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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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est le seul à être sans réserve négatif », donc les seules pensées de la totalité du réel et de sa<br />

nécessaire et totale transgression et renversement.<br />

1. L’idéal est cependant absolument nécessaire !<br />

Il s’agit du sens courant donné à idéal, pas celui dénoncé par COLSON dans son Petit<br />

lexique philosophique (Cf. ci-dessus). Le titre du livre de l’historien anarchisant sud-américain<br />

AINSA Fernando, pris comme exemple récent, peut servir d’illustration à ce retour de l’utopie :<br />

Necesidad de la utopia/Nécessité de l’utopie (Buenos Aires, Nordan Comunidad, 171p, 1990)<br />

L’utopie en tant que rêve à réaliser, que piste à proposer, qu’idéal mobilisateur à<br />

renforcer... parcourt tous les écrits anarchistes, même apparemment les plus rétifs à l’idée de<br />

jouer au prophète, comme GODWIN ou PROUDHON par exemple. Les multiples poètes,<br />

chansonniers, chanteurs... de Charles d’AVRAY (1878-1960) au « permanent de la Fédération<br />

anarchiste » Georges BRASSENS à la « graine d’ananar » qu’est Léo FERRÉ... ont toujours<br />

proposé des slogans pour la société future. Pour Charles d’AVRAY, il n’y a qu’à citer des titres<br />

de quelques-unes de ses chansons : « Le triomphe de l’Anarchie », « L’homme libre »,<br />

« Amour et volonté »... pour comprendre que la société libertaire de demain crée un homme<br />

nouveau dans un monde nouveau.<br />

Le premier peut-être, et le plus affirmatif est sans doute Joseph DÉJACQUE qui se définit<br />

superbement comme « un chercheur de vérités, un coureur de progrès, un rêveur de lumières.<br />

Je soupire après le bonheur et j’en évoque l’idéal. » 63 . Il rappelle sans cesse cette phrase<br />

célèbre que l’utopie « est un rêve non réalisé mais non pas irréalisable » et c’est pourquoi il se<br />

risque à écrire une des plus complètes utopies libertaires en 1857.<br />

Mais déjà avant lui William GODWIN dans un écrit de 1800, cité par Alain THÉVENET,<br />

humanisait l’action utopique, la rendait non seulement nécessaire mais réaliste, puisque « ce que<br />

le cœur des homes est capable de concevoir, la main de l’homme est assez forte pour la<br />

réaliser. Pour ma part, je crois fortement que des jours de plus grande vertu et de justice plus<br />

vaste descendront sur la terre ». Cette phrase est pourtant celle d’un penseur qui a toujours<br />

pourfendu les systèmes et les visions globales.<br />

La belle phrase de BAKOUNINE issue de L’empire knouto-germanique de 1871 illustre<br />

cette importance de l’idéal : « C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé et<br />

reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible<br />

n’ont jamais avancé d’un seul pas ». Comme le rappelle Victor GARCIA, les « ciments de<br />

l’idéal » sont pour lui la liberté dont il est un « fanatique amant », l’absence d’État, le fédéralisme,<br />

la solidarité, le collectivisme et l’organisation autonome des travailleurs.<br />

MALATESTA pourtant très pragmatique, pensait que l’utopie était nécessaire, mais<br />

seulement pour « guider nos pas », car la fin ultime est par nature impossible à atteindre. Il se<br />

posait donc fortement en faveur de l’idéal, mais contre toute illusion utopiste. Il préférait l’action et<br />

l’organisation à la rédaction de propositions de société future trop détaillées.<br />

Entre Paraguay (son pays), Uruguay et Argentine, mais aussi l’Espagne, l’écrivain Rafael<br />

BARRETT nous offre sans doute la plus belle formule : « Cuanto más inaccesible aparezca el<br />

ideal, tanto mejor. Las estrellas guían al navegante. Apuntemos en seguida al lejano término.<br />

Así señalaremos el camino mñs corto. Y antes venceremos/Plus l’idéal nous apparaît très loin,<br />

mieux cela est. Les étoiles guident bien les navigateurs. Regardons ensuite vers cet objectif<br />

lointain. Ainsi nous trouverons le chemin le plus court. Alors nous vaincrons » 64 .<br />

L’anarchiste franco-ibérique Gaston LEVAL, si actif et influent dans l’Espagne des<br />

années 1930, rappelle la nécessité de préciser ce que l’on veut, pour éviter le flou au moment<br />

décisif, pour que les proches savent quoi faire et soient informés (nécessité de la transparence<br />

révolutionnaire) et pour éviter que d’autres plus précis, cyniques ou organisés, s’emparent du<br />

mouvement (les autoritaires, communistes staliniens surtout, sont ici visés dès 1936). Xavier<br />

PANIAGUA (1999) a retrouvé cette citation éclairante : « nous avons le devoir de concrétiser<br />

comment la CNT agira, à la ville et à la campagne, pour transformer les normes sociales. Ne<br />

pas le faire reviens à trahir nos idées, car ce serait rejeter les gens vers des solutions<br />

révolutionnaires autoritaires » 65 .<br />

René DUMONT, conscient du totalitarisme des projets clés en mains, figés... propose la<br />

notion fort intéressante de projets « utopico-réalistes », c’est à dire des conseils, des indications<br />

63 DÉJACQUE Joseph À bas les chefs, 1970, p.91<br />

64 BARRETT Rafael La rebelión, Asunción, 15/03/1909<br />

65 Liberación, n°8, Barcelona, marzo-abril 1936<br />

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