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130102_ANT.pdf - Ecole alsacienne

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Dans cette période fertile pour les recherches sur l’utopie, Henri DESROCHE, le grand<br />

spécialistes des tentatives communautaires, avance un autre regroupement très large pour tous<br />

ces mouvements et écrits : « La sociologie de l’espérance », titre de son livre de 1973.<br />

C’est à la même époque (1972) que Pierre VERSINS publie à Lausanne ce qui reste à ce<br />

jour comme la principale encyclopédie de l’utopie 8 . Il y traite de ces « aventures intellectuelles et<br />

passionnées » qu’il nomme « conjectures romanesques rationnelles » (en gros les utopies au<br />

sens général, les voyages extraordinaires et les écrits d’anticipation et de science fiction). En fait<br />

son ouvrage monumental lui permet de tout traiter, bien au-delà de sa propre définition qui était<br />

restrictive, puisque restant dans la sphère romanesque. Pour lui l’utopie est autant « le lieu où se<br />

révèlent les phantasmes » (p.7) qu’un « point de vue sur l’univers, voire sur l’homme ». (p.8)<br />

Donc c’est « imaginer un ailleurs plausible, qu’il soit situé dans le temps, dans l’espace ou à<br />

l’intérieur de l’homme ». À l’inverse de TROUSSON étudié ci-après, il refuse de réduire ses<br />

analyses à des notions de genre ou de forme.<br />

En milieu anarchiste ou proche, ce dernier terme « d’imaginaire » est fréquemment repris<br />

depuis la fin des années 1970, avec parfois d’autres adjectifs comme celui « d’alternatif » ou<br />

celui de « subversif » 9 , ou celui « d’utopique » (PESSIN), ce qui peut alors sembler redondant. Il<br />

en va donc du terme imaginaire comme du terme utopie, une floraison sémantique tous azimuts.<br />

Ce terme d’imaginaire renoue avec les écrits freudiens et post-freudiens, ce qui n’est pas<br />

sans ambiguïté. Pour FREUD les « représentations imaginaires » (Phantasieren), liées au<br />

principe de plaisir, au jeu et au rêve éveillé, en renouant avec la liberté de la petite enfance et<br />

d’une antériorité mythifiée, seraient des tentatives de maintenir dans la réalité l’harmonie entre<br />

bonheur et raison. L’utopie au contraire rejetterait hors de la réalité cette harmonie souhaitée.<br />

MARCUSE, dans sa Philosophical inquiry into FREUD 10 , tout en reconnaissant l’importance de<br />

cet imaginaire, l’amplifie dans sa volonté d’établir qu’une « société non-répressive » (libertaire de<br />

fait) est possible : « la valeur authentique de l’imagination ne concerne pas seulement le passé<br />

mais aussi le futur : les formes de la liberté et du bonheur qu’elle évoque tendent à libérer la<br />

réalité historique ».<br />

Le colloque de Grenoble de mars 1998 autour des « Incendiaires de l’imaginaire »<br />

renoue à la fois avec le futurisme et avec BACHELARD sur la notion d’incendie comme<br />

nécessaire rupture sociale, et fait de l’imaginaire la définition libertaire la plus adéquate de<br />

l’utopie, curieusement avec un U majuscule ! : « …que la culture, la vie, en bref l’imaginaire<br />

nous facilitent le voyage au cœur de la transformation et de la création sociale. Nous avons<br />

nommé l’Utopie… » 11 . Cette notion d’imaginaire reste floue et adaptable à d’autres réalités que la<br />

volonté utopique sous-entendue. La formule de Mimmo PUCCIARELLI qui la décrit « comme<br />

mouvement d’ensemble de la raison, des sentiments, des postures psychologiques et<br />

physiques qui nous sont légués, entre autre, par notre héritage culturel, notre lieu et milieu<br />

d’origine donc, et nos propres acquisitions culturelles. » 12 est une illustration de cette difficulté<br />

à cerner de nouveaux concepts opératoires, malgré (ou à cause de) sa volonté de rayonner<br />

large.<br />

Dans une des premières interventions à ce colloque, Alain PESSIN rapproche le terme de<br />

« rêverie politique » 13 à celui d’imaginaire et de révolte. Celle-ci, comme l’imagination, cherche à<br />

« faire apparaître le monde », en rehaussant le rôle du désir, de la jouissance. Mettant au<br />

premier plan ce plaisir de tenter de « démultiplier la vie », il oppose la liberté du libertaire, de<br />

l’utopiste à l’idéologie qui institutionnalisée n’est qu’un absolu sclérosé. Il reprend ici les analyses<br />

classiques de Karl MANNHEIM. Dans son livre sur L’imaginaire utopique aujourd’hui de 2001, il<br />

reprend l’idée de rêverie, en y ajoutant un trait revendiqué par les libertaires, celui de<br />

volontarisme : la « rêverie de la volonté » est une belle expression, même si sa réalisation<br />

sombre parfois dans la « rêverie du repos », ce moment funeste où l’imagination s’estompe (ou<br />

8<br />

VERSINS Pierre Encyclopédie de l’utopie et de la science fiction, Lausanne, L’âge d’homme,<br />

1038p, 1972<br />

9<br />

Collectif L’imaginaire subversif. Interrogations sur l’utopie, Lyon, ACL, 185p,.1981<br />

10<br />

MARCUSE Hebert Eros and civilization, Boston, 1955/Paris, Minuit, 1963, p.130<br />

11<br />

Collectif Les incendiaires de l’imaginaire, Actes du Colloque de Grenoble du 19-21 mars 1998,<br />

Lyon, ACL, 345p, 2000, p.8<br />

12<br />

PUCCIARELLI Mimmo Le verbe, le corps, l’anarchie–in-Collectif Les incendiaires de l’imaginaire,<br />

Actes du Colloque de Grenoble du 19-21 mars 1998, Lyon, ACL, 345p, 2000<br />

13<br />

PESSIN Alain Dynamique de la rêverie politique, -in-Collectif Les incendiaires de l’imaginaire,<br />

Actes du Colloque de Grenoble du 19-21 mars 1998, Lyon, ACL, 345p, 2000<br />

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