« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

Pour le citoyen ordinaire, l’organisation de funérailles fastes est la conformité au
comportement vu comme approprié. Hormis celle des enfants en bas âge et les jeunes, les
funérailles dans l’imaginaire collectif ne sont pas sources de tristesse, bien au contraire, c’est une
réjouissance populaire : « c’est la fête ! ». La mort, est présentée comme un départ vers les
ancêtres, qui mérite d’être fêté. D’où ce déploiement d’artilleries enjouées. Dans un passé relatif,
au temps des rois à Abomey, un défunt était enterré avec ses biens précieux, comme de la
nourriture et de la boisson pour ne pas avoir faim et soif sur la route du « pays des ancêtres ». Il
est encore d’usage dans certaines familles de mettre à l’intérieur du cercueil des pagnes.
Le « Dadà », le roi lui-même, fait la « traversée » avec ses femmes et serviteurs qu’il aimait
le plus de son vivant. Dans bien des cas, ces derniers sont enterrés vivants avec le roi défunt dans
une fosse commune, après avoir consommé un breuvage d’endormissement qui prendra effet une
fois descendus dans la tombe. Les chambres mortuaires [Djèxo] au palais royal d’Abomey
donnent encore aujourd’hui à voir les vestiges de cette pratique d’antan, assimilés en occident à
des sacrifices humains 215 . Le royaume du Danhomé n’avait pas le monopole de cette pratique. À
Kétù, les deux femmes préférées du roi, Ida et Raamu, l’accompagnaient à sa mort 216 . Toutefois,
ces faits doivent être replacés dans leur contexte historique. Nous admettons avec l’historien
Félix Iroko que ces « actes qui aujourd'hui sont regardés comme contraires à la morale [ …] étaient
parfaitement justifiés et officiellement admis à l'époque 217 ».
Pour revenir à l’essentiel, la légende raconte souvent que ne pas honorer d’une fête les
funérailles d’un parent le met en colère dans l’outre-tombe et par conséquent un malheur arrivera
à ses descendants. Mais, une telle cérémonie est avant tout pour les organisateurs un gain
substantiel, un canal de construction de notabilité et de réseaux. Les connaissances qui sont faites
créent des amitiés et une renommée exploitable en d’autres circonstances.
De plus, les cérémonies coutumières, à l’instar de ces funérailles, sont aussi des occasions
pour associer à sa personne une figure sociale prégnante. Il faut étaler toute la splendeur de sa
richesse en dépensant à profusion pour marquer les esprits de sa « force de frappe ». Ce qui est vrai
pour la Côte d’Ivoire des travaux de Claudine Vidal l’est davantage au Bénin des notables. « Le
luxe funéraire illustre les vertus filiales, il prouve surtout -objectivement et aux yeux de tous- la capacité de dépense
si bien que ne pas se ‘‘montrer’’ en cette circonstance entraîne un verdict d’inexistence sociale […] une honte, sans
remède 218 », mentionne-t-elle. La magnificence est à l’aune de l’honneur et de la crédibilité du
215 V. Campion-Vincent, « L'image du Dahomey dans la presse française (1890-1895). Les sacrifices humains »,
Cahiers d'études africaines, 25, 1967, pp. 27-58.
216 Sur ce sujet, voir F. Iroko, « Quand les reines accompagnaient leurs époux dans la tombe », La Croix du
Bénin, N° 904 du 23 Mars au 05 Avril 2007, p. 4.
217 Ibid.
218 C. Vidal, « L’amour du village », in C. Vidal, Sociologie des passions : op. cit., p. 115.
68