« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

Quoique le chevauchement des statuts d’homme politique et d’acteur social existe, on
assiste plus couramment à une « division du travail » dans la famille. L’homme qui est un agent
politique délègue à sa femme le contrôle et la gestion de la structure associative. Nous l’avions
constaté avec le couple Soglo (infra). De même, l’association Fraternité agissante des femmes de la
commune de Grand-Popo, par exemple est présidée par la femme d’Aurélien Houéssou. Cette ONG
qui, grâce à la micro finance, donne un coup de pouce aux projets des femmes de tous les
arrondissements de la commune, bénéficie de l’attention du Conseil général de la Vendée en
France. Le déplacement au Bénin de son président Philippe de Villiers a considérablement
renforcé la renommée de cette association qui n’en demandait pas mieux, pour symboliser aux
yeux de la population ses relations à l’étranger.
La célébration, voire la labellisation dans les imaginaires de tout ce qui vient généralement
de l’étranger s’inscrit dans la pure tradition des stratégies d’extraversion usitées par divers agents
en Afrique. Jean-François Bayart dans la préface à la nouvelle édition de L’Etat en Afrique nous
restitue l’historicité des stratégies d’extraversion des acteurs dominants en Afrique depuis des
siècles 236 . Aujourd’hui, sur le plan économique, l’aide au développement, en haut comme en bas,
autrement dit à l’Etat ou directement aux ONG, est un moyen privilégié de consolidation et
d’affirmation des positions de pouvoir sur le sous-continent africain, à l’instar du Bénin.
Pour revenir à l’association des femmes à Grand-Popo, bien que ce soit la femme qui s’en
occupe, le mari en tire un capital politique non négligeable. Les hommes politiques dans leur
stratégie clientéliste font souvent accroire qu’ils ont des relations à l’étranger et qu’il suffirait que
les populations votent pour eux et le développement ira comme le train sur les rails 237 . Justement,
pour les électeurs aussi, le notable politique « idéal » est celui qui conjugue à la fois les ressources
relationnelles internes et externes pour drainer des projets dans le terroir. Et vu qu’il n’est pas
facile de dénicher des oiseaux rares qui ont un carnet d’adresses chargé tant au Bénin qu’à
l’extérieur, les électeurs leur substituent une personnalité capable de débourser immédiatement de
sa propre tirelire pour combler les attentes clientélistes.
Dans cette logique, même l’Akowé qui veut aujourd’hui se construire une véritable
notabilité politique déploie toute son imagination pour se donner les ressources nécessaires à
cette fin. Généralement, ce sont les sommes détournées des caisses de l’État, qui reviennent au
terroir pour nourrir cette quête. En outre, très fréquemment, des dirigeants politiques s’associent
au milieu économique pour avoir le nerf de la guerre, soit en moyennant les marchés publics
236
Voir J.-F. Bayart, « Préface », L’Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Bayard, Nouvelle édition,
2006, pp. III-LXVIII.
237
T. Bierschenk, « L’appropriation locale de la démocratie : Analyse des élections municipales à Parakou,
République du Bénin, 2002/03 », The Working Papers, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, Johannes
Gutenberg-Universität, 2005, p.22.
77