130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne
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contraignantes, favorisant nudisme et néomalthusianisme dans un aspect épicurien qui tranche<br />
un peu avec un anarchisme ibérique d’habitude plus rigoriste et ascétique dans ce domaine. Les<br />
extraits que nous donnent MASJUAN (page 441) du Décalogue biophile tirés de la revue Biofilia<br />
(n°1 – 1935) sont éclairants pour présenter cette utopie anarchiste naturaliste si particulière :<br />
« Tu aimeras la vie sous toutes ses formes.<br />
Tu ne détesteras personne, car haïr porte avec soi la torture.<br />
Tu ne t’occuperas pas de tout ce qui te gêne ou t’angoisse, tu l’ignoreras.<br />
Tu retireras de ton esprit tout dogme ou tout précepte qui s’oppose à la jouissance de la vie.<br />
Tu n’admettras ni hiérarchie, ni puissance qui se veut supérieure à l’homme.<br />
Tu considéreras notre monde comme le paradis dans lequel il faut jouir de toutes ses<br />
merveilles. De ce paradis, toi, en tant qu’homme, tu es le seul vrai dieu.<br />
Tu jouiras sans autre limite que ta sagesse, car elle sait faire durer les délices.<br />
Tu aimeras le contact direct avec l’eau et le soleil.<br />
Tu n’oublieras pas que tout dans ce monde peut te procurer du plaisir si tu sais l’apprécier.<br />
Tu désireras pour ton prochain tout ce que tu souhaites pour toi.<br />
Tu résumeras en tout lieu et en tout moment ces dix préceptes en un seul : vivre… »<br />
En Argentine où il est exilé, COSTA ISCAR propose quant à lui de créer des communes<br />
affinitaires, également autosuffisantes, vivant solidairement avec les autres, et promouvant bien<br />
sûr cet anarcho-naturisme néomalthusien si répandu alors, même s’il n’est pas toujours partagé<br />
en camp anarchiste comme le montrent en Espagne les écrits de Federico URALES ou aux États<br />
Unis ceux de Pedro ESTEVE.<br />
Le rôle de la femme et la nécessité de son émancipation est donc un thème qui commence<br />
à largement se développer à cette période, avant que le groupe Mujeres libres en 1936<br />
développe une thèmatique et un engagement plus radical. Sans appartenir aux utopies, le roman<br />
« idéal » social Maria se me fuga de la novela s’y rattache pourtant. Il est publié à Barcelona -in-<br />
La novela ideal, a.VIII, n°303, le 25 mai 1932 par La revista blanca dont le rôle culturel en<br />
camp anarchiste n’est plus à prouver. Son auteur est le principal intellectuel du milieu anarchiste<br />
d’alors, qui fut directeur de Tierra y Libertad en 1930 et de Solidaridad Obrera en 1932-33<br />
: Felipe ALAIZ (1887-1959) 97 . La jeune femme décrite dans cette nouvelle, María, argentine<br />
d’origine espagnole, est le type même de la femme indépendante. Elle développe autant le corps<br />
(sport, randonnées, danse...) que l’esprit car elle lit beaucoup. Son autonomie concerne tant sa<br />
vie économique et sociale (elle exerce différents travaux qu’elle gère en toute liberté) que sa vie<br />
privée et sexuelle. Amoureuse, sensible, elle récuse cependant tout romantisme. Elle veut vivre<br />
pleinement hors des normes et de tout enfermement « Vivons en pleine fuite. Vivons et fuyons !<br />
A bas les romans et les banques. Fuyons la prison, toutes les prisons. »<br />
24. PELLETIER Madeleine « Une vie nouvelle » 1932<br />
Il est intéressant de parler de cette docteresse trop oubliée aujourd’hui après le chapitre<br />
sur l’anarchisme ibérique des années trente, car son néomalthusianisme et son féminisme<br />
radicaux ont souvent été traduits et diffusés en Espagne comme l’a révélé Eduardo MASJUAN.<br />
Cette femme atypique, située à la jonction du socialisme radical et de l’anarchisme, fut celle qui<br />
soigna MAKHNO à son arrivée en France et qui participa à la rédaction de l’Encyclopédie<br />
Anarchiste, entreprise gigantesque coordonnée par Sébastien FAURE et financée largement par<br />
l’illégalisme de la bande à DURRUTI !<br />
La société communiste qu’elle propose est issue d’une révolution consécutive à une<br />
deuxième Guerre Mondiale, comme le fut la révolution bolchevique après la 1 ère Guerre mondiale.<br />
Monde assez ascétique, aux idéaux proches du matérialisme historique et du collectivisme<br />
étatique, l’utopie est curieusement assez peu libertaire. L’éducation surtout y est presque<br />
inquiétante, proche de l’élevage des enfants ou du « bourrage de crâne » et l’auteur va presque<br />
jusqu’à proposer une sorte de gouvernement des savants-philosophes, thème classique de<br />
beaucoup d’utopies, mais qui aurait fait frémir BAKOUNINE.<br />
Mais elle présente des traits qui rappelle l’engagement largement pro-anarchiste de<br />
Madeleine PELLETIER : la fantaisie vestimentaire y est proclamée (hommage à MORRIS ?), le rôle<br />
de la femme y est important (ce qui est légitime pour une militante féministe de l’importance de<br />
l’auteur). L’athéisme affirmé, le pacifisme déclaré, la fin des prisons, l’absence de monnaie, le<br />
97 CARRASQUER Francisco Felipe ALAIZ. Estudio y antología del primer escritor anarquista<br />
español, Madrid, Júcar, 280p, 1981<br />
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