« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo
« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo
« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>«</strong> Dans le village, si ton père ou ta mère meurt <strong>et</strong> tu n’organises pas des cérémonies à la hauteur de <strong>sa</strong><br />
gloire, tu es vu comme un incapable. Tu te dois de lui assurer des funérailles grandioses, en donnant<br />
notamment à manger à tous ceux qui viennent, invités ou non. C’est cela la tradition chez nous à Grand-<br />
Popo. Sinon, tout le monde dira que tu as enterré ton parent comme un chien… une honte ignoble,<br />
abominable. On te présentera comme un fils indigne <strong>et</strong> incorrect vis-à-vis de ses géniteurs. Dans ce cas, le<br />
village te maudit, t’ignore…Tu ne pourras pas avoir droit de parler publiquement, <strong>sa</strong>ns être constamment<br />
critiqué 210 ».<br />
Ces mots tirés de l’entr<strong>et</strong>ien que nous avons eu avec Jeanne, couturière à Grand-Popo,<br />
condensent éloquemment l’économie morale du comportement légitime funéraire au Bénin, en<br />
l’occurrence au Sud, marqué par le maillage syncrétique traditionnel <strong>et</strong> chrétien. Le rite funéraire<br />
traditionnel s’est sérieusement transformé avec la christiani<strong>sa</strong>tion d’une bonne partie du Sud-<br />
Bénin. Les pratiques se <strong>son</strong>t appropriées une once de <strong>«</strong> modernité ». En témoigne la place<br />
centrale qu’occupe désormais la morgue dans le parcours funéraire 211 .<br />
Dans le vieux temps, la per<strong>son</strong>ne décédée était rapidement enterrée dans la concession<br />
familiale à la tombée de la nuit. Aujourd’hui, l’économie morale funéraire voudrait un<br />
allongement de l’intervalle entre le décès <strong>et</strong> l’enterrement. Pour nombre de per<strong>son</strong>nes, il faut<br />
laisser de façon subséquente à l’honneur des proches du disparu, le corps à la morgue pendant<br />
deux ou quatre semaines. C’est cela qui marque la bienséance dans l’art des cérémonies<br />
mortuaires <strong>et</strong> le degré de respectabilité octroyé à la victime à l’aune de <strong>son</strong> rang social.<br />
<strong>La</strong> veille de l’enterrement, une veillée est organisée en mémoire du défunt. Tous ceux qui<br />
y assistent boivent du thé <strong>et</strong> de la <strong>«</strong> bouillie » accompagnée des beign<strong>et</strong>s <strong>et</strong> biscuits. C’est<br />
l’occasion pour les riverains lorsque c’est en zone urbaine, ou tout le village en zone rurale, de<br />
venir profiter gracieusement de quoi se sustenter ce soir-là.<br />
Le jour de l’enterrement, un tissu imprimé collectif est ach<strong>et</strong>é <strong>et</strong> porté par les proches <strong>et</strong><br />
invités. À ce niveau aussi, le regard commun questionne ceux qui ne l’ont pas porté. Le mort<br />
repose dans un cercueil de gamme avec un habillement à l’avenant. Une nuée de photographes <strong>et</strong><br />
de reporters en images, habillés en maillots à l’effigie du défunt, capte la scène pour la postérité.<br />
Dans la foulée, un cortège impressionnant de véhicules s’ébranle de l’église au cim<strong>et</strong>ière pour<br />
marquer le faste ostentatoire de la famille qui tient à rassurer la population sur <strong>sa</strong> capacité à<br />
convenir au décorum idoine. De même, la tombe qui sert d’écrin au mort est parée en couleurs<br />
d’attributs conséquents.<br />
210<br />
Jeanne, entr<strong>et</strong>ien, Grand-Popo, 14 février 2007.<br />
211<br />
Voir J. Nor<strong>et</strong>, <strong>«</strong> Morgues <strong>et</strong> prise en charge de la mort au Sud-Bénin », Cahiers d'études africaines, 176,<br />
2004.<br />
66