« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

Bénin. C’est cette adhésion naturelle, passionnée, à l’opinion des groupes d’appartenance que
beaucoup assimilent au vote de solidarité ethnique, nuisible pour la démocratie. En outre,
Maurice Enguéléguélé y voit dans l’électeur africain un être doté de rationalité. Un modèle d’
« électeur consommateur 341 » tel un consommateur ordinaire en face d’une décision d’achat. Il
réfléchit avant d’opérer l’achat de biens. Il en va ainsi de l’électeur en Afrique selon ce dernier.
Même si nous ne partageons par entièrement cette thèse, car non seulement il n’y a pas un
échange de biens matériels entre le candidat et l’électeur, mais aussi il efface le principe d’utilité
dans l’achat; cependant, cette analyse a le mérite de restituer l’once de rationalité qui sous-tend les
logiques et comportements électoraux en Afrique.
Dans cette logique, les électeurs sont attirés par les candidats qui jouissent d’une image de
réussite sociale, capables d’enclencher la modernisation de leur localité; ceux que nous avons
présentés comme des notables. Il en fut ainsi dans la France de l’Ancien régime à la fin de la IV e
République avec l’arrivée du général de Gaulle en 1958. L’instauration du suffrage censitaire au
XVI e siècle a toujours favorisé les personnalités en vue : le fermier le plus notable, le syndic
paroissial et même le curé 342 . Par la suite ce fut ainsi pendant longtemps, avant que le personnel
politique ne se professionnalise davantage avec l’Ecole Nationale de l’Administration créée certes
en 1945, mais c’est à partir des années 1960 que ses élèves prennent l’hégémonie sur les
notables 343 , dévalorisant ainsi les ressources notabiliaires au profit du capital culturel. Mais le
Bénin n’en est pas encore à ce niveau. La démocratie fait son chemin, à son rythme.
Pour revenir à l’objet local, la réforme de l’administration territoriale, parée de toutes les
vertus démocratiques, n’a pas porté la promesse de la vision enchantée de ces promoteurs. C’est
ainsi que, contrairement aux vœux des initiateurs de la décentralisation, les citoyens ordinaires ne
sont pas élus dans les conseils locaux, parce que dépourvus de ressources idoines. Les
institutions locales dans leur fonctionnement reproduisent les maux qui minent l’administration
au niveau national : la bureaucratie, la politique de ventre, le copinage, l’opacité de la gestion… La
lutte pour le pouvoir politique local devient une lutte pour les richesses, comme dans l’appareil de
l’Etat central 344 .
Bon nombre de maires élus se sont considérablement enrichis au détriment des projets de
développement local. Alors que justement, l’une des motivations de la réforme est de booster la
modernisation des communes. Mais les pratiques n’entrent pas manifestement en consonance
avec l’esprit des chantres de la décentralisation. Au surplus, dans les conseils communaux, le
341
M. Enguéléguélé, op. cit., p. 102.
342
Voir André Jean Tudesq, op. cit., pp. 106-125.
343
Précisons que la notion de notable a beaucoup évolué et le notable d’une période n’a pas la même
signification que celui d’une autre époque.
344
Voir Bayart, L’Etat en Afrique…, op. cit., p. 122.
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