« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

les milieux acquis à la cause décentralisatrice est que la floraison de conseillers à élire 23 permettra
l’émergence de citoyens lambda au sein des instances locales.
Ainsi, la décentralisation est présentée en archétype de démocratisation des mandats 24 .
Dans une vision presque enchantée, il est pensé que les acteurs politiques qui se partagent les
mandats nationaux ne seront pas très intéressés par le pouvoir politique local et qu’ils en
laisseront la gestion aux citoyens ordinaires. Mais encore faudra-t-il que ces citoyens ordinaires
aient les ressources 25 idoines, pour ce faire.
Nous entendons ici par pouvoir politique local l’institutionnel, c’est-à-dire « l’État local »
matérialisé par les institutions communales que sont notamment le conseil et les organes
exécutifs. Il semble que pour parvenir à contrôler ce pouvoir, les concurrents doivent composer
avec des acteurs d’autres structures, implantées localement, parfois au palier national mais avec
des ramifications à la base, et qui sont parties prenantes de ces luttes politiques.
En outre, les multiples régimes qui se sont succédé à la tête de l’État central ont, chacun à
leur tour, créé de nouvelles institutions locales, sans que les précédentes et leurs acteurs ne soient
délégitimés. Un « compromis historique » d’assimilation réciproque, entre les anciennes et les
nouvelles institutions, nourrit la « cohabitation » entre elles ; remarquent pertinemment les
auteurs d’une enquête anthropologique sur les pouvoirs locaux au Bénin. Du reste, l’équipe de
Thomas Bierschenk, de Jean Pierre Olivier de Sardan et de Pierre Yves Le Meur pointe la notion
de « polycéphalie », c’est-à-dire un « empilement » au village « des centres de pouvoir et des instances de
régulation, chacune avec ses propres normes de légitimité et son personnel politique, sans qu’il y ait véritable
hiérarchisation 26 ». Ils appellent ces différentes structures des arènes politiques locales, entendues
comme « un lieu de confrontations concrètes d’acteurs sociaux en interaction autour d’enjeux communs 27 ».
Retour de l’ akowé au village :
Suite aux élections communales, au détour de l’an 2002, la reconfiguration du champ
politique local relativise les thèses véhiculées dans les eaux développementistes comme
23 Le nombre total à élire est de 1199, alors que les mandats politiques nationaux étaient de 83 pour la députation
et une place pour le poste du président de la République.
24 En permettant à une grande partie du peuple d’y avoir accès.
25 Nous parlons des ressources aussi bien économiques, culturelles, symboliques, que relationnelles, nécessaires
à la conquête du pouvoir. En outre, pour exercer et conserver le pouvoir, Jean-Patrice Lacam a mis en évidence
que le politicien tel un investisseur doit stocker et innover (accumulation et restructuration) en permanence des
outils appropriés (ressources politiques), mais que tout le monde ne dispose pas forcément des capacités pour ce
faire. Voir J.-P. Lacam, « Le politicien investisseur, un modèle d'interprétation de la gestion des ressources
politiques », Revue Française de Science Politique, février 1988, volume 38, n°1, pp. 23-48.
26 T. Bierschenk et J. P. Olivier de Sardan (dir.), Les pouvoirs au village, Le Bénin rural entre démocratisation et
décentralisation, Paris, Karthala, p. 30.
27 Ibid, p. 262.
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