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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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Plus récemment, Michel ONFRAY reprend le flambeau dans son pamphlet en faveur d’un<br />

projet libertaire et hédoniste 11 : « Toutes les utopies déclarées mais également les projets de<br />

société qui ont prétendu se réclamer de la science, de la positivité, de l’utilitarisme le plus<br />

sobre, ont posé cet axiome : l’individu doit être détruit, puis recyclé, intégré dans une<br />

communauté pourvoyeuse de sens. » (p.40).<br />

De là à rejeter toute société ou tout projet social, il n’y a qu’un pas. Par exemple, Paul<br />

GOODMAN, un des principaux penseurs libertaires de l’après guerre et de la contre culture des<br />

sixties aux USA affirme encore plus nettement le rejet de toute bonne société ; tout projet global<br />

est pour lui d’essence totalitaire et contraignant ; mieux vaut alors pragmatisme et solutions<br />

graduelles et ponctuelles ; de manière ironique, dans ses notes d’un « penseur néolithique »<br />

publiées en 1974, il « ...pense que le but n’est pas de créer une bonne société mais une société<br />

acceptable, (je) pense qu’il vaut mieux essayer de limiter les abus jusqu’à ce qu’ils soient<br />

d’une dimension gérable. Les meilleures solutions ne sont en général pas celles qui sont<br />

globales mais celles qui comportent un peu de ci et un peu de ça. » 12<br />

Le pessimiste libertaire individualiste « chrétien » qu’était Louis CALAFERTE savait,<br />

comme rarement d’autres savent le faire, fustiger la « mauvaise » utopie, comme ces quelques<br />

extraits de Choses dites de 1997 paru au Cherche-Midi, le rappellent : d’abord « Je vous laisse<br />

tomber. Je ne marche pas dans vos conneries d’avenir idyllique. » (p.108) puis « La réalité est<br />

atroce. L’idéal est une duperie. » (p.119) et pour finir « Oui le siècle à venir sera celui du refus,<br />

ou il ne sera qu’un espace carcéral. » (p.127). Comme une des rares vertus qu’il propose est<br />

l’obéissance, la résistance, le refus du conformisme et des tabous et qu’il dit « qu’il n’y a d’esprit<br />

que l‘esprit subversif », c’est évident qu’on voit mal l’auteur se rattacher à une quelconque<br />

organisation collective jugée par lui forcément grégaire.<br />

Après l’effondrement de « l’utopie communiste » en fin du XX° siècle, beaucoup d’auteur<br />

mettent l’accent sur le retour des réflexions, voire également des« utopies » du sujet, de<br />

l’épanouissement personnel, du développement individuel. Les « globalités écrasantes »<br />

auraient fait leur temps, et le « possible (avenir) libertaire », seul non réellement exploré, (et<br />

l’Espagne de 1936-1939 ?) serait l’ultime recours. Sur ce sujet on peut lire avec profit et assez<br />

de recul le numéro spécial Utopies de la Revue des Deux Mondes de 2000, notamment Michel<br />

WIEVIORKA et Michel LACROIX, même si l’ensemble me semble trop léger sur le plan historique et<br />

un peu bavard sur le plan philosophique.<br />

Cependant les individualistes ne sont pas les seuls sur ces positions. L’opposition entre<br />

les tendances de l’anarchisme est souvent une œuvre vide de sens. Ainsi pour conclure ce<br />

chapitre, je propose de relire une œuvre d’un des anti-individualistes les plus connus, La morale<br />

anarchiste du prince KROPOTKINE, publiée en 1891 : « Nous reconnaissons la liberté complète<br />

de l’individu, nous voulons la plénitude de son existence, le développement de ses facultés.<br />

Nous ne voulons rien lui imposer ». Et plus loin il récidive : « notre morale n’ordonnera rien ;<br />

repoussera totalement la volonté de modeler l’individu avec toute règle abstraite, refusera de le<br />

mutiler via religion, loi et gouvernement, laissera la liberté pleine et entière à l’individu » 13 . On<br />

trouvera difficilement des positions plus antisociales, ou antiutopistes…<br />

2. L’utopie « classique » est anti-humaine par excellence<br />

En décrivant une ville parfaite, où la perfection s’étend aux réalisations, aux idées, aux<br />

moeurs, aux vêtements... l’utopie traditionnelle est à l’opposé de l’humain, imparfait, fantasque,<br />

contradictoire, changeant... par essence. Les « mauvaises utopies » sont bien celles de cette<br />

perfection comme le dit le (souvent) libertaire Edgar MORIN 14 , alors que les « bonnes » expriment<br />

la diversité, l’ouverture, le pluralisme à tous les niveaux...<br />

Dans La rêverie anarchiste, Alain PESSIN 15 ne dit pas autre chose, en montrant<br />

l’importance de l’élan vital, de la « puissance tumultueuse », de la vie forcément variée et<br />

11<br />

ONFRAY Michel Politique du rebelle. Traité de résistance et d’insoumission, Paris, Grasset, 1997<br />

12<br />

GOODMAN Paul La critique sociale Lyon, ACL, 1997, p.129<br />

13<br />

KROPOTKIN Pedro La moral anarquista, in-CANO RUIZ B. El pensamiento de Pedro<br />

KROPOTKIN, México, EMU, 328p, 1978, p.204 & p.217<br />

14<br />

MORIN Edgar Est-il utopique de relier les connaissances ? -in-Revue des Deux mondes, Utopies,<br />

2000<br />

15<br />

PESSIN Alain La rêverie anarchiste, Lyon, ACL, 1999 (première édition 1982)<br />

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