1948 T.16 Bis - 2e Série.pdf

_ — 21
marabouts, le Coran, le droit musulman et la grammaire, et des étu
diants ou tolba venaient s'instruire aux zaouïa. En Kabylie Orientale,
on comptait plusieurs de ces centres intellectuels: dans la région de Col
lo, la zaouïa de Sidi-el-Goufi comprenait un certain nombre de person
nages spécialisés dans le droit musulman; près de Mila,
se trouvait le
centre important de Sidi-Khelifa, dont le rayonnement survivra à la con
quête; il en est de même dans la vallée de la Summam, des zaouïa de Sidi-Moussa
et de Sidi-Ahmed-Zerrouq. Enfin, chez les Beni-Ider, près de
l'actuel village de Chekfa, la zaouïa de Mouley-Chefka possédait de
pieux lettrés, dont il est difficile de déterminer la véritable importance.
Si elle était brillante avant la conquête, elle ne survécut pas à la desti
tution de Mouley-Chekfa par notre autorité, et disparut peu après. Il
faut signaler aussi d'autres centres beaucoup plus rudimentaires, près du
village actuel de Lafayette et de Djemaâ-Mansouria. Au total, ces zaouïa
étaient peu nombreuses et leur action limitée à une élite restreinte de la
société kabyle. La masse de la population restait ignorante et grossière.
Au début de la conquête, aucun autre élément ne contrebalançait
l'autorité toute puissante des marabouts en matière religieuse, morale
et intellectuelle. Les Khouan (1) étaient peu nombreux, car l'ordre deli-
gieux des Bahmanya, fondé par Si-Abd-er-Bahman, en Grande Kabylie,
n'avait encore qu'une faible extension. La conquête française, nous le
verrons, se chargera de renverser les rôles.
Tel était, en 1837, ce pays de Kabylie Orientale que nos armées,
après leur arrivée à Constantine, trouvaient en face d'elles et qu'elles
auraient à soumettre un jour ou l'autre.
(1)
Khouan : Frères, c'est-à-dire adeptes d'un ordre religieux.