CONTES INITIATIQUES PEULS - 1 - Aide et Action
CONTES INITIATIQUES PEULS - 1 - Aide et Action
CONTES INITIATIQUES PEULS - 1 - Aide et Action
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
« Il ne me reste plus qu'un pouvoir. C'est la dernière flèche de mon arc. Je vais la lancer,<br />
mais si elle manque Bâgoumâwel, elle se r<strong>et</strong>ournera pour me transpercer le coeur, <strong>et</strong> ce<br />
sera ma fin.<br />
« Qu'est devenue ma vie... J'aurais dû m'apercevoir que le mal ne reçoit pour paiement<br />
qu'un mal plus grand encore. Mes fétiches, mes gris-gris, l'asservissement des esprits que<br />
j'ai réduits en esclavage, tout cela ne m'a servi à rien. J'ai amorcé la descente sur la pente<br />
glissante. Elle est si raide <strong>et</strong> si rapide que je ne sais comment faire pour ne pas être<br />
précipitée dans le gouffre qui s'ouvre à ses pieds (1). »<br />
Pendant sept jours, Njeddo Dewal demeura prostrée, comme plongée dans un deuil sans fin.<br />
Mangeant peu <strong>et</strong> ne buvant presque pas, elle était à moitié vivante <strong>et</strong> à moitié morte.<br />
Puis, sortant de c<strong>et</strong> état, elle passa à Faction. Elle n'avait plus qu'une dernière flèche à<br />
lancer contre Bâgoumâwel ? Eh bien, elle allait la lancer, <strong>et</strong> advienne que pourra! « Je suis<br />
comme un homme au ventre déchiré, se dit-elle. Peu lui importe que la récolte soit bonne ou<br />
mauvaise puisque, de toute façon, il ne pourra la manger. "<br />
Njeddo se transforma alors en inondation. Ondulant avec une rapidité incroyable, elle<br />
envahit le pays de Heli <strong>et</strong> Yoyo, remplissant les trous <strong>et</strong> les cavernes de son eau fétide. Elle<br />
submergea les bosqu<strong>et</strong>s <strong>et</strong> les monticules, imbiba les murs en pisé, fit s'écrouler les cases.<br />
Elle recouvrit les prairies <strong>et</strong> noya les animaux qui y paissaient.<br />
Le roi ordonna à toute la population de fuir <strong>et</strong> d'aller se réfugier au somm<strong>et</strong> des collines,<br />
heureusement nombreuses dans le pays. Puis, appelant Bâgoumâwel, il lui demanda ce qu'il<br />
pensait de c<strong>et</strong>te inondation bizarre, que rien ne justifiait hors saison.<br />
« C'est la dernière flèche que Njeddo Dewal lance contre Heli <strong>et</strong> Yoyo, répondit<br />
Bàgoumâwel. Tu as bien fait, ô Roi, de conseiller aux gens de fuir en emportant tout ce qui<br />
leur est précieux. »<br />
Wâm'ndé, la mère de Bâgournâwel, entendit le grondement des eaux. Elle sortit<br />
précipitamment de sa case, laissant sur le foyer un tesson de canari dans lequel cuisait du<br />
salpêtre selon une rec<strong>et</strong>te héritée de son père Bâ-Wâm'ndé. Pourtant, son père lui avait bien<br />
recommandé de ne jamais abandonner c<strong>et</strong>te substance lorsqu'elle la ferait cuire sur le feu, <strong>et</strong><br />
cela quoi qu'il arrive.<br />
______________________<br />
1. Pour la première fois. Njeddo Dewal fait un r<strong>et</strong>our sur elle-même <strong>et</strong> se livre à une réflexion lucide <strong>et</strong><br />
salutaire. Cela illustre ce qui a été dit précédemment, à savoir qu'il y a toujours un grain de bien dans<br />
le mal <strong>et</strong> un grain de mal dans le bien. Quoi qu'il en soit., c<strong>et</strong> accès de conscience morale ne saurait<br />
durer chez Njeddo Dewal puisqu'elle a été créée pour accomplir le mal.<br />
139