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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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sans morales, car elles ignorent le péché, société sans classe, société sans État, etc... »<br />

(p.156). Bref ce monde en constante évolution, refusant l’immobilisme des « utopies<br />

classiques » classe fermement le groupe local des sociétés amérindiennes dans la mouvance<br />

libertaire. Mais la guerre quasi-permanente, et inhérente à ce type de société totalement<br />

autonome, nie le caractère kropotkinien de l’entraide. Donc le paradoxe est très fort. Mais par un<br />

retour dialectique un peu tiré par les cheveux, CLASTRES affirme que seul l’État, parce<br />

qu’unificateur par essence, serait capable d’empêcher la guerre. Donc ce sont bien des<br />

« sociétés sans État », leur logique d’autonomie anti-unificatrice étant « l’antithèse de l’État »,<br />

CQFD...<br />

Hélène CLASTRES analysant le prophétisme tupi-guarani met l’accent sur des aspects<br />

millénaristes et libertaires de ces sociétés anciennes du Paraguay et du Brésil. Leur recherche<br />

de la « terre sans mal » 10 en suivant des prophètes appelés karaï est similaire à la quête de<br />

l’Éden, d’une société d’abondance, ou règne l’immortalité et sans contrainte sociale. Elle prolonge<br />

l’article de Pierre CLASTRES sur les Guaranis paru dans L’Éphémère n°19-20 en 1972/73 :<br />

« De l’un dans le multiple » qui insiste également sur cette quête utopique permanente de l’autre<br />

monde, celui des origines, de la perfection, de « l’âge d’or » ?.Une très belle bande dessinée,<br />

parfois cependant un peu confuse, primée en 2000, illustre ce rôle du karaï comme révélateur<br />

des désirs de régénérescence de groupes ethniques en voie d’extinction : LEPAGE/SIBRAN La<br />

terre sans mal, Collection Aire Libre, 1999. Anne SIBRAN remercie d’ailleurs en introduction les<br />

travaux du couple CLASTRES et de DESCOLA.<br />

Le Mexique amérindien est très riche en traditions communautaires au pouvoir limité et<br />

aux pratiques de quasi-autogestion. Ainsi, dans les États de Jalisco et du Nayarit, dans la<br />

tradition Huichole surtout, les terres étaient (et sont encore) souvent de propriété commune (le<br />

calpulli). Ce calpulli, répandu dans presque tout le Mexique, entraînait de surcroît la pratique<br />

d’un travail en commun et donnait lieu à un usufruit individuel ; pour les missionnaires<br />

« utopistes » dont le plus célèbre est LAS CASAS, il représentait l’un des axes essentiels pour<br />

aider et respecter les indigènes 11 . Dès son arrivée au Mexique au début des années 1860, le<br />

proudhonien Plotinio RHODOKANATY reprend l’analyse lascasienne sur le alpulli.<br />

Au Mexique du centre-ouest ce système se complexifiait avec l’existence de sorte de<br />

coopératives de production et de consommation. Juan NEGRIN 12 parle même « d’autogestion<br />

économique interne » des terres communes, ce qui correspond au système du tatoani pour<br />

chaque groupe tribal. Il y a rotation annuelle des charges politiques et administratives au sein de<br />

ce tatoani. La charge de responsable est sans rémunération et très coûteuse, car elle occupe<br />

beaucoup de temps : donc ni supériorité, ni enrichissement possible n’en découlent. Elle est<br />

proposée par un conseil de sages ou d’anciens, gardiens des traditions, les cahuiteros. L’autogouvernement<br />

va même jusqu’à la création d’une police propre, sorte de milice au service de la<br />

communauté, le topil. Chaque clan dispose d’un centre culturel, religieux et politique commun, le<br />

tuquipa. Pour conclure, l’ampleur de ces structures et leur résistance au pouvoir dominateur et<br />

unificateur de l’État mexicain en prouve leur solidité.<br />

Dans le Chiapas, les traditions communautaires et « assembléistes » des Tzotziles, un<br />

des groupes mayas soutenant largement la révolte du mouvement néozapatiste depuis 1974 sont<br />

elles aussi particulièrement vivaces. Lors de la création des ejidos (terrains récupérés par la<br />

collectivité et répartis assez égalitairement), surtout avec Lazaro CARDENAS dans les années<br />

trente, beaucoup de paysans mayas ont appris se réunir et à décider collectivement dans ce<br />

cadre. Malheureusement, l’exclusion systématique des femmes reste une dure réalité de toute la<br />

région jusqu’aux « lois » édictées par MARCOS. L’ouvrage d’Élisabeth TUTZ, publié par L’esprit<br />

Frappeur en 1998, sur Irma, femme du Chiapas, est sur ce thème un terrible témoignage qui<br />

nous amène à fortement relativiser tous les mythes sur le matriarcat primitif et l’égalitarisme<br />

indigène... Les souvenirs du Tzotzil Juan Pérez JOLOTE, publiés chez Maspéro en 1973<br />

renforce ce trait détestable, y ajoutant parfois alcoolisme omniprésent et mauvais traitements...<br />

Dans la région d’Oaxaca (pays d’origine des frères MAGON, dont l’influence reste<br />

fortement marquée aujourd’hui, malheureusement souvent sous une forme mythifiée), le pouvoir<br />

10 CLASTRES Hélène La Terre sans mal. Le prophétisme tupi-guarani, Paris, Seuil, 1975<br />

11 CAPITANACHII Daniel Marti Utopía de una ciudad y Dios en el Nuevo Mundo, Texte de 10 pages,<br />

issu d’Internet, site http://serbal.pntic.mec.es/~munoz11/utopia2.html, 19/01/2001<br />

12 NEGRIN Juan Acercamiento histórico y subjetivo al huichol, Guadalajara, EDUG, 64p, 1986, p.21<br />

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