />

monde mais plutôt vers un questionnement perpétuel... » ; de plus il faut être prudent « ...car on<br />

ne peut pas désirer un société parfaite, ni perfectible, car nous nous tomberions, qu’on le<br />

veuille ou non, dans des conceptions de modèles utopiques fermés... » ce qui est bien le pire<br />

pour un « amant de la liberté » 33 .<br />

Armand MATTELART dans un ouvrage récent reprend à son compte cette dénonciation<br />

de toute vision uniformisante, quelle soit de facture totalitaire ou néo-libérale... Il fait l’éloge de la<br />

diversité et reprend au martiniquais Édouard GLISS<strong>ANT</strong> le beau qualificatif de « créolisation »,<br />

nécessaire et indispensable pour redéfinir « l’identité-rhizome-relation ouverte au monde » qu’il<br />

prône en conclusion. Auparavant il s’appropriait les recherches intelligentes des anarchistes<br />

scientifiques : « En appliquant à la civilisation la formule de PASCAL, « le centre partout, la<br />

circonférence nulle part », les géographes anarchistes ont commencé à faire converger les<br />

deux. Leur intelligence politique est d’avoir ainsi anticipé un débat sur l’unité complexe du<br />

monde dans la diversité, seule forme d’union capable de venir à bout de la dissociation des<br />

« genres humains » » 34 .<br />

Les toujours pertinents et actifs membres du collectif ACL (Atelier de Création<br />

Libertaire) résument bien au début du XXI° cette position pluraliste et ouverte de presque tous<br />

les grands penseurs de l’anarchisme contemporain, mais position menacée par sectes ou<br />

chapelles archaïques. Dans leur Lettre n°16 d’octobre 2001, ils rappellent : « L’anarchisme<br />

n’étant pas pour nous une idéologie figée, nous avons, depuis longtemps déjà, envisagé de<br />

parcourir des chemins moins surs, avec des repères sans cesse modifiés... ». Leur<br />

« anarchisme sans foi ni loi », « anarchisme de toutes les couleurs », « ne se veut pas partisan<br />

de sigles ou de logos mais se pose en interprète de cette critique et remise en cause<br />

permanentes et nécessaires de la réalité ». C’est une manière de reprendre, un siècle plus tard,<br />

les idées de l’espagnol TARRIDA DEL MARMOL en faveur d’un « anarchisme sans adjectif » 35 ,<br />

même s’il se rangeait plutôt alors derrière le collectivisme anarchiste, comme son ami Ricardo<br />

MELLA.<br />

Approfondissant cette position, Daniel COLSON rattache (parfois de manière trop<br />

systématique) les principaux penseurs anarchistes aux penseurs pluralistes de la modernité,<br />

LEIBNITZ, SPINOZA, NIETZSCHE, Gabriel TARDE, Gilbert SIMONDON et Gilles DELEUZE pour n’en<br />

citer que quelques uns. Cela lui permet d’affirmer que « l’anarchisme est un monisme radical »,<br />

monisme étant ici une sorte de synonyme de pluralisme libertaire 36 . Il avait développé cette idée<br />

à partir de son interprétation déleuzienne et libertaire de SPINOZA au colloque de 1998 37 .<br />

SPINOZA, en affirmant que l’avant ou l’après, le passé et le futur (donc l’utopie ?) ne sont que<br />

32<br />

ABAD DE S<strong>ANT</strong>ILLÁN Diego A manera de prólogo, -in-DÍAZ Carlos El anarquismo como<br />

fenomeno político-moral, Madrid, 1978<br />

33<br />

PUCCIARELLI Mimmo L’imaginaire des libertaires aujourd’hui, Lyon, ACL, 1999, p.340<br />

34<br />

MATTELART Armand Histoire de l’utopie planétaire, 2000, p.375<br />

35<br />

TARRIDA DEL MARMOL F. La teoría revolucionaria (1889), Barcelona, 1890<br />

36<br />

COLSON Daniel Petit lexique philosophique de l’anarchisme, Paris, 2001<br />

37<br />

COLSON Daniel L’imagination spinoziste et l’idée d’émancipation, -in-Collectif Les incendiaires de<br />

l’imaginaire, Actes du Colloque de Grenoble du 19-21 mars 1998, Lyon, ACL, 345p, 2000<br />

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