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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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monde change, si même j’entends consacrer à son changement tel qu’il est conçu socialement<br />

une partie de ma vie, ce n’est pas dans le vain espoir de revenir à l’époque de ces contes mais<br />

bien dans celui d’aider à atteindre l’époque où ils ne seront plus seulement des contes. »<br />

Pourtant le surréalisme s’est souvent défendu de tout utopisme, et cela dès 1925 « Nous<br />

ne sommes pas des utopistes » dans le Manifeste : La révolution d’abord et toujours 126 . En fait<br />

il semble que c’est l’utopie au sens péjoratif du terme qui est ici visée, car dans tout le texte il<br />

n’est question que de révolution, surréaliste et sociale, ce qui est bien cette fois un projet<br />

utopique. Pendant la Seconde Guerre Mondiale (Revue VVV n°4, 1944), MABILLE continue à<br />

condamner « le mythe édénique » qu’il juge grossièrement laïcisé par le mouvement<br />

révolutionnaire (« les lendemains qui chantent », « l’avenir radieux »). Cette vision est à rejeter<br />

car elle condamne l’instantanéité, la vie, au profit d’un illusoire bonheur futur. En 1937, dans<br />

l’Amour fou, André BRETON condamnait métaphoriquement tout cet atavisme réducteur (issu de<br />

« l’éducation religieuse ») parce qu’il « veille à ce que l’être humain soit toujours prêt à différer<br />

la possession de la vérité et du bonheur, à reporter toute velléité d’accomplissement intégral<br />

de ses désirs dans un ‘’au-delà’’ fallacieux qui, à plus ample informé, s’avère, comme on l’a<br />

fort bien dit, n’être d’ailleurs qu’un ‘’en-deçà’’ » 127 . Jouir ici et maintenant, en réfutant un<br />

possible ultérieur, c’est bien d’une certaine manière condamner l’utopie, au moins dans ce sens<br />

restreint.<br />

Pour tenter d’y voir plus clair, on peut dire que l’utopie au sens traditionnel du terme est<br />

fortement rejetée par le surréalisme, car il refute « tout ce qui est clair, harmonieux, équilibré,<br />

épuré… » et qu’il « glorifie tout ce qui est hermétique, merveilleux, hybride, composite » 128 . Sur<br />

le plan politique, les utopies fermées (le communisme après 1935 surtout) sont de la même<br />

manière repoussées, puisque leur « utopie politique » prouve que « de la Guerre du Rif à mai<br />

68, c’est une attitude libertaire qui s’affirme » 129 , à la manière d’une « résistance à toutes les<br />

aliénations du présent ».<br />

c) Le surréalisme comme mouvement utopique libertaire<br />

Le surréalisme peut-être cependant qualifié de mouvement utopique libertaire pour<br />

plusieurs raisons.<br />

(1) Les références aux « utopies » de SADE et de<br />

FOURIER<br />

Dès 1930, la passion amoureuse éclate littéralement dans l’Âge d’or de Luis BUÑUEL,<br />

même si la dérision et la provocation l’emportent sur un fouriérisme réellement assumé.<br />

L’Amour fou dès 1937, avec des affirmations comme « le désir comme seul ressort du<br />

monde », possède déjà des accents fouriéristes.<br />

L’éloge du fouriérisme est fréquent, essentiellement à partir des années 1940 (même si<br />

on en trouve des traces auparavant, notamment chez THIRION) où il est expressément<br />

revendiqué : les œuvres de Pierre KLOSSOWSKI, la fameuse Ode à FOURIER d’André BRETON<br />

en 1946, la revue Archibras… en fournissent de multiples exemples.<br />

En 1944, André BRETON avec Arcane 17 renoue avec FOURIER et le drapeau noir de<br />

l’anarchie. Simone DEBOUT, spécialiste aujourd’hui reconnue de l’utopiste comtois, analyse La<br />

Psychologie de FOURIER dans la revue Le surréalisme, même de la fin des années 1950.<br />

Gérard DUROZOI identifie ce renforcement de la voie utopique du surréalisme et note qu’ « il est<br />

clair que les solutions imaginaires doivent désormais prendre le pas sur le raisonnement : la<br />

voie ésotérique et utopique du surréalisme s’affirme comme la voie à suivre… ; elle aura<br />

l’immense avantage de faire apparaître comme en creux l’illimitation du désir et de l’attente par<br />

opposition aux lacunes et aux restrictions que prétend imposer la réalité » (p.460).<br />

On peut également évoquer les idées pro-phalanstériennes de BRETON (il rêve d’une vie<br />

communautaire libre après la Seconde Guerre mondiale) ou du groupe surréaliste très soudé de<br />

Bruxelles dans les années 1930 et 1940.<br />

126 VILAR Pierre Surréalisme, -in-Dictionnaire des utopies, 2002<br />

127 BRETON André L’amour fou, Paris, Gallimard, 1937, p.78<br />

128 KOBRY Yves Sources, -in-La révolution surréaliste, Beaux Arts magazine Hors Série, 2002<br />

129 DUROZOI Gérard Utopie (politique), -in-La révolution surréaliste, Beaux Arts magazine Hors Série,<br />

2002<br />

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