« La démocratie doit chercher sa validité et son ... - fasopo

fils de terroir englobe à la fois l’ethnocentrisme et le régionalisme 88 . Très usitée, « cette bonne matrice
des représentations populaires 89 », pour reprendre ici une formule de Jean Pierre Dozon, qu’est
l’idéologie du fils de terroir, mérite que l’on s’y attarde pour en clarifier les ressorts afin de mieux
saisir le sacre électoral des natifs dans les communes.
La perspective de ce chapitre est double. D’abord se demander, qui peut se réclamer fils
d’un terroir ou comment être du terroir ? Et ensuite, pourquoi le fils de terroir réussit-il à faire de
sa position d’autochtonie une ressource politique majeure ? L’éclaircissement de ces questions
entend franchir le cap du constat factuel de la consécration électorale du fils du terroir, et
s’intéresser à l’ « habitus 90 » irriguant cette « conscience collective 91 » politique du vote pour le fils du
terroir.
Nous faisons l’hypothèse que le lien de parentèle de sang, réel ou supposé 92 , très fort
dans les sociétés africaines et principalement au Bénin, est la sève qui nourrit le discours de
légitimation favorisant le sacre de « l’enfant du pays ». Dans le même ordre d’idées, la sensibilité
pour le fils du terroir n’est pas uniquement un fait des élections locales, mais englobe toute la vie
publique au Bénin, à telle enseigne que la démocratie devient une lutte des terroirs. Mais si le
« répertoire ethnique ou régionaliste 93 » est souvent utilisé par les agents politiques, il relève de ce que
Cédric Mayrargue décèle comme une « campagne de l’ombre 94 » car tous les discours officiels
stigmatisent cette pratique.
88
Guy Landry Hazoumé établit une nuance entre ces deux notions. L’ethnocentrisme est vue comme « la
solidarité ethnique ou linguistique », tandis qu’il présente le régionalisme tel « une solidarité qui au niveau de
la région, englobe et laisse subsister des solidarités secondaires de groupe ethnique et de la langue ». Voir G. L.
Hazoumé, Idéologies et tribalistes et nations en Afrique, le cas dahoméen, Paris, Présence Africaine, 1972, p.27.
89
J.-P. Dozon, « Les Bété : une création coloniale », in J.-L. Amselle et E. M’Bokolo, Au cœur de l’ethnie.
Ethnies, tribalisme et État en Afrique, Paris, La Découverte, 1999, p.54.
90
Terme mis en perspective sociologique par les travaux de Pierre Bourdieu inspiré par Emile Durkheim.
L’habitus est pour Bourdieu un « système de dispositions durables et transposables qui, intégrant toutes les
expériences passées, fonctionne à chaque moment comme une matrice de perception, d’appréciations et
d’actions, et rend possible l’accomplissement de tâches infiniment différenciées, grâce au transfert analogique
de schèmes permettant de résoudre les problèmes de même forme ». Voir P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de
la pratique, Genève, Doz , 1972, pp. 178-179.
91
Expression empruntée à Emile Durkheim. Voir Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, rééd.
Paris, PUF, 1979, p. 630-631.
92
Le lien de sang n’est pas toujours réel entre les individus, ou du moins est très diffus. Mais pour légitimer la
parentèle, ils supposent que les ancêtres lointains étaient consanguins.
93
C. Mayrargue, « Les langages politiques en campagne électorale. Représentations et comportements des
candidats à une élection présidentielle au Bénin », in P. Quantin (éd.), Voter en Afrique, comparaisons et
différenciations, Paris, l’Harmattan, 2002, p. 300.
94
Ibid
35