« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

La médiation des élites traditionnelles intègre aussi l’action du religieux dans la sphère
politique 306 . Les multiples pratiques clientélistes de Saley, à l’endroit de la communauté
musulmane de la ville lui ont aussi assuré le soutien de taille de l’imam de la mosquée centrale de
la ville, El hadj Ibrahim. Ce dernier précise au sujet de cette « alliance » avec Saley:
« Je ne suis pas un poulet qui mange et essuie sa bouche, moi je mange et demande discrètement aux
fidèles de voter pour lui. D’ailleurs, ce sont ces fidèles qui viennent me dire qu’ils aiment naturellement
Saley, sans que je ne sache pourquoi. Moi, je ne peux que soutenir le choix des membres de la
communauté musulmane 307 ».
Il faut surtout noter qu’avec le retour à la vie démocratique, le pays connaît un regain de
revitalisation des chefferies coutumières, jadis bannies par l’ancien régime révolutionnaire qui les
qualifiait de « féodales ». Même si le Bénin ne leur accorde pas une place prépondérante, tel le
Ghana, ces anciennes « institutions » s’octroient une position de médiation dans le jeu politique.
En outre, suivant le constat des anthropologues de l’équipe de Thomas Bierschenk, de Jean
Pierre Olivier de Sardan et de Pierre Yves Le Meur 308 , on assiste au niveau local à une
« polycéphalie » des arènes politiques locales. Car des acteurs locaux émergent dans de nouvelles
institutions à la base, à chaque fois que le régime central national change. Mais les anciens acteurs
ne voient pas leur légitimité fondre. Ainsi, ils continuent de réguler la vie politique locale, « sans
qu’il y ait une véritable hiérarchisation 309 » entre les anciennes et les nouvelles institutions. Ce sont ces
arènes dans lesquelles nous pourrons classer toutes les élites traditionnelles et anciennes, qui
comme des grands électeurs proposent les candidats que viennent ratifier les électeurs. Elles
détiennent en outre un pouvoir décisif dans la désignation du premier responsable de la
commune. Ainsi, nous partageons avec les auteurs suscités le constat de régulation de ces arènes
dans la vie politique locale.
Cependant, si leur existence permet aux populations de pratiquer une « institution shopping »
dans le règlement des conflits locaux, on ne peut dire qu’il n’y a pas d’hiérarchisation entre ces
« institutions locales ». Car en dernier ressort, la légitimité du pouvoir politique en place prime
toujours sur les autres institutions, même si « l’Afrique des compromis » veut toujours trouver
une solution à l’amiable aux différents sociaux. Les contentieux qui ne trouvent de solution à
l’amiable dans ces arènes reviennent finalement sur la table du pouvoir politique en exercice.
306
Sur les dynamiques religieuses dans la sphère politique au Bénin, voir C. Mayrargue, « Dynamiques
religieuses et démocratisation au Bénin. Pentecôtisme et formation d’un espace public », op. cit.
307
Aladji Ibrahim, entretien, Malanville, 03 février 2007.
308
Voir dans l’Introduction de cette étude.
309
T. Bierschenk et J. P. Olivier de Sardan (dir.), Les pouvoirs au village, Le Bénin rural entre démocratisation
et décentralisation, op. cit., p. 30.
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