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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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genre éclaté, qui se rattache à tous les courants de la pensée, à tous les types d’écrits. La<br />

prolixité borgésienne est en ce sens incontestablement libertaire, par son absence de règles et<br />

de limites.<br />

13. Utopie = un « avenir radieux » inéluctable ?<br />

Dès le XVIII° et surtout le XIX° siècle, une vision de l’utopie se rattache au déterminisme,<br />

aux théories de l’évolution, aux philosophies de l’histoire : elle serait l’aboutissement d’un<br />

processus historique, d’une mécanique quasi-inéluctable qui pourrait passer en quelque sorte<br />

comme la fin de l’histoire, en mettant en place un avenir radieux, paradisiaque.<br />

On rejoint étonnamment ici les croyances religieuses du Paradis terrestre, voire les<br />

attentes millénaristes ou certains marxismes (simplistes ?). En fait quoique que fasse l’homme, la<br />

réalisation se produira inévitablement ? Cette notion trouve son apogée avec un certain<br />

optimisme scientiste et philosophique au XIX° siècle.<br />

Ainsi l’utopie semble un aboutissement logique et inévitable, l’action volontaire de l’homme<br />

est minorée ; à quoi bon œuvrer pour elle au risque d’y laisser sa liberté ou sa vie ? Le débat<br />

entre révolutionnaires et réformistes, entre orthodoxes du marxisme et révisionnistes à la suite<br />

de BERNSTEIN, par exemple, se greffe rapidement sur ce même schéma.<br />

14. Cas particulier : les « voyages élogieux » des « pays de l’avenir<br />

radieux ».<br />

L’ouvrage de François HOURM<strong>ANT</strong> 88 sur les intellectuels français, « comparses<br />

nécessaires » des pays du socialisme dit « réel » qui ramènent des récits de « voyages<br />

élogieux », compare ce type d’écrits à la définition de Raymond TROUSSON citée en préambule.<br />

« Les récits de voyage élogieux assurent la diffusion d’un modèle de développement qui<br />

n’est pas sans consonance avec la tradition utopique. En eux se cristallise un projet, celui<br />

d’une table rase radicale sur laquelle s’édifierait un monde complètement remodelé et<br />

égalitaire qui aspire à changer la condition de l’homme. Cette composante utopique est<br />

indissociable de ce type de productions. »<br />

Pour conforter cette position, il rappelle les principaux points communs entre ces deux<br />

genres littéraires, mais en ne gardant que les traits d’une « classique » ou « traditionnelle » :<br />

• Il met d’abord l’accent sur l’insularité, banalité de l’utopie, que tous les pays « communistes »<br />

cultivent et que mettent en avant leurs exégètes. Ce monde clos, protégé, isolé préserve sa<br />

« pureté » et tente la vie autarcique.<br />

• Les deux mondes ont le même mépris (apparent ?) de l’argent, du profit,<br />

• et font la même condamnation d’un commerce parasitaire et immoral.<br />

• La régularité, la géométrie des constructions, la netteté des apparences… sont presque<br />

identiques.<br />

• Ainsi l’uniformité, l’unanimité, la « standardisation humaine » 89 et le rejet ou suppression de<br />

toute dissidence, forgent les deux systèmes.<br />

• Et effectivement nous dit HOUM<strong>ANT</strong>, l’individualisme est écrasé par le collectivisme et la<br />

liberté par un étatisme généralisé. Certes il n’analyse l’utopie que de manière caricaturale,<br />

sans compter sur les quelques essais et écrits libertaires qu’elle compte pourtant. Il faudrait<br />

ici nettement relativiser.<br />

• Ces mondes se veulent purs et épurés, simples et transparents, austères souvent. Sauf bien<br />

sûr pour fêtes et cérémonies auxquelles correspondent un culte de la personnalité et un<br />

sens du prestige rarement égalés dans les pays totalitaires.<br />

• La place centrale accordée à l’éducation (vue plutôt comme embrigadement et outil<br />

d’uniformisation ?) est toujours présente.<br />

• Le législateur central est loué par sa clairvoyance et son désintérêt, pour sa fonction de<br />

guide essentiel : Icar (CABET), Utopos (MORE) ou Salomon (BACON) renvoient au « Petit<br />

père des peuples » stalinien, au « Grand timonier » maoiste et au « Lider maximo » cubain,<br />

mais également au « Big brother » (ORWELL) et au « Bienfaiteur » (ZAMIATINE).<br />

• L’utopie et le voyage élogieux contribuent donc tous les deux à glorifier une Cité idéale, un<br />

monde parfait que l’on décrit de manière idyllique et le plus souvent a-critique.<br />

Les intellectuels (leur grande majorité) sont devenus des missionnaires, victimes de leurs<br />

engagements, de leur soif de reconnaissance et de la force du « simulacre et de la<br />

88<br />

HOUM<strong>ANT</strong> François Au pays de l’avenir radieux. Voyages des intellectuels français en URSS, à<br />

Cuba et en Chine Populaire, Paris, Aubier, 282p, 2000<br />

89<br />

FABRE-LUCE Alfred Russie 1927, Paris, Grasset, 1927<br />

24

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