« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

Un orchestre musical, moderne de fanfares, rythme en sons la suite du parcours jusqu’au
retour dans la maison mortuaire. C’est ici que le contrôle social aiguise ses radars pour mieux
capter les moindres failles. Et pour ne pas être l’objet du ridicule voire des critiques au village, les
enfants du défunt mettent un point d’honneur à sacrifier à l’orgie alimentaire. Des bœufs, poulets,
moutons et des porcs sont immolés ; on y mange abondamment et des boissons, surtout l’alcool
local, Sodabi, coulent à flots.
Ce qui est intéressant à observer ici, ce sont les personnes qui ne sont pas officiellement
invitées à la réception organisée lors de ces funérailles qu’on appelle « ago ». Mais la tradition ou
du moins le comportement légitime demande que ces « pique-assiettes » soient aussi
convenablement servis au même titre que les autres. Cette manière de profiter du repas lors de
ces banquets est nommé « afù » et ceux qui s’y adonnent sont les « afùduto ». Certains en sont des
spécialistes. Très organisés, à partir du milieu de la semaine, ils ont leur transistor collé à l’oreille
et notent au cours des annonces de nécrologie, l’agenda du week-end. Quoique conscients du
statut de ces afùduto, les éplorés leur donnent toutefois à manger afin de ne pas s’attirer
l’opprobre, à fortiori au village. Parce que le bon comportement exige l’esprit de partage et de
solidarité entre tous.
Un constat hallucinant qui fait noter à l’observateur que « les funérailles en Afrique donnent
lieu à de biens curieux phénomènes. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, le continent semble perdre
progressivement le sens des proportions dès lors qu’il s’agit de porter en terre un être décédé, tout et le contraire de
tout se voit. Ce qui frappe le plus est cette solidarité presque spontanée qui s’exprime non en faveur des malades
souvent abandonnés à leur sort dans les hôpitaux et dans les mouroirs, mais en faveur de la personne décédée. Là
brusquement en effet, cette solidarité se réveille et les dépenses les plus folles sont ordonnées : telle famille incapable
de réunir 10.000F CFA pour une ordonnance médicale pouvant sauver le malade et prolonger sa vie, se met
littéralement en quatre pour rassembler des millions que coûteront les funérailles d’autant plus dispendieuses que la
personne disparue est d’un rang social élevé 212 ».
Le contraste souligné est l’expression de la projection de l’individu dans le « chez soi 213 ».
Comment il met du liant dans son milieu social de vie. Achille Mbembé nomme par « le chez soi, cet
espace réduit et ce patrimoine foncier où les relations directes et de proximité sont renforcées par l’appartenance à
une généalogie commune, à une même matrice réelle ou supposée qui sert de fondement à l’espace civique. Les
funérailles et l’enterrement constituent les formes de ritualisation par excellence de l’appartenance à cet espace
civique qu’est le chez soi 214 ».
212 B. A. Capo-Chichi, « Les funérailles en Afrique », Le bulletin des Organisations de la société civile
béninoise, n° 8, 2005, www.osc.bj.refer.org/article.php3?id_article=186, page consultée en mai 2007.
213 A. Mbembé, op. cit., p. 38.
214 Ibid.
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