130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne
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éalisations immédiates, que nous nous insurgeons contre votre littérature somnifère, vous<br />
voulez nous empêcher de parler » 6 . L’ironie n’empêche pas de voir le fossé qui sépare alors les<br />
diverses tendances anarchistes.<br />
Les grands terroristes anarchistes choisissent la mort avec courage, ce qui semble<br />
l’attitude anti-utopiste par excellence. Pourtant il faut un peu nuancer. Par exemple, Émile HENRY 7<br />
affirmait « qu’il faut commencer par le travail de destruction » ce qui est implicitement<br />
reconnaître que l’on milite pour un futur autre. Il continuait d’ailleurs en rappelant « j’ai la profonde<br />
conviction que deux ou trois générations suffiront pour arracher l’homme à l’influence de la<br />
civilisation artificielle qu’il subit aujourd’hui, et pour le ramener à l’état de nature, qui est l’état<br />
de bonté et d’amour ». Une définition harmonieuse et utopique de son anarchisme déclaré même<br />
devant la guillotine.<br />
En fin du XIX° siècle, Zo d’AXA (1864-1930) le célèbre rédacteur de l’En-dehors, fustige<br />
également l’utopie, futur virtuel, au nom d’un présent qu’il faut vivre pleinement : « Vivre pour<br />
l’heure présente, hors le mirage des sociétés futures vivre et palper cette existence dans le<br />
plaisir hautain de la bataille sociale. C’est plus qu’un état d’esprit : c’est une manière d’être –<br />
et tout de suite » 8 . En fait c’est une idée partagée par bien d’autres anarchistes de toutes<br />
tendances.<br />
Victor SERGE 9 , anarchiste dans sa jeunesse (celle de la Bande à BONNOT et du journal<br />
« L’anarchie ») fait siennes les remarques de George PAL<strong>ANT</strong>E le philosophe de St Brieuc qui<br />
affirme : « En dépit des utopies optimistes, toute société est et sera exploiteuse, usurpatrice,<br />
dominatrice et tyrannique. Elle l’est non par accident, mais par essence. » (p.88).<br />
Cette dénonciation de toute organisation car par nature contraignante, érigée en système<br />
et en dogme est partagée par l’anarchisme individualiste argentin qui reste dominant jusque vers<br />
1898 dans ce pays. Un de ses organes les plus importants, El Perseguido définit même pour<br />
rejeter tous ces dogmes organisationnels et sociétaires la notion de « relativismo ». L’anarchiste<br />
individualiste doit éviter toute formation figée et qui le dépasse, et adopter une sorte de<br />
pragmatisme pour garantir son autonomie.<br />
Dans une conférence du 10/12/1952 intitulée Communisme libertaire et individualisme<br />
anarchiste 10 , le fin analyste qu’est Pierre-Valentin BERTHIER rappelle que « l’individualisme<br />
anarchiste… n’a pas de plan de société future à opposer » (aux anarchistes sociaux) et qu’il ne<br />
faut « pas sacrifier à une chimère » les efforts du présent. En effet ajoute-il, « si c’est possible<br />
(de créer un monde nouveau libertaire), c’est lointain, ce n’est pas pour ce siècle-ci, le siècle<br />
prochain nous serons morts, et l’évolution des idées est trop rapide pour que nous puissions<br />
valablement prévoir un siècle à l’avance ».<br />
Dans son essai de 1980 « Adieux au prolétariat. Au delà du socialisme » où il propose<br />
d’ailleurs une « utopie dualiste », André GORZ que l’on peut qualifier de socialiste libertaire,<br />
affirme p.128/129 que la logique socialiste, surtout celle marxiste, est négatrice de l’individu :<br />
« ...les théories, utopies ou pratiques politiques du socialisme ont abouti à la négation pure et<br />
simple du sujet individuel : à la négation de la singularité, de la subjectivité, du doute, de la<br />
part de silence et d’incommunicabilité propres à la vie affective ; à la répression de tout ce qui<br />
est réfractaire à l’universalisation comme à toute norme ; à la persécution et, dans les cas<br />
extrêmes, à l’extermination de ceux qui résistaient à la socialisation intégrale de<br />
l’individualité... ». Il poursuit en disant que « La morale socialiste avait ce caractère répressif,<br />
inquisiteur, normalisateur et conformiste au même degré que les morales sociales des<br />
communautés ecclésiastiques, de l’intégrisme catholique, des sociétés militaires ou fascistes.<br />
C’est que toute morale qui prétend partir de l’universel (et du Bien)... et en déduire ce que les<br />
individus doivent faire et être, est nécessairement oppressive et dogmatique ». Dur et lucide<br />
constat ?<br />
6<br />
GRAVE Jean Responsabilités ! 1904, -in-Au temps de l’anarchie, un théâtre de combat, 2001,<br />
p.545<br />
7<br />
HENRY Émile Coup pour coup, Paris, Plasma, 1977<br />
8<br />
-in- Un Paris révolutionnaire, émeutes, subversions, colères, Paris, L’esprit frappeur-Dagorno, 384p,<br />
2001<br />
9<br />
SERGE Victor L’individu et la société, L’anarchie, n°323, 15 juin 1911 (reproduit dans Le Rétif,<br />
Articles parus dans « L’anarchie », Paris Monnier, 1989.)<br />
10<br />
-in-ARRU André L’unique et sa propriété de Max STIRNER, Le havre, Le libertaire, 1993<br />
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