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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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Mais c’est surtout Madagascar qui abrite les rares tentatives libertaires connues (ou<br />

rêvées). C’est Daniel DEFOË qui nous parle de l’enclave libertaire temporaire du capitaine<br />

AVERY. L’historien Christopher HILL, spécialiste des révolutions anglaises et de leurs<br />

mouvements radicaux, en reparle dans son Le monde à l’envers, œuvre traduite chez Payot en<br />

1978.<br />

Au début du XVIII°, la communauté fixée dans la « Baie des Divagateurs » peut nous<br />

permettre d’imaginer des liens entre les révoltes protestantes radicales britanniques et le monde<br />

de la piraterie.<br />

Mais c’est surtout Daniel DEFOË 44 qui consacrant deux chapitres à l’histoire du capitaine<br />

Misson à Madagascar, a permis de confirmer l’existence des utopies pirates : il y présentait la<br />

république pirate Libertalia de la baie d’Antongil (certains auteurs la situent au Nord Est de l’île,<br />

vers Diego Suarez). Ce mythe pour manuel SCHONHORN 45 , pour M.C. CAMUS 46 ou Anne<br />

MOLET-SAUVAGET 47 est pourtant repris par des auteurs contemporains, et surtout par Hakim<br />

BEY qui fait des locales « utopies pirates » une sorte de source incontournable aux « zones<br />

autonomes temporaires », les TAZ, qu’il propose. Pour lui, Libertalia aurait vu s’épanouir le<br />

partage égalitaire du butin, la communauté des terres, la rotation des chefs...<br />

H. DESCHAMPS 48 en 1949 croyait lui aussi en cette utopie socialiste du début du XVIII ème .<br />

L’article d’Internet cité ci-dessus met en avant dans l’expérience de Libertalia, l’antiracisme, le<br />

respect des femmes (malgré la polygamie), mais montre également la maniaquerie des règles qui<br />

va finir par l’emporter. Cependant la liberté est bien proclamée partout : dans le nom de la<br />

communauté (Libertalia), dans celui de ses membres (les liberi), d’un des bateaux (le<br />

Liberté)... c’est bien un choix primordial fait envers et contre tous. Malgré le charisme du chef<br />

(MiSSION est tout de même nommé « excellence suprême » !), la démocratie directe y est (peutêtre)<br />

omniprésente : acclamation des chefs, assemblées générales, tirage au sort des<br />

capitaines, rotation des pouvoirs tous les 3 ans... L’égalitarisme y règne : traitements semblables,<br />

sans importance de la race et de la nationalité, répartition des prises... Bref une rare description<br />

détaillée de société idéale assez fraternelle et un peu libertaire.<br />

Dans l’écrit de DEFOE, il est même parlé de la scission anarchiste, en tout cas plus<br />

radicale encore, d’un capitaine TEW, qui bâtirait sa propre communauté, « sans loi ni officiers ».<br />

Comme un vrai TEW a bien existé, mais en d’autres temps et d’autres lieux, cet épisode a permis<br />

à SCHONHORN en 1972 de réfuter ce qu’il estime un canular de l’écrivain utopiste. Poursuivant<br />

l’analyse, Peter LAMBORN WILSON pousse la boutade en disant qu’il s’agit donc d’une vraie « utopie<br />

», lieu de nulle part, puisqu’elle n’aurait jamais existé ! Cependant pour lui, les possibilités<br />

d’existence d’une telle communauté restent évidemment très fortes.<br />

D. DANS QUELQUES MILIEUX LIES A L’URBANISME ET A L’ARCHITECTURE<br />

Architectes et urbanistes sont présents d’un bout à l’autre de la rêverie utopique, comme<br />

le rappelle Alain PESSIN 49 , mais souvent au profit d’un monde clos, immuable, ou tout est prévu,<br />

contrôlé et très souvent d’une géométrie régulière oppressante.<br />

Pourtant architecture et urbanisme utopiques sont parfois inspirés, propulsés par la<br />

pensée ou les militants libertaires. Souvent sont cités PROUDHON, KROPOTKINE ou FOURIER<br />

pour ne prendre que les plus célèbres. PROUDHON par exemple défendait d’après Michel<br />

RAGON une utopie pavillonnaire, en étant « désurbaniste » sans le savoir 50 , surtout dans son<br />

ouvrage de 1865, Du principe de l’art et de sa destination sociale. L’historien attribue ce même<br />

trait de « désurbanisme » à KROPOTKINE et ENGELS (!) dans un autre ouvrage 51 . Il y affirme ce<br />

passage anarchisant qu’une « société sans ville serait une société ou le pouvoir politique aurait<br />

disparu ».<br />

Au début du XX° siècle, le libertaire DAZA Vicente propose un article dans La Revista<br />

Blanca (n°86, 89 y 92, Madrid, 1902) avec un beau titre qui rappelle FOURIER (il faudrait alors<br />

remplacer urbanisation par émancipation de la femme) : La urbanización del pueblos está en<br />

44 DEFOE Daniel L’histoire générale des plus fameux pyrates, 1724-1728<br />

45 qui réédite de manière critique en 1972 l’ouvrage cité de DEFOE<br />

46 CAMUS M.C. L’inexistence du pirate Misson de Daniel DEFOË, -in- 18 ème siècle, n°30, 1998<br />

47 MOLET-SAUVAGET Anne Madagascar dans l’oeuvre de DEFOË, thèse de doctorat<br />

48 DESCHAMPS H. Les pirates à Madagascar aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1949<br />

49 PESSIN Alain L’imaginaire utopique aujourd’hui, Paris, PUF, 222p, 2001<br />

50 RAGON Michel Espaces, architecture, anarchie, -in-L’Arc, n°91-92, 1984<br />

51 RAGON Michel L’homme et les villes, Paris, Albin Michel, 252p, 1975<br />

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