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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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science, liberté, justice, mutualisme et solidarité sont une constante de l’anarchisme fin de siècle.<br />

Le sens de la justice, issu du proudhonisme, reste fort chez cet auteur, puisqu’il affirme « la<br />

revolución es su origen, la Justicia su fin ». Enfin, à la différence de bien des utopies<br />

classiques, l’utopie libertaire est ici évidemment ouverte, annonciatrice d’un monde nouveau qui<br />

adoptera des principes semblables mais non identiques à Nueav utopia. La confédération<br />

universelle est proche, car comme initialement annoncé, nueva utopia est « une vérité acutelle<br />

d’un temps relativement proche ». Mais c’est bien d’une rupture révolutionnaire, contre l’ordre<br />

ancien, que naîtra le renouveau. L’anarchiste militant n’est pas coupé de la lutte globale<br />

nécessaire et l’utopie est ici oeuvre de propagande globale.<br />

Il est intéressant de noter qu’une autre intervention de MELLA au Segundo Certamen<br />

Socialista de 1889 est à la fois une analyse philosophique rationaliste et une utopie : son<br />

célèbre petit ouvrage, très bien écrit, Breves apuntes sobre las pasiones humanas, qui fut<br />

d’ailleurs primé (30 pesetas !) affirme que si on lève les défauts politiques, économiques et<br />

culturels de la société existante, on permet aux passions humaines de se développer plus<br />

sereinement au bénéfice de l’harmonie et de l’autonomie universelle. Le nouveau cadre qui offre<br />

« liberté, pain et science », mutualiste et fédéraliste, limitera de fait les passions nocives, et une<br />

instruction intégrale permettant à l’homme « d’être son propre maître » couronnera l’ensemble.<br />

Lucide et honnête, car consciente des effets destructeurs de certaines passions, l’oeuvre est<br />

assurément une utopie optimiste, ouverte décrivant une future société « acratique » si on ose ce<br />

néologisme, aux relents fouriéristes assez visibles. Dans cette œuvre émergent les deux fonds<br />

principaux de la pensée de MELLA : l’idée de Justice et de contrat qui marquent un net<br />

proudhonisme fortement teinté de margallisme (PI y MARGALL) et le droit aux désirs et aux<br />

passions, en liaison avec une harmonie naturaliste, qui provient surtout des penseurs français<br />

du XVIII° si-ècle. Pour Breves apuntes sobre las pasiones humanas, l’influence directe est sans<br />

doute La morale universelle de D’HOLBACH 71 . C’est ce que Antonio ELORZA appelle un<br />

« harmonisme rationaliste fondé sur les Lumières » 72 .<br />

Ricardo MELLA est également un personnage clé pour mettre en avant cette dualité rejetadoption<br />

de l’utopie qui caractérise bien des anarchistes : son écrit de 1904 El socialismo<br />

anarquista 73 , qui condamne tout projet figé, tout système, tout dogme et donc toute utopie<br />

(« Nous n’avons pas de schémas de l‘avenir parce que nous n’avons pas d’idées<br />

prédéterminées ») est également un projet utopique « de la coopération ou de la communauté<br />

volontaire » et de la mise en commun de tous les biens. Le militant joue un peu sur les mots : il ne<br />

parle pas d’utopie mais d’idéal et de méthodes d’actions libertaires qui doivent permettre aux<br />

hommes du futur de décider eux-mêmes de leur avenir. Déjà, dans un de ses écrits majeurs La<br />

coacción moral (Fundamentos de una nueva Ética Social) de 1893, MELLA mettait en avant la<br />

force positive et constructive des passions, des sentiments et des idéaux d’une humanité libérée<br />

des préjugés, des obstacles autoritaires, et d’une éducation centrée sur l’interdit et le châtiment.<br />

Après la révolution renversant toutes les institutions autoritaires, et dans l’établissement d’une<br />

société libertaire, reposant sur des communautés « affinitaires, d’intérêt ou de pensée », la<br />

force de l’idéal produira, progressivement, des effets favorables au plus grand nombre :<br />

solidarité, pacifisme, tolérance, refus de l’accaparement propriétaire... Cet optimiste naturaliste et<br />

utopique n’est cependant ni dogmatique (« idealistas sin teologismos ni metafísicas », dit-il) ni<br />

délirant. Il rejoint les positions de GUYAU sur Une morale sans obligation ni sanction et s’appuie<br />

autant sur BAKOUNINE que sur SPENCER, voire DARWIN, souvent cités. La révolution, la force<br />

de l’idéal et de l’éducation libertaire doivent ouvrir la route à une société future ouverte et en<br />

« permanent perfectionnement » (les deux mots qui terminent cet essai). Dans La ley del número<br />

de 1895-99, Ricardo MELLA, non seulement définit le concept anti-autoritaire « d’autoarquia »,<br />

mais sous couvert d’une dénonciation scientifique et historique de la loi majoritaire et du vote, il<br />

décrit en contrepoint la société anarchiste souhaitée : en bon proudhonien et ancien disciple de<br />

Pi y MARGALL, il se range pour l’utopie du contrat libre, mutualiste : « Nous proclamons la<br />

théorie de la liberté en toute sa pureté. Nous voulons que les individus et les groupes, liés par<br />

des liens égalitaires, puissent librement s’entendre, se chercher, s’unir ou se séparer ». Les<br />

liens fédératifs, diversifiés et modifiables en sont le prolongement logique. La libre<br />

71<br />

ALBERT Mechthild Ricardo MELLA y la tradición francesa, -in-El anarquismo español y sus<br />

tradiciones culturales, 1995<br />

72<br />

ELORZA Antonio Utopía y revolución en el movimiento anarquisto español, in-El anarquismo<br />

español y sus tradiciones culturales, 1995<br />

73<br />

MELLA Ricardo El socialismo anarquista, -in-Natura, Barcelona, n°17-18, jun.1904<br />

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