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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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C’est bien sûr le projet utopique de cité horizontale et fonctionnelle qu’est Broadacre City<br />

de 1935-1958 de Frank Lloyd WRIGHT, qui en est l’expression la plus solide. Il poursuit la<br />

recherche autour des cités-jardins entamée bien avant lui et cette volonté d’enchâsser la maison<br />

dans le paysage et la nature, il l’a lui même largement assumée. Son concept de Prairie House<br />

au début du siècle et surtout celui de Usonian House dès la fin des années 30 en présentent de<br />

belles illustrations ; le second concept surtout, reposant sur des plans adaptables, des maisons<br />

à toits plats, ouvertes sur les jardins, avec une volonté démocratique concernant les prix (en<br />

jouant sur les matériaux employés) a parfois donné des merveilles : Fallingwater en 1935 en<br />

Pennsylvanie, Honeycomb House à Standford (Californie) en 1936 ou le superbe Taliesin<br />

Ouest en 1937. La volonté de WRIGHT de rechercher l’autonomie individuelle de manière<br />

intransigeante le rattache autant à la tradition individualiste et libertaire états-unienne qu’aux<br />

exigences du courant anarchiste international. Ses créations sont libertaires au sens large du<br />

terme, car centrées sur l’homme, l’occupant du lieu, mais aussi par les moyens utilisés et les<br />

formes extrêmement diversifiées proposées, et sur la liberté individuelle. Helen ROSENAU, peu<br />

au fait pourtant des idéologies socialistes, le présente même comme « un planificateur<br />

anarchiste ». Ruth EATON dans son beau livre de 2001 sur les Cités idéales, en fait le seul<br />

architecte urbaniste critique aux ÉU, véritablement hostile à la « tumeur cancéreuse » que<br />

représente la ville industrielle états-unienne. La ville rêvée de Broadacre propose de multiples<br />

lieux pour aider l’individu et l’exercice de la démocratie : atriums, agoras, bibliothèques... Le<br />

cadre semble contraignant, puisque le plan en damier y est présent ; mais chaque unité<br />

individuelle ou familiale est cependant libre de s’aménager en toute autonomie. Son rêve de<br />

démocratie libertaire de petits propriétaires le rattache bien à PROUDHON ou aux anarchistes de<br />

son pays, d’autant que sa position résolument anti-centraliste est un choix pour éliminer toute<br />

autorité détestable. Il rêve d’un État réduit aux pures tâches administratives. Il apparaît bien<br />

comme l’anti-LE CORBUSIER sur ce point. Faisant « sienne la philosophie de l’individualisme<br />

d’EMERSON » et réalisant Broadacre comme une « forme plastique d’une démocratie<br />

originelle » 75 , cet architecte-urbaniste se range donc bien parmi les créateurs libertaires.<br />

Cette classification est fondée si on note en plus que WRIGHT mena une vie libre,<br />

d’ailleurs parfois scandaleuse aux yeux de ses contemporains (l’abandon de sa famille et des<br />

USA en 1909, par exemple). Il bénéficia dans son enfance d’une mère déterminée et ouverte,<br />

très en avance sur son temps, qui lui appliqua les principes pédagogiques très novateurs<br />

(notamment les aspects ludiques qui ne sont pas sans rappeler FOURIER) des jardins d’enfants<br />

de FROEBEL, qu’elle avait découvert aux environs de Boston.<br />

Pour les années d’après Seconde-Guerre Mondiale surtout, Bernard LASSUS 76 et Michel<br />

RAGON 77 montrent l’importance, en France notamment, des « habitants paysagistes » qui<br />

appliquent un art naïf et « primitif » à la décoration de leur maison, surtout dans la partie<br />

consacrée au jardin : les auteurs parlent alors de « jardins imagés, jardins fantastiques, jardins<br />

oniriques » ou de « poétique du paysage ». Il s’agirait d’une « utopie écologique sous-jacente »<br />

nous dit même RAGON en conclusion. Par cette notion de « poétique », LASSUS renoue ainsi<br />

avec l’œuvre de Gaston BACHELARD (Poétique de l’espace, datant de 1957).<br />

Toujours aux USA, la force du tableau Greening of Manhattan en 1991 de James WINES<br />

(BORSI p.182-183) est un vrai morceau d’anthologie.<br />

En France les recherches de Édouard FRANÇOIS et Duncan LEWIS en 1993 pour la ville<br />

de Nantes aboutissent à camper un centre administratif au cœur d’un luxurieux et édénique<br />

marécage.<br />

À la fin des années 50, Yona FRIEDMAN, futur écrivain utopiste fortement libertaire et<br />

alternatif, propose déjà des cités spatiales aux structures légères, adaptables, modifiables,<br />

mettant l’homme au centre, et incluant des zones végétales préservées et encouragées.<br />

L’italo états-unien Paolo SOLERI propose le néologisme d’Arcologie pour unifier<br />

architecture alternative et nécessités écologiques. Son projet Arcosanti touche une population<br />

limitée de 5000 personnes (toujours les petites dimensions, à l’image des phalanstères) localisée<br />

dans une vaste aire rurale, avec une agriculture et une énergie solaire écologique.<br />

75<br />

Dictionnaire des utopies, Paris, Larousse, 2002<br />

76<br />

LASSUS Bernard Paysages quotidiens, de l’ambiance au démesurable, Paris, Catalogue de<br />

l’Exposition du Musée des Arts Décoratifs, 1975<br />

77<br />

RAGON Michel L’architecte, le prince et la démocratie, Paris, Albin Michel, 1977<br />

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