28.04.2013 Views

130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

stationnez, c’est la mort... » affirme même Joseph DÉJACQUE (À bas les chefs p.140). Toute<br />

l’analyse de RECLUS Élisée autour de son binôme évolution-révolution en 1880 poursuit cette<br />

idée. Le changement est un fait, malheureusement, il n’est pas forcément en faveur du progrès<br />

(révolutionnaire), il peut au contraire être « régrès » ; d’où la nécessité d’un volontarisme<br />

révolutionnaire de tout instant pour tenter de faire coïncider changement et progrès social.<br />

RECLUS tend à démontrer que l’utopie figée n’est alors qu’une vue de l’esprit, tant la vie et<br />

l’évolution historique en modèlent la réalité et les perspectives à tout moment.<br />

Dans le XIX° siècle ibérique, Ricardo MELLA insiste sur la vanité de l’utopie transformée<br />

en système puisque « Mas allá del ideal habrá siempre ideal » 43 . Il répète ensuite « Au delà de<br />

l’idéal, il y a toujours vérité, il y a toujours justice, il y a toujours la raison. Je n’oserais jamais<br />

affirmer que le développement des idées est bloqué par des barrières infranchissables. La<br />

limite est absurde ; elle est impossible ». Toujours dans la riche aire libertaire ibérique, Federica<br />

MONTSENY, première femme ministre en Europe pendant la révolution espagnole, qui site MELLA,<br />

reprend à son compte la théorie d’un anarchisme en évolution permanente : « Nous les<br />

anarchistes, n’avons jamais prétendu créer des idéologies inamovibles, ni des sociétés<br />

modèles pour toujours. Avec MALATESTA, nous croyons qu’il faut seulement marcher vers la<br />

liberté totale, au moyen de la liberté » 44 .<br />

Alain PESSIN rappelle que dans L’anarchie, sa philosophie, son idéal, Pierre<br />

KROPOTKINE affirme que l’anarchie s’exprime par « l’harmonie dans l’équilibre, toujours<br />

changeant et fugitif, entre les multitudes de forces variées et d’influences de toute nature ».<br />

L’écologiste René DUMONT dans son livre L’utopie ou la mort renoue avec cette vision<br />

vitaliste, volontariste de l’action : c’est l’idée (l’idéal, la conscience morale, « l’être citoyen »<br />

comme on le dit souvent aujourd’hui...) qui permet aux actions d’aller dans le « bon » sens, mais<br />

sans évidemment les prédéterminer par un projet tout ficelé. Le mouvement ne doit pas être<br />

(trop) encadré et censuré.<br />

Comme le note GURVITCH 45 de manière un peu polémique, en retournant les lieux<br />

communs sur la notion engélienne de « socialisme utopique », c’est ce qui distinguerait<br />

PROUDHON de MARX : « PROUDHON accusait MARX d’être un socialiste utopique. Il lui<br />

reprochait de ne pas prévoir la possibilité de conflits au sein du socialisme réalisé. Pour<br />

MARX, dans le socialisme réalisé, quand l’homme et la société sont enfin réconciliés, il n’y a<br />

plus de conflit et tout marche pour le mieux du monde. Aux yeux de PROUDHON, c’est le signe<br />

même de l’utopie ! Pour lui, il n’existe pas de société où tous les problèmes sont résolus. Des<br />

problèmes nouveaux surgissent sans cesse, car la société est création permanente, elle est<br />

en marche. Le socialisme n’est pas une phase définitive, il n’y a pas de fin de l’histoire, il n’y a<br />

que des problèmes nouveaux à résoudre. ».<br />

Toujours sur PROUDHON, Jean BANCAL dans sa belle analyse Pluralisme et autogestion<br />

en 2 volumes (Aubier Montaigne, 1970) nous rappelle que le penseur franc-comtois misait sur<br />

trois axes capables d’éviter les dérives d’un utopisme romantique qu’il combat en ancrant son<br />

socialisme dans le principe de réalité :<br />

1. Un pragmatisme organisateur,<br />

2. Un empirisme progressif,<br />

3. Un évolutionnisme révolutionnaire.<br />

Si on approfondit l’analyse, et pour relancer un vieux débat, c’est PROUDHON le scientifique et<br />

MARX l’utopique désormais !<br />

Luciano LANZA renforce ces arguments en affirmant que la société anarchiste doit être<br />

« la société de la révolution continue » 46 .<br />

En 1968, la Motion sur la Révolution Sociale présentée par l’Internationale des<br />

Fédérations Anarchistes (IFA) réunie à Carrara (Italie) insiste sur le pluralisme anti-système de<br />

l’anarchisme : « ... apparaîtront en chaque pays de nouvelles structures présentant des aspects<br />

divers, multiples et pluralistes et la recherche d’un incessant perfectionnement et d’un<br />

équilibre harmonieux » ce qui empêche de figer la réflexion, d’autant « qu’aucune structure ne<br />

peut se considérer définitive et immuable ».<br />

Fernando AINSA résume bien le problème : pour lui toute utopie est une nécessaire<br />

provocation, un antidote au danger totalisant de beaucoup d’utopies écrites ou réalisées, mais à<br />

43 « Au-delà de l’idéal, il y aura toujours l’idéal »<br />

44 MONTSENY Federica Que es el anarquismo ? 1976, p.79<br />

45 GURVITCH Georges Proudhon et Marx, -in-L’actualité de Proudhon, Bruxelles, 1967, p.91<br />

46 LANZA Luciano Autogestion et économie -in- Interrogations sur l’autogestion, 1979, p.51<br />

12

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!