« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

constituant « des paramètres ordinaires du politique », en situation de transition, voire comme pouvant
éventuellement être des vecteurs de démocratisation 109 ».
Cependant, Christophe Jaffrelot, tout en adhérant à cette thèse, nuance : « la division de la
société en communautés ethniques et religieuses peut donc être un atout pour la démocratie lorsque les élites
communautaires y voient un moyen de résoudre leurs conflits de façon pacifique [ seulement ] au-delà d’un certain
seuil, les antagonismes entre communautés religieuses, linguistiques, etc. bloquent cependant la bonne marche des
institutions et font peser l’hypothèque de la violence, rendant toute forme de démocratie impossible 110 ».
Comlan, menuisier d’une cinquantaine d’années à Kotocoli, dans la commune de Grand-
Popo, abordant les raisons du vote pour le fils du terroir se rallie à cette solution, faute de mieux :
« Les hommes politiques viennent ici nous voir et nous promettre tous les biens du monde. Mais après
les élections, nous ne les voyons plus ; ils disparaissent…pour réapparaître à la prochaine élection. Nous,
nous sommes fatigués. Nous ne savons plus qui dit vrai. Ici à Kotocoli [commune de Grand-Popo,
Nda], la voie qui mène au goudron n’est pas praticable pendant les deux saisons de pluies. Ils nous ont,
à chaque élection, rassurés qu’ils trouveront une solution. Tout le village attend toujours. Mais comme il
faut voter pour quelqu’un, on choisit nos fils. D’ailleurs, c’est la chambre qu’on balaie avant le salon.
L’enfant du village, lui au moins, il reviendra sans cesse ici et on lui demandera toujours des
comptes111. »
Confronté à la désaffection politique, l’électeur au lieu de se claquemurer dans une
« abstention active 112 », faute de l’offre politique idoine, s’en remet à l’enfant du village par une « fides
implicita 113 » autrement dit une « délégation globale et totale », selon les mots de Pierre Bourdieu. Le
vote préférentiel pour le fils du terroir répond ce faisant à une quête de représentants politiques
responsables, à qui les habitants pourraient demander, dans le cas échéant, des comptes. Philippe
Braud lit à travers le vote préférentiel « un élément humain de la représentation politique 114 ». Mais cette
représentation politique ne tire pas sa source de la loi de nature qui veut que le souverain garde
toute initiative et ne soit impérativement tenu que de « rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à
personne d’autre 115 », comme l’envisage Hobbes dans le Léviathan.
109
C. Mayrargue, « Dynamiques religieuses et démocratisation au Bénin », Thèse de science politique,
Bordeaux, Cean, 2002, pp.35-36.
110
C Jaffrelot, « Comment expliquer la démocratie hors d’Occident ? », in C. Jaffrelot (dir.), Démocraties
d'ailleurs, Paris, Karthala-CERI, 2000, p. 55.
111
Comlan, entretien, Kotocoli (Grand-Popo), 17 février 2007.
112
P. Bourdieu, « La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique », Actes de la
recherche en sciences sociales, n° : 36-37, 1981, p.5.
113
Ibid.
114
P. Braud, op. cit., p. 374.
115
T. Hobbes, Léviathan, rééd. Paris, Gallimard, 2007, p. 494.
40