« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

candidats. Insidieuse mais perfide, l’origine est la « pierre angulaire de la conscience collective 101 » au
grand dam des vœux pieux d’une unité nationale proclamant « une nation, un peuple ». Chaque
communauté veut tirer un maximum de gains des ressources publiques.
« Celui qui a son fils sur le manguier, ne mange pas de mangue verte »
Jeanne, couturière à Grand-Popo, la quarantaine, mariée avec un nigérien qui vit en
France et mère de trois enfants, interrogée sur la raison du vote pour le fils de terroir, trouve le
fondement dans la corruption et le clientélisme.
« Tout le monde sait que la politique est faite pour voler et tout le monde vole. Si j’ai choisi un fils du
terroir [Edùnmèvi en Mina et Tôvì en Fon, Nda], c’est pour qu’il parte aussi s’enrichir, même si
c’est pour sa famille. Le coq à un seul propriétaire, mais il chante pour tout le village. Il va donc penser
un peu à nous. Même s’il ne me donne rien, ce n’est pas grave. Je serai fière qu’il en profite au lieu que ce
soit quelqu’un d’ailleurs. Je n’ai pas forcément besoin d’argent tout de suite, mais quand j’aurai un
problème, il pourra m’aider à le régler, lui-même ou ses relations. Celui qui a son fils sur le manguier, ne
mange pas de mangue verte, dit le proverbe102. »
Ce proverbe Fon, très récurrent dans les propos de nos interviewés, au nord comme au
sud du Bénin, se veut désormais national. La stratégie d’utilité apparaît comme un déterminant du
« vote de solidarité » pour le fils de terroir. L’électeur choisit dans sa communauté sachant que
son élu pourra après lui être utile. Cette stratégie d’utilité va l’amble avec la décentralisation qui
apparaît comme une rente de situation, un partage du gâteau national aux fils de chaque terroir,
érigé en commune.
À vrai dire, pour nous, cette solution constitue paradoxalement un chenal de démocratie
apaisée, lorsque l’on sait que les communautés absentes du gouvernement central le rejettent.
Face à ce délitement du lien à la communauté nationale, la décentralisation rime, dans une
certaine proportion, comme vectrice de drainage de ces communautés vers une coexistence
pacifique entre elles et par ricochet de consolidation démocratique. Aussi, l’ancien Secrétaire
général des Nations Unies, Kofi Annan trouve-t-il que : « la démocratie ne peut fonctionner que si tous
les groupes ont le sentiment qu’ils appartiennent à la société, et qu'elle leur appartient. Souvent, cela suppose de
garantir par un moyen ou par un autre que les minorités reçoivent à titre permanent, une part du pouvoir. Dans
101 J.-P. Dozon, op. cit., p. 64.
102 Jeanne, entretien, Grand-Popo, 14 février 2007.
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