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LES ORIGINES DE LA CONQUETE CHAPITRE I ETAT DE LA KABYLIE ORIENTALE LORS DE NOTRE ARRIVEE A CONSTANTINE Le vaste ensemble montagneux que constitue la Kabylie Orientale, s'étend en bordure de la mer, de Bougie à Philippeville. Limité au Sud- Ouest par la chaîne des Biban, au Sud par les hautes plaines de Sétif et de Constantine, il est formé de plusieurs régions géographiques qui portent des noms différents. Tout à fait au Sud-Ouest, l'oued Bou-Sellam, affluent de l'oued Sahel, traverse le pays montagneux du Guergour, auquel fait suite, au Nord de Sétif, la Kabylie des Babors, appelée aussi Petite Kabylie. Région très pittoresque, ses plus hauts sommets sont constitués par des rochers calcaires que les Kabyles appellent azerou. Les chaînes forment une série de rides parallèles, grossièrement alignées d'Ouest en Est, et dont les points culminants sont le djebel Babor (2.004 m.) et le Taba- bor (1.965 m.). Le caractère le plus frappant de la topographie réside dans son aspect contrasté ; partout les crêtes aiguës côtoient de profondes val lées ; ces dénivellations considérables tériioignent d'une érosion intense. Parmi les torrents qui ravinent le versant septentrional de cette région, l'oued Agrioun est le plus remarquable. Il traverse les chaînes calcaires du djebel Takoucht à l'Ouest et de l'Adrar Amellal à l'Est, par le défilé étroit et profond du Chabet-el-Akhra, véritable « défilé de la mort », impressionnante gorge longue de sept kilomètres, dominée par des mu railles qui s'élèvent à pic jusqu'à plusieurs centaines de mètres. Les montagnes s'étendent jusqu'au littoral, et donnent à la courbe majestueuse du golfe de Bougie, avec les caps Aokas, de Ziama et du djebel Breck à l'embouchure de l'oued Taza, beauté. un cachet d'une grandiose Du djebel Babor se détachent, vers l'Est, une série de contreforts élevés formant la ligne bien nette de la chaîne Numidique qui passe par le pic de Tamesguida, le djebel Affroun et le djebel Zarza, la chaîne du Zouagha, cœur du pays du même nom dont le rôle historique au cours de la conquête fut considérable. Cette série de chaînons constitue la ligne de partage des eaux de deux régions différentes : au Nord s'étend
_ 14 — le pays qui forma, dès les premières années de notre conquête, le cercle de Djidjelli ; il est drainé par quelques rivières côtières dont les prin cipales sont l'oued Missa, qui se jette à la mer sous le nom d'oued Djin- djen, et l'oued Nil. Au Sud, au contraire, la plupart des rivières, comme l'oued Itéra et l'oued Endja, sont tributaires de l'oued El-Kébir. Là s'étendait, lors de notre arrivée, le pays du Ferdjioua, dont l'importance fut semblable, sinon supérieure, à celle du Zouagha. Entre l'oued El-Kébir et la vallée du Safsaf, s'élèvent les monts de la Kabylie de Collo, traversés dans leur partie médiane par la pittores que vallée du Guebli, qui sépare l'importante tribu des Béni Mehenna à l'Est de celle des Béni Toufout à l'Ouest. Au Sud de cette tribu, la chaîne Numidique se continue avec le djebel Aïcha et le kef Sidi-Dris. Au Nord, s'avance vers la mer, pour former le promontoire du cap Bougaroun, découpé et rocheux, le pâté de Collo dont le point culminant est le djebel Goufi. Toutes les montagnes de Kabylie Orientale, dressées en bordure de la mer, face aux vents pluvieux du Nord-Ouest, sont fortement arro sées ; les massifs les mieux exposés reçoivent plus d'un mètre d'eau par an, et en hiver la neige reste plusieurs semaines sur leurs sommets. Une telle humidité a permis le développement de vastes massifs fores tiers qui sont parmi les plus beaux de l'Algérie : « Les forêts de chênes- lièges se sont bien conservées sur les grès infertiles et sur les massifs schisteux très arrosés ; des chênes à feuilles caduques (zéen et affarès) egayent les versants creux les plus humides, et des bouquets de pins maritimes se dressent près du littoral ». Entre Djidjelli et Collo, les forêts sont très denses et le coefficient de boisement atteint 60 % ; les sous-bois sont touffus et presque impénétrables (1). A l'époque de leurs premiers contacts avec les Français, les Kabyles qui habitent ces régions sont encore très sauvages. Sédentaires, ils ont leurs habitations fixées au sol, mais les vastes forêts ont été un obstacle à la formation de gros villages ; et si dans le Guergour, et certaines parties du Babor, quelques villages aux maisons de pierre solidement construites rappellent encore ceux de Grande Kabylie, à partir du ver sant oriental du Babor jusqu'à la vallée du Safsaf, les indigènes habi tent presque toujours des gourbis faits de branchages enduits d'argile ou de bouse de vache, de diss. ou bien des huttes de pierre sèche recouvertes Leur genre de vie révèle une pauvreté extrême : ils ne peuvent trouver, dans un pays aussi accidenté, de grandes étendues de terre labourable, et l'acidité du sol qui manque de chaux ne permet guère de riches cultures. Aussi les récoltes de céréales sont-elles peu abon dantes, sauf peut-être celle du sorgho ; leurs méthodes de travail sont d'ailleurs rudimentaires : elles se bornent à un défonçage superficiel du sol avec la vieille araire, tirée par des bêtes de somme, mulets ou bovins, parfois par les hommes eux-mêmes. (1) Voir carte VIII.
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