« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

dépendantistes 28 , qui n’ont pas véritablement pris en compte les dynamiques locales, et montre
que la démocratie locale au Bénin n’a pas forcement favorisé une forte représentativité des
habitants ordinaires dans les institutions locales.
La décentralisation, comme ses promoteurs le supposaient, n’est pas obligatoirement un
remède talismanique censé assurer automatiquement l’élection des habitants ordinaires dans les
organes locaux. Ainsi, le départ de l’autorité nommée par l’État jadis, c’est-à-dire le sous-préfet,
ne s’est pas accompagné, dans la foulée, par l’élection d’édiles locaux qui côtoyaient auparavant
les populations.
La lutte pour le contrôle de l’ « État local » a vu le retour des « akowé » au village. La
figure de l’akowé renvoie, à l’origine, aux lettrés qui sont allés à l’école des Blancs 29 . Ce sont les
« évolués » qui bénéficiaient d’un statut prestigieux, parce que symboles de réussite sociale dans
l’imaginaire collectif. Associé par sa traduction littérale en Fon, au « clan du Blanc » (Ako veut
dire clan et wé la couleur blanche), mais wé désigne aussi les études « le clan de ceux qui ont fait
des études). De même, l’akowé était bien moulé, par son occidentalisation 30 , dans son premier
sens d’origine Yoruba qu’est l’ « évolué », surtout s’il a séjourné en Europe. Ce dernier était
toujours bien habillé avec le col et les ongles propres, contrairement au vulgum pecus.
Aujourd’hui encore, le mythe de l’Akowé continue toujours de nourrir les imaginaires,
notamment politiques, au Bénin 31 .
Par un glissement successif, la figure de l’akowé a fini par être assimilable à celle de
« mèdjomè ». Cette dernière notion désigne une personne honorable de par sa réussite sociale.
Théophile Vittin explique que c’ est « une personnalité importante ayant une position matérielle et sociale
élevée, qui suscite admiration et respect 32 ». Mais la notion de mèdjomè tire son origine de la croyance en
« l’incarnation », très en vogue dans les sociétés du Sud-Bénin. L’enfant, nouvellement né, serait
l’incarnation d’un ancêtre mort qui est son Djotò. En s’incarnant dans un enfant de la famille,
l’ancêtre devient un mèdjomè c'est-à-dire une personne qui mérite d’être honoré. Par un glissement
progressif, le terme s’applique dans la société à toute personne digne d’honorabilité.
28
Sur ces notions, voir Jean-François Médard, « L’Afrique et la science politique », pp. 276-285 in Christian
Coulon et Denis-Constant Martin, dir., Les Afriques politiques, La Découverte, 1991 ; Daniel Bourmaud, La
politique en Afrique, Paris, Montchrestien, 1997, pp. 43-68 et M. Gazibo, Introduction à la politique africaine,
Montréal, PUM, 2006, pp. 39-45.
29
L’école coloniale ou catholique était, au départ, fréquentée par les enfants des riches familles de la côte du
pays, principalement les Agùda de Ouidah, Porto-Novo et Grand-Popo, descendants d’esclaves ou esclavagistes
venus du Brésil. Mais par petites touches, l’instruction a fini par s’étendre à d’autres couches sociales et aires
géographiques du Bénin, surtout le Nord qui continue depuis les années 1960 à rattraper son retard.
30
Modes de vie à l’européenne : Vestimentaire, culinaire, langage, culture…
31
Voir R. Banégas, « Le mythe de l’akowé dans les imaginaires politiques », La démocratie à pas de
caméléon…op. cit., pp. 40-43.
32
Voir T. Vittin, Esquisse de la formation et de l'évolution des élites modernes au Bénin, Bordeaux, IEP-CEAN,
1989, p. 21.
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